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Philosophie de la Non-Violence

Discussion dans 'Activisme, théories et révolution sociale' créé par Oi_Polloi, 18 Mars 2006.

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  2. libertaire, anarchiste, anarcho-communiste, internationaliste, auto-gestionnaire, synthèsiste
    Anarchisme

    L'anarchisme est la doctrine politique qui refuse à l'Etat le droit de recourir à la violence pour contraindre l'individu à se soumettre à sa loi. Au nom de la liberté individuelle, l'anarchisme dénonce l'ordre social imposé par l'Etat. Il refuse toutes les justifications par lesquelles l'Etat affirme la légitimité de la violence qu'il emploie pour imposer sa propre souveraineté et assurer sa propre conservation. L'anarchisme appelle à lutter contre l'Etat jusqu'à ce qu'il dépérisse.

    La non-violence rejoint l'intuition de l'anarchisme et reprend à son compte sa critique radicale de l'Etat dans la mesure même où la violence, si elle n'est pas le seul moyen auquel il a recours pour établir ou rétablir d'ordre social, est en effet son moyen spécifique d'intervention. Malheureusement, l'anarchisme est généralement resté prisonnier de son refus de l'Etat, comme le pacifisme est resté prisonnier de son refus de l'armée. L'Etat et l'armée sont des " monstres froids " qui restent insensibles face aux incantations des anarchistes et des pacifistes qui jurent de les abattre ".

    C'est pourquoi les uns et les autres se sont montrés incapables d'infléchir l'histoire des sociétés et de les libérer de l'emprise de la violence. Le plus souvent l'anarchisme n'a inspiré qu'une révolte d'autant plus inopérante qu'elle s'exprimait à travers l'action violente. Ce faisant, l'anarchisme se discréditait lui-même en s'enfermant dans une contradiction totale : on ne peut contester efficacement l'Etat en s'autorisant soi-même à recourir à la violence. La logique de l'anarchisme ne peut se développer que dans la logique de la non-violence.

    Une politique non-violente récuse l'idéalisme et l'irréalisme de l'anarchisme qui l'ont conduit à ignorer les contraintes de la réalité et l'ont empêché de proposer des alternatives constructives. La non-violence est ainsi mise en demeure de faire la preuve quelle permet de construire une société qui puisse être gérée autrement que par la menace de la violence et la violence elle-même. C'est précisément l'ambition de l'autogestion.

    Autogestion

    Une campagne d'action non-violente doit se donner un objectif clair, précis, limité et possible, qui puisse être atteint à court terme. Mais, en même temps, les injustices dénoncées et combattues ne doivent pas être isolées de leur contexte économique et politique. Il importe au contraire de les situer à l'intérieur d'une analyse globale de la société et que l'objectif ponctuel choisi soit lui-même intégré à un projet politique global. Une action non-violente vient alors prendre sa place dans la cadre d'une stratégie visant à faire aboutir à long terme un projet politique dont la visée est de construire une société plus juste et plus libre.

    Une politique non-violente ne se réduit pas à une somme de contestations et de protestations contre les injustices du désordre établi ; elle doit être fondée sur des propositions concernant l'ordre social, dont elle doit prétendre assumer la gestion.

    Les exigences éthiques et politiques de la non-violence, comme la simple observation des faits, nous obligent à dénoncer l'incapacité des systèmes capitalistes et communistes à promouvoir une société de justice' et de liberté. Par son dynamisme propre, la non-violence est porteuse d'un projet politique qui établisse une véritable démocratie, à la fois économique et politique.

    Un tel projet doit viser à inscrire dans la réalité sociale l'égalité des chances pour tous et laisser espérer la diminution progressive des rapports de violence dans l'organisation sociale. Il rejoint ainsi celui du " socialisme autogestionnaire " dont la visée est de permettre à chaque femme et à chaque homme d'acquérir le pouvoir d'être maître de son propre destin dans la co-responsabilité de la " chose publique " (c'est-à-dire de la ré-publique) avec les autres membres de la société.

    L'autogestion politique, c'est la gestion de la république par les citoyens eux-mêmes. Cela implique qu'ils participent plus directement aux pouvoirs de décision répartis aux différents niveaux de l'organisation sociale. L'autogestion consiste donc dans l'exercice du pouvoir par le peuple : elle est donc l'expression effective de la démocratie.

    Un projet autogestionnaire doit préciser les structures et les institutions sociales, économiques et politiques qui permettraient de résoudre les inévitables conflits qui surgissent au sein d'une collectivité humaine, sans retomber dans les contradictions du centralisme autoritaire et bureaucratique qui caractérise la gestion de nombreux états modernes, c'est-à-dire sans être à nouveau prisonnier de l'engrenage de la violence. En ce sens, la visée de l'autogestion est de se rapprocher le plus possible d'une gestion non-violente de la société politique.

    De même que la lutte non-violente rend nécessaire de recourir à certains moyens de contrainte, la gestion non-violente de la société n'est pas possible sans la mise en oeuvre de certaines contraintes pour établir et maintenir l'ordre social. L'autogestion ne peut pas être la convivialité harmonieuse de tous les citoyens unis dans le respect et la confiance mutuels. Prétendre éliminer toute contrainte de l'organisation sociale, ce serait déraper vers l'utopie et se condamner à l'impuissance. Mais dire cela, ce n'est pas retomber dans la logique de la violence, c'est s'obliger à rechercher les moyens non-violents d'une telle contrainte.

    Écologie

    L'homme fait subir de multiples " violences " à son environnement et il en subit lui-même les contre-coups. La destruction de son " cadre de vie " porte directement atteinte à < la qualité de sa vie ". Le respect de la nature est donc un respect que l'homme se doit à lui-même. Le besoin de respecter et de protéger la nature ne procède pas d'un quelconque sentimentalisme mais d'un impératif politique. L'écologie est la recherche et l'énoncé des règles et des normes auxquelles les activités de l'homme - notamment économiques - doivent se soumettre pour respecter les rythmes et les équilibres naturels de son environnement.

    Force nous est de reconnaître que le gaspillage de nombreuses ressources naturelles a entraîné une déstabilisation de l'environnement dont les conséquences, si le processus se poursuivait, pourraient avoir un caractère tragique pour la survie même de notre espèce. C'est aujourd'hui un fait scientifiquement établi que l'air, l'eau et la terre sont gravement pollués et que leur pollution vient menacer notre propre vie.

    Cependant, ces dégradations ne présentent pas le plus souvent un caractère irréversible. Il est encore possible d'y porter remède, à condition de le vouloir et de prendre les mesures qui s'imposent. Il y a urgence.

    Malheureusement, il existe dans nos sociétés modernes un consensus productiviste. Ni le libéralisme, ni le socialisme n'ont pris la mesure des contradictions et des impasses dans lesquelles nous a conduits le progrès technique livré à lui-même. Ni l'un, ni l'autre ne se sont détournés à temps des illusions scientistes apparues à la fin du XVIIIème siècle qui ont fait espérer un progrès social continu comme conséquence d'un progrès technique linéaire.

    Nous devons aujourd'hui reconnaître la faillite de la conception et de la réalisation scientistes du progrès industriel. Cela ne signifie nullement qu'il faille bannir toute innovation technologique en faisant une apologie fallacieuse du bon vieux temps, mais cela signifie qu'il est urgent de maîtriser le développement industriel de nos sociétés et de redéfinir les critères en fonction desquels nous devons le gérer. Des limites ont été franchies, des seuils ont été dépassés, en sorte qu'il n'est plus possible de soutenir qu'il s'agit seulement de bavures localisées. d'excès ou d'abus ponctuels auxquels un quelconque ministre de l'Environnement pourrait porter remède. C'est le système de production industrielle lui-même qu'il faut remettre en cause pour le soumettre aux impératifs écologiques. Produire autrement implique de consommer autrement, c'est-à-dire de consommer mieux.

    Le projet d'une société socialiste autogestionnaire ne peut être cohérent que s'il intègre et assume les exigences et les revendications de l'écologie. Dans cette perspective, autogestion, écologie et non-violence constituent les trois fondements d'un projet et d'une stratégie politiques susceptibles de rendre la société moins déraisonnable.

    État

    De multiples et diverses définitions de l'Etat ont été données. La plus répandue désigne l'Etat comme l'ensemble des institutions politiques, juridiques, administratives, policières et militaires qui organisent les pouvoirs et les services publics. L'une des missions spécifiques de l'Etat est d'établir, de maintenir et, le cas échéant, je rétablir l'ordre public et la paix civile. L'un et l'autre ne peuvent résulter que d'une organisation contraignante de la société reposant sur des obligations et des interdits, l'Etat exerce donc nécessairement un pouvoir de contrainte. Il serait en effet illusoire de prétendre gérer une société en n'ayant recours qu'à des moyens de persuasion ; des moyens de contrainte doivent obliger les individus à respecter le contrat social " qui fonde l'ordre et la cohésion de la cité.

    Il existe un droit et un devoir de défense de la société contre ceux qui troublent l'ordre public. Une société de droit ne peut se dispenser d'une justice et d'une police institutionnalisées, capables de " mettre hors d'état de nuire ,, c'est-à-dire de neutraliser par la " force publique ", les individus et les groupes qui mettent en danger la paix civile. On ne saurait donc organiser une société de justice et de liberté sans reconnaître la légitimité de l'obligation de la loi et de la contrainte de la justice.

    Mais, alors, une question se pose dont l'enjeu politique est décisif pour la vie même des sociétés : si la contrainte sociale est légitime pour assurer la paix civile, quels sont les moyens légitimes de cette contrainte ? Question d'autant plus cruciale que les Etats y ont toujours répondu en revendiquant pour leur propre compte, selon l'expression de Max Weber, "le monopole de la violence physique légitime ". " L'Etat, précise Weber, ne se laisse définir sociologiquement que par le moyen spécifique qui lui est propre, (...) à savoir la violence physique. (...) S'il n'existait que des structures sociales d'où toute violence serait absente, le concept d'Etat aurait alors disparu ".

    Certes, la contrainte légale (définie par le droit pénal) pouvant impliquer la violence phvsiq. ne n'est pas l'unique moyen auquel l'Etat a recours pour organiser la société. Les sociologues peuvent à bon droit souligner les aspects bénéfiques de l'oeuvre réalisée par l'"Etat de droit" dans la recherche d'une organisation rationnelle des sociétés modernes. Il n'en demeure pas moins que la contrainte et, en dernier ressort, la violence sont les moyens spécifiques de l'Etat. Il existe donc une relation organique entre l'Etat et la violence. Ce lien essentiel est souvent nie ou caché mais il est irréductible. Selon nous, il est constitutif de l'Etat.

    L'Etat fonde la légitimité de sa propre violence sur la nécessité de s'opposer à la violence des individus et des groupes sociaux qui troublent l'ordre public et d'assurer ainsi la sécurité des citoyens. Certes, il existe des situations-limites où il s'avère difficile, voire impossible, de rétablir l'ordre public sans recourir à la violence. Mais on fait subir à la pensée politique une distorsion majeure en prenant prétexte de ces cas-limites où la violence peut s'avérer nécessaire, pour construire une idéologie qui confère à l'Etat le droit de recourir normalement à la violence physique pour assurer la paix civile.

    Dès lors que la société civile a concédé à l'Etat le droit de recourir à la violence pour maintenir l'ordre public, il sera facile à l'Etat d'invoquer ce droit pour défendre sa propre " sûreté "contre les citoyens. Ce seuil franchi - et l'histoire nous montre que ce n'est pas une hypothèse d'école -, l'Etat ne constitue plus une garantie pour la sécurité des citoyens mais une menace pour elle. L'Etat est continuellement tenté de criminaliser la dissidence et de la réprimer comme une délinquance. L'ordre étatique tend à normaliser aussi les opinions.

    En institutionalisant la violence comme moyen légitime de gérer les inévitables conflits qui surgissent au sein de la société, l'Etat lui donne droit de cité. Dès lors, c'est l'ensemble des rapports sociaux qui se trouvent contaminés par la logique de la violence. En démocratie, le but premier de la politique est de mettre la violence hors la loi -, ainsi l'Etat va-t-il à l'encontre de ce but en mettant la violence dans sa loi.

    Certes, l'Etat libéral (ou " démocratique " et l'Etat totalitaire ne présentent pas le même visage et ne méritent pas le même jugement. Leur rapport à la violence est tout à fait différent dans la! pratique, mais il ne l'est pas tout à fait dans la théorie. Entre la doctrine de l'Etat libéral et celle de l'Etat totalitaire, il y a continuité. Celle-ci procède de celle-là et lui emprunte l'essentiel de son argumentation. L'Etat libéral est lui-même sous-tendu par une idéologie de la violence légitime qui porte déjà en elle l'idéologie qui servira à l'Etat totalitaire pour affirmer sa propre légitimité. " Le cancer de l'Etat, écrivait Emmanuel Mounier dans son Manifeste au service du personnalisme paru en 1936, se forme au sein même de nos démocraties. (... ) L' étatisme " démocratique" glisse à l'état totalitaire comme le fleuve à la mer".

    La raison d'Etat ignore souvent les raisons de la démocratie. N'est-ce pas le ministre de l'intérieur d'un gouvernement français on ne peut plus "libéral", qui affirmait à la télévision, le 26 février 1987 : " La démocratie s'arrête ou commence l'intérêt de l'Etat " ? Certes, les hommes d'Etat sont généralement plus discrets mais, en disant cela, le ministre français n'avouait-il pas une règle inavouée de la pratique de tous les Etats ?

    L'Etat libéral peut se montrer totalitaire à l'occasion ; il est toujours prêt pour cela. La machine bureaucratique et policière fabriquée par l'Etat libéral est prête à servir un régime totalitaire. Il suffira qu'un " homme fort " s'en empare et la fasse fonctionner à plein rendement, tout en continuant à se prévaloir de l'" Etat de droit ". Les garanties constitutionnelles et légales elles-mêmes pourront rester ; il suffira qu'elles restent lettre morte. L'histoire ne nous apprend-elle pas que la démocratie est plus souvent, plus durement et plus durablement malmenée par les violences des agents de l'Etat contre les citoyens que par les violences des citoyens entre eux ?

    Lorsque l'idéologie, au nom de la nécessité de l'ordre, innocente l'Etat de ses actes de violence, alors peut naître la tyrannie. C'est l'idéologie de la violence légitime qui engendre et nourrit les doctrines de l'Etat totalitaire. Pour combattre celles-ci, il faut commencer par récuser celle-là dès le moment où elle apparaît, feutrée et bien intentionnée, au sein des doctrines de l'Etat libéral. La non-violence récuse les doctrines de l'Etat en ce qu'elles engendrent par elles-mêmes un processus de légitimation idéologique de la violence qui peut, à l'occasion, constituer une menace pour la démocratie.

    "Je crois, affirmait Gandhi, que la démocratie ne peut résulter que de la non-violence ,. La démocratie autogestionnaire vise à faire dépérir l'Etat en organisant la société civile en sorte que les citoyens puissent prendre et exercer leur propre pouvoir. La tâche primordiale d'une stratégie de l'action non-violente est de transformer le tissu social par l'autogestion des citoyens. Mais le dépérissement de l'Etat ne peut pas être conçu comme un processus conduisant à la disparition de tout pouvoir politique de décision et d'exécution. Vouloir construire une société sans gouvernement relève de l'utopie. Une telle société. si elle était jamais instituée, se déstructurerait rapidement sous l'effet de la force dissolvante des individualismes et des particularismes. Aussi, le projet politique qui s'inspire des principes de la non-violence vise-t-il à instituer un pouvoir politique de régulation, de coordination, d'arbitrage et, le cas échéant, de contrainte qui soit un équivalent fonctionnel " de l'Etat mais qu'il nous semble préférable, pour la rigueur et la clarté des concepts, de ne plus appeler un Etat. Car un tel pouvoir politique se différencierait fondamentalement de l'Etat dans soit rapport à la violence. Plutôt que de supprimer les conflits par la violence, il s'efforcerait de les assumer par la non-violence. Cet effort devrait s'enraciner dans une volonté politique et il devrait s'incarner dans des solutions techniques. Celles-ci ne pourraient être trouvées dans un quelconque manuel théorique ; elles devraient être mises en oeuvre progressivement à travers de multiples expérimentations sociales qui ne seraient pas conduites en marge de la société mais constitueraient un investissement institutionnel prioritaire.

    La non-violence politique ne peut être absolue, elle est nécessairement relative. Tant que nous ne serons pis de purs esprits, affirmait Gandhi, la non-violence parfaite est aussi théorique que la ligne droite d'Euclide ". Il ne s'agit donc pas de partir de l'idée pure d'une société non-violente parfaite pour tenter ensuite de la plaquer sur la réalité. Il s'agit, à partir de la réalité des violences, de créer une dynamique qui vise à les limiter, les réduire et, pour autant que faire se peut, à les supprimer.

    Il existe une réaction en chaîne des violences économiques, sociales, culturelles, politiques, policières et militaires qu'il est impossible d'interrompre dès lors qu'à un moment où à un autre de ce processus, la violence se trouve légitimée par une idéologie. Pour rompre la logique de la violence, il faut créer une dynamique qui inverse le processus du développement violent des conflits. C'est cette dynamique que la non-violence nous invite à mettre en oeuvre.

    Lutte des classes

    Que les individus en soient ou non conscients, ils appartiennent à une classe sociale qui se trouve plus ou moins privilégiée ou défavorisée, selon le rôle spécifique qui est le sien dans le système économique et politique dominant. Il existe nécessairement un antagonisme entre ceux qui détiennent et contrôlent les moyens de production et les entreprises et ceux qui, en vendant leur force de travail, contribuent à la formation et à la réalisation du profit. Si cette opposition fonctionnelle peut paraître moins brutale et moins exacerbée qu'elle ne l'était naguère, c'est précisément que la lutte menée par les ouvriers leur a permis d'obtenir la satisfaction d'un grand nombre de leurs revendications. Cependant, contrairement aux affirmations sommaires de l'idéologie libérale, la lutte des classes n'est pas " dépassée ".

    En dépit des acquis sociaux qui ont permis d'améliorer sensiblement les rapports entre les différentes classes, " l'exploitation de l'homme par l'homme " n'a pas disparu de nos sociétés. De nombreuses " violences structurelles " résultent encore du mode de production capitaliste qui domine l'économie de nos sociétés. De ce fait, l'égalité des chances est encore à conquérir. Elle ne peut l'être que par la lutte des victimes des injustices sociales.

    Certes, on ne saurait plus définir une classe dominante (la " bourgeoisie ") et une classe opprimée (le " prolétariat ") qui constitueraient deux blocs homogènes. Il reste que de nombreux conflits sociaux continuent d'opposer les travailleurs aux dirigeants de leur entreprise. Seule la lutte peut leur permettre de faire reconnaître leurs droits. La lutte des classes reste donc dans nos sociétés une réalité et une nécessité. La non-violence nous conduit à en reconnaître la légitimité.

    Justifier la lutte des classes, ce n'est pas prôner la haine des classes. Ce n'est pas non plus se résigner à ce que la violence domine les rapports entre les classes. C'est simplement reconnaître que seule la lutte peut établir plus de justice entre les classes. Revendiquer la justice, c'est en même temps préconiser des moyens justes pour l'obtenir, c'est-à-dire des moyens non-violents. De fait, le plus souvent, c'est par de tels moyens que les classes défavorisées luttent pour obtenir justice. Mais leur pratique de la lutte non-violente est seulement pragmatique, ne faisant généralement pas référence à une théorie de la non-violence. La non-violence reste en effet étrangère à la culture de la classe ouvrière.

    Gardant le souvenir de ses blessures, elle n'est pas disposée à accueillir les paroles moralisatrices de ceux qui lui prêchent le refus de la violence et l'amour de l'ennemi. De tels discours préconisent en réalité la collaboration des classes. Une certaine conception de' la " charité " envers les pauvres a dispensé pendant longtemps d'exiger la justice pour les opprimés. C'est ainsi que, le plus souvent, les religions ont contribué à maintenir le désordre établi. Préconisant la " paix sociale " et condamnant la " lutte des classes ", les autorités religieuses ne se sont pas aperçues qu'il y avait plus de violence dans cette paix que dans cette lutte. Ce refus du conflit ne peut que faire le jeu des puissants. Il s'inscrit sur un registre qui n'est pas celui de la non-violence. Le dialogue des classes et la paix sociale sont en effet dans la visée de la non-violence mais, si le dialogue est un but, la lutte est bien le moyen d'y parvenir.

    Organisation

    Toute action collective, pour se déployer dans l'étendue et dans la durée qui lui sont nécessaires pour atteindre son objectif, doit être organisée. Il serait illusoire de ne compter que sur la " spontanéité des masses " ou sur le " charisme " d'un leader prestigieux. Certes, il ne peut être possible de susciter une action collective de grande ampleur sans prendre appui sur la spontanéité de celles et de ceux qui se mobilisent eux-mêmes pour construire une société plus juste et plus libre. Mais il faut organiser cette spontanéité, c'est-à-dire l'ordonner. Loin de constituer un facteur de dispersion et d'incohérence, la spontanéité devient alors un ressort qui oriente l'action et lui donne sa force.

    Pour être pleinement efficace, toute action collective exige une discipline à la fois souple et rigoureuse de tous ceux qui y participent. L'action non-violente ne saurait échapper à cette règle. Mais, dès lors qu'elle ne peut compter que sur la libre adhésion de chacun, la discipline qu'elle exige ne peut être que librement consentie. Elle est fondée sur l'engagement volontaire de chacun et non pas sur l'obéissance forcée de tous. A cet égard, toute analogie avec l'organisation et la discipline militaires doit être écartée.

    L'organisation d'un mouvement de lutte non-violente doit permettre la concertation entre tous ses membres afin que les prises de décision concernant les orientations politiques et stratégiques, la préparation et la coordination des actions engagées soient les plus démocratiques possibles. Cela implique que l'organisation soit la plus autogestionnaire possible, c'est-à-dire qu'elle permette à chacun de se sentir responsable. Etre responsable, c'est d'abord être informé. L'une des tâches permanentes de l'organisation est donc d'assurer la circulation des informations.

    La vie du mouvement doit être rythmée par des votes et des élections qui restent les meilleurs moyens de régulation démocratique d'une collectivité. On ne peut pratiquer la démocratie directe pour chaque décision. Un centre unique de décision est nécessaire à la cohésion d'un mouvement et à l'efficacité d'une action. En même temps, l'organisation doit tendre à constituer un réseau décentralisé qui s'étende à toute la société. Le plus souvent, pour exercer une réelle contrainte sur les pouvoirs établis, une action doit être organisée en profondeur dans toute la société. Pour cela, elle doit être relayée par des groupes locaux qui se soient eux-mêmes dotés des moyens organisationnels leur permettant d'être opérationnels dans l'action. La force d'un mouvement provient, pour une part décisive, du nombre et de la qualité de ces relais locaux.

    Des rencontres " nationales " doivent être organisées régulièrement, permettant aux différents responsables locaux de se rencontrer et de se connaître. La qualité des relations personnelles qui peuvent ainsi se créer renforce la cohésion du mouvement. L'organisation doit être la plus conviviale possible. On ne doit pas négliger l'importance des liens affectifs qui doivent unir celles et ceux qui luttent pour un même idéal de justice et de liberté. Les réseaux d'une lutte non-violente doivent devenir des réseaux d'amitié.

    Certes, des conflits de personnes ne manqueront probablement pas de surgir au sein d'un mouvement ; l'une des fonctions de l'organisation doit être précisément de les gérer et de les résoudre.

    Police

    Celles et ceux qui participent à une lutte non-violente sont tout naturellement conduits à faire face aux policiers chargés de " maintenir l'ordre " et de " faire respecter la loi ". Cette rencontre, aussi inévitable qu'indésirable, doit aussi être négociée selon les règles de la non-violence.

    Un mouvement de lutte non-violente doit se garder de toute déclaration d'hostilité à l'égard des forces de police. Mépriser par principe les policiers, c'est faire injure à des hommes dont beaucoup, selon toute probabilité, n'ont " choisi " leur métier que sous les contraintes de leur situation sociale et dont un grand nombre sont sincèrement convaincus de servir la démocratie et la paix sociale. Leur responsabilité personnelle n'est pas directement engagée dans le conflit en cours. La violence à l'encontre des policiers, qu'elle s'exprime par l'insulte ou par le pavé, est donc injuste. Elle ne peut que les enfermer dans la logique de leur rôle d'agents de la répression, alors que nombre d'entre eux pourraient s'interroger sur le bien-fondé de certains ordres qu'ils reçoivent. Dès lors qu'ils se sentent menacés par la violence des manifestants, qu'elle reste potentielle ou qu'elle devienne effective, ils n'hésitent pas à recourir eux-mêmes à la violence, ne serait-ce que pour se défendre. Au demeurant, au sortir de cette spirale de violence, force restera nécessairement à la loi.

    Si, au contraire, les manifestants " affichent " clairement leur détermination à garder une attitude non-violente, l'hostilité des policiers à leur encontre peut alors se trouver désamorcée et la nature même de l'affrontement entre les uns et les autres peut être modifiée. A cette fin, il convient d'entreprendre avant l'action une campagne d'information à l'intention des policiers. Si cela est possible, il est utile d'avoir des contacts personnels avec eux, aussi bien parmi les simples exécutants que parmi les responsables et de leur faire valoir la justesse à la fois de la fin recherchée et des moyens employés. Il faut s'efforcer de les convaincre qu'ils ne sont pas méprisés dans leur fonction de " gardiens de la paix "et qu'ils ne seront nullement menacés par l'action des manifestants. On peut ainsi chercher à obtenir leur compréhension et si possible leur neutralité, voire, exceptionnellement, leur solidarité.

    L'expérience des luttes non-violentes le montre : il n'est pas vain d'inciter les policiers à désobéir à des ordres illégitimes, sinon illégaux, qui leur commanderaient de recourir à la violence contre des citoyens dans l'exercice de leurs fonctions, qui ne les considèrent pas comme des ennemis et qu'ils n'ont aucune raison de considérer comme leurs ennemis. Cependant, rien ne garantit que le recours aux méthodes de l'action non-violente désamorcera sûrement le processus de la répression policière. Mais alors il sera clairement établi aux yeux de l'opinion publique que les pouvoirs publics portent l'entière responsabilité de la violence.

    Selon son sens étymologique, le mot " police " n'évoque nullement la nécessité de recourir à la violence pour maintenir l'ordre social. " Police " vient du grec politeia (de polis : cité) et signifie :

    l'art de gouverner la cité. Sa signification est donc très proche de celle du mot " politique ". La visée de l'action policière, comme celle de l'action politique, est de pacifier la vie sociale, c'est-à-dire de construire une société libérée de l'emprise de la violence. La fonction de la police est de concourir à garantir les libertés des citoyens, à faire respecter leurs droits et à assurer leur sécurité. Littéralement, les policiers doivent être des " agents de la paix ", c'est-à-dire qu'ils doivent " faire la paix " entre les individus et les groupes qui vivent dans la même cité. La police a pour fonction essentielle de prévenir et, le cas échéant, de résoudre les inévitables conflits qui surgissent entre les citoyens afin d'établir ou de rétablir entre eux des rapports de justice. Pour cela, la police doit neutraliser les fauteurs de violence afin de les mettre hors d'état de nuire. La fonction de la police est fondamentalement une fonction anti-violence.

    Certes, il existe des situations particulières où il est difficile, voire impossible, de neutraliser, sans recourir à la violence, un ou plusieurs individus armés qui menacent la vie d'autrui. Cependant, même en de telles circonstances, tout doit être tenté pour désarmer et capturer le ou les malfaiteurs en évitant de les tuer. Si, malgré tout, il y a mort d'homme du fait de la police, il s'agit d'un échec qui doit interdire tout " communiqué de victoire ". Si la police échoue à rétablir la paix sociale sans recourir à la violence meurtrière, la société tout entière partage la responsabilité de cet échec. Une démocratie commence à se nier elle-même lorsqu'elle se refuse à reconnaître sa propre violence comme un échec. Dire que la vie est " sacrée " ne peut vouloir dire autre chose que même la vie d'un malfaiteur est sacrée. Sinon, la vie n'est pas sacrée du tout.

    La non-violence rencontre ici une de ses limites. Mais l'existence de cas-limites où s'impose la nécessité de recourir à la violence ne saurait servir de prétexte à réhabiliter la violence comme moyen habituel d'assurer l'ordre public et de rétablir la paix sociale. Pour que l'exception ne devienne pas la règle, il faut être, au contraire, encore plus rigoureux dans le respect de cette dernière. Et la règle doit être de résoudre les conflits en recourant aux méthodes non-violentes de prévention, de médiation, de conciliation et d'interposition.

    Politique

    La politique est l'art du gouvernement des sociétés humaines. La fonction de ce gouvernement est d'établir la justice et la paix entre les individus et les groupes qui composent ces sociétés. Toute cohabitation étant forcément conflictuelle, la politique consiste essentiellement dans la gestion des inévitables conflits qui surgissent entre les membres d'une même société et entre les différentes sociétés. La résolution de ces conflits doit viser à faire prévaloir les droits respectifs de tous les citoyens et de tous les peuples.

    Dans une société, la justice et la paix sont réalisées dans la mesure où les diverses formes de violence se trouvent éliminées des rapports entre les individus et les groupes. Le but de l'action politique est de pacifier la vie sociale, ce qui implique non seulement d'instaurer la paix sociale mais de l'instaurer par des moyens pacifiques. Dès lors, dans sa finalité comme dans ses modalités, l'action politique se trouve organiquement accordée à la non-violence. La politique est l'art de la gestion non-violente des conflits qui surgissent au sein de la société.

    La violence, dont la visée est toujours la mort, se trouve en contradiction manifeste avec l'exigence fondamentale de la politique qui est de construire une société libérée de l'emprise de la violence. Pourtant les idéologies dominantes ont constamment affirmé le contraire : la violence serait inhérente à l'action politique. Selon ces discours, le recours aux moyens de la violence est inéluctable en politique et ce recours est légitime parce que lui seul permet l'efficacité dans l'action. Renoncer à la violence, ce serait renoncer à l'action politique elle-même. Certes, ils concèdent que la violence ne saurait être justifiée du point de vue de l'éthique pure mais c'est pour mieux affirmer qu'elle ne saurait être condamnée au nom de la politique même.

    Mais dès lors que la violence se trouve légitimée au nom de la raison d'Etat, elle peut se donner libre cours dans l'histoire. C'est précisément ce que l'histoire aurait dû nous enseigner. Face à tout ce que la violence commet d'irréparable lorsqu'elle devient le moyen spécifique de la politique, il n'est pas nécessaire de faire le détour des réflexions morales pour la récuser. C'est dans l'action politique elle-même que se trouvent les raisons de le faire. Et elles sont impératives.

    Peut-être est-il nécessaire de recourir exceptionnellement aux moyens de la violence pour établir ou rétablir l'ordre social menacé par la violence de certains individus ou de certains groupes. Mais nécessité ne vaut pas légitimité ; car la nécessité ne fonde pas le droit. Au sens strict de l'expression, la violence doit être l'exception qui confirme la règle de la non-violence.

    Tout acte de violence, surtout s'il est le fait de l'Etat, doit être reconnu comme un échec de l'action politique dans sa tentative de maîtriser les situations conflictuelles sans recourir à la violence. Le fait même de n'avoir pas su résoudre un conflit autrement que par la violence révèle un dysfonctionnement de la société ; il ne doit pas être banalisé comme faisant partie de son fonctionnement normal. Devant la nécessité de recourir à la violence, l'urgence n'est pas de venir la justifier, mais de chercher les moyens non-violents qui permettront à l'avenir, pour autant que faire se peut, d'éviter qu'une telle situation se renouvelle.

    Ainsi, dans une société démocratique, la violence doit-elle toujours être considérée comme un désordre. L'ordre démocratique n'est véritablement établi que lorsque les structures et les institutions économiques, politiques et administratives permettent aux différents acteurs sociaux de mettre en oeuvre une gestion non-violente des conflits. C'est pourquoi la démocratie est moins à défendre qu'à conquérir.

    Pouvoir

    Toute lutte pour la justice et pour la liberté est une lutte pour le pouvoir. Les relations entre les individus et les groupes sociaux à l'intérieur d'une même société sont largement déterminées par les situations objectives de puissance ou d'impuissance dans lesquelles se trouvent les uns et les autres. Les victimes d'une injustice sociale ne peuvent obtenir la reconnaissance de leurs droits que s'ils parviennent à acquérir suffisamment de pouvoir pour contraindre les pouvoirs établis à leur rendre justice.

    La stratégie de l'action non-violente vise non pas la prise du pouvoir pour le peuple mais l'exercice du pouvoir par le peuple. Dans un premier temps, il ne s'agit donc pas de préparer une attaque frontale du pouvoir étatique mais d'organiser la société civile afin de permettre aux citoyens d'exercer leur propre pouvoir.

    Toute victoire ponctuelle d'une campagne d'action non-violente peut redonner espoir à ceux qui subissent des injustices comparables à celle qui fut à l'origine du conflit qui vient de s'achever. L'exemplarité de cette victoire peut créer une dynamique des luttes populaires qui mobilise de plus en plus de citoyens décidés à ne plus subir les pouvoirs qui leur sont imposés d'en haut et à conquérir leur propre pouvoir. A travers ces luttes, ils font l'expérience de la gestion de leurs propres affaires : ils font l'apprentissage de l'autogestion.

    Toute montée des luttes populaires crée les conditions qui permettent au peuple de rassembler ses forces dans un mouvement politique visant non seulement à lutter contre les pouvoirs établis mais à prendre le pouvoir. S'il est vrai, selon l'expression de Lanza del Vasto, que " révolution non-violente bien ordonnée commence par soi-même ", il est aussi vrai que révolution non-violente bien ordonnée s'achève par la prise et l'exercice du pouvoir politique. Un mouvement de résistance non-violente ne doit pas rester enfermé dans sa fonction contestataire, il a vocation de devenir gestionnaire. Le projet politique porté par la non-violence rejoint directement le projet autogestionnaire qui vise à mettre en oeuvre une alternative à la gestion étatique des conflits sociaux.

    Deux scénarios de prise du pouvoir sont possibles : l'un est électoral et l'autre insurrectionnel.

    Dans une société assez démocratique pour permettre une réelle expression du suffrage universel, les élections sont le procédé normal par lequel une organisation qui a su conquérir la majorité politique accède au pouvoir. Dans ce cas, l'alternance démocratique ouvrirait la voie à une véritable alternative politique.

    Dans une société où la voie démocratique se trouve obstruée, un mouvement politique qui incarne l'espérance et la détermination du peuple doit rechercher une autre voie pour accéder au pouvoir qui lui revient de droit. Il s'agira alors d'organiser à 'échelle du pays la désobéissance civile systématique et d'appeler le peuple à une véritable insurrection pacifique. Dès avant la prise effective du pouvoir, les leaders du mouvement de résistance peuvent être considérés comme les représentants de l'autorité légitime du pays et sont fondés à constituer un gouvernement parallèle et provisoire. Pris dans les réseaux d'un maquis politique étendu à tout le pays, le gouvernement encore légal devra bien finir par admettre qu'il n'est plus capable de contrôler la situation. Il faudra bien alors que, bon gré mal gré, il cède la place.

    Prison

    La sanction pénale qui prive le délinquant de sa liberté en le détenant en prison a pour fonction de protéger la société. Elle a pour finalité la prévention de nouveaux délits, d'une part, en empêchant la récidive du délinquant et, d'autre part, en dissuadant les délinquants potentiels de passer à l'acte.

    La société a en effet le droit et le devoir de se défendre contre les individus qui troublent l'ordre public et d'exercer à leur encontre une contrainte légale qui les mette " hors d'état de nuire ". Il n'est pas possible d'organiser une société de droit sans définir des délits et sans établir des sanctions. Mais en même temps que la sanction pénale doit permettre à la société de se défendre, elle doit permettre au délinquant de se réinsérer dans la société. Si le délinquant perd certains de ses droits dans la société, celle-ci ne perd aucun de ses devoirs à son égard. Il ne s'agit pas de débattre pour savoir si le délinquant mérite d'être traité avec humanité ; la société se doit à elle-même de le traiter avec humanité. A l'inhumanité du délit doit répondre l'humanité de la sanction.

    Dans une société où la loi pénale s'inspire de la loi religieuse, où les tribunaux des hommes prétendent rendre le jugement même de Dieu, la sanction veut être un châtiment infligé au coupable en expiation de sa faute. Mais il doit en être tout autrement dans une société démocratique et, par conséquent, laïque où la loi n'a d'autre fonction que d'instaurer la paix civile et d'assurer l'ordre public. Dès lors, la fonction de la justice n'est pas de punir une faute en fonction de critères moraux, elle est de juger un délit en fonction de critères sociaux. La sanction pénale ne doit donc comporter aucun châtiment à l'encontre du délinquant. Or, précisément, la prison, telle qu'elle existe encore dans nos sociétés, reste un châtiment (la prison n'est-elle pas encore considérée comme un " pénitencier ", c'est-à-dire, en rigueur de terme, un lieu où l'on fait pénitence ?).

    Même lorsque la peine de mort est supprimée, l'opinion publique lui reste favorable. Elle continue à réagir vis-à-vis des " criminels " selon la logique qui justifie le châtiment suprême et réclame l'application de la loi du talion : à tout le moins, oeil pour oeil et dent pour dent. Elle crie vengeance et s'indigne dès qu'elle estime que les délinquants bénéficient d'un traitement de clémence, c'est-à-dire d'humanité. Cette réaction passionnelle est animée par un véritable désir de violence qui fait échec aux proclamations humanistes de la civilisation.

    Le but de la sanction, notamment de la détention lorsque celle-ci s'avère nécessaire, doit être la réinsertion du délinquant dans la société, c'est-à-dire sa re-socialisation. Or, tout concourt à faire de la prison un lieu d'exclusion sociale, c'est-à-dire de dé-socialisation. Les conditions de détention en prison ont de multiples effets pervers sur la personnalité du délinquant. En lui interdisant toute communication avec autrui et en le privant de toute responsabilité, on lui impose des comportements de régression qui tendent à déstructurer et à désintégrer sa personne. La prison est une structure inhumaine qui déshumanise le détenu. Lorsqu'il sera remis en liberté, il aura le plus grand mal à retrouver sa place dans la société. C'est un fait dûment prouvé par toutes les enquêtes et vérifié par toutes les statistiques : la prison est une école de récidive. Il est donc démontré que la sanction carcérale n'a pas l'effet dissuasif recherché. Au demeurant, il est assez naturel que la prison impressionne surtout ceux qui ne sont nullement tentés par la délinquance. Dès lors, s'il est incontestable que l'incarcération des " petits délinquants " ne fait qu'augmenter les probabilités de récidive, pourquoi donc les tribunaux continuent-ils à les envoyer en prison ? Tout se passe comme si les juges eux-mêmes étaient prisonniers de l'idéologie carcérale et qu'ils redoutaient les accusations de laxisme que l'opinion publique est prête à brandir à leur encontre.

    Devant l'échec manifeste de la répression carcérale de la délinquance, la société est mise au défi de mettre en oeuvre son traitement social. La détention ne doit être que le dernier recours lorsqu'il est nécessaire de neutraliser les " grands délinquants "dont la dangerosité publique est avérée. Pour de nombreux délinquants, il est certainement possible d'éviter l'engrenage du système pénal par ce que les Anglo-Saxons appellent la " diversion judiciaire ". Il s'agit non seulement d'éviter la prison mais également le tribunal par la suspension de l'action pénale. Il revient alors à des " médiateurs " de tenter de concilier les auteurs du délit avec ceux qui en ont été les victimes. Ainsi, par exemple, pour les infractions contre les biens (les vols ou les détériorations), l'objectif à atteindre est leur restitution ou leur réparation et un dédommagement pour les préjudices subis. Si la médiation échoue, l'action pénale devient alors nécessaire mais, dans le plus grand nombre de cas, des peines non privatives de liberté comme l'obligation de réaliser des travaux d'intérêt public - permettent encore d'éviter l'incarcération.

    Pour ceux dont la détention s'avère nécessaire, le but recherché doit rester la réhabilitation sociale. Il convient certainement de renoncer aux grandes prisons de plusieurs centaines de détenus. Le seul critère retenu pour organiser de telles centrales est l'efficacité de la surveillance et le seul but recherché et d'éviter l'évasion. Dans ces conditions, toute la vie du détenu est soumise à la logique de la répression et rien ne prépare sa réinsertion. Il faudrait s'orienter vers la réalisation de petites unités qui permettraient d'accompagner les mesures de sûreté par des mesures de sociothérapie. Mais un tel programme implique que les citoyens ne démissionnent pas de leur responsabilité en demandant à l'Etat de faire disparaître les délinquants derrière des murs les plus hauts possibles, mais qu'ils acceptent de prendre en charge leur réinsertion.
     
  3. Crazy_Mind
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    Crazy_Mind Membre du forum

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    Avr 2007
    Moi jvoulais juste dire que cet article vaut la peine detre lu !!!!!!
     
  4. Lagnus
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    Lagnus Membre du forum

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    Sept 2007
    "La Non-Violence rejoint l'intuition de l'anarchisme et reprend à son compte sa critique radicale de l'Etat dans la mesure même où la violence, si elle n'est pas le seul moyen auquel il a recours pour établir ou rétablir d'ordre social, est en effet son moyen spécifique d'intervention. "


    A t'on une autre solution que le recours a la violence?
     
  5. Wafy
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    Wafy Nouveau membre

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    Fev 2008
    France
  6. libertaire, anarchiste, auto-gestionnaire, chaos/Nihiliste
    Je pense qu'à l'encontre de bones (qui ne sont pas que des racistes primaires et naïfs, quoi que...), je ne vois aucune alternative à la violence. On ne peut avoir de discours avec ces gens là... pauvres d'eux :/
     
  7. scottish_antifa
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    scottish_antifa Nouveau membre

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    Déc 2007
    elle existe elle est naturel chez les hominidé depuis le principe de propriété et depuis les phénomène d'accouplement, deplus comme le dit le mec en dessous les bones ont aucune voie vers la discution et mo inon plus envers eux voila tout
     
  8. txalaparta
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    txalaparta Membre du forum Expulsé par vote

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    Sept 2007
  9. féministe
    la non violence est une utopie a laquelle il faut cesser de croire.....tous ds les salles de boxe
     
  10. an-(A)-r_kro_punk
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    an-(A)-r_kro_punk Staff Membre actif

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    Mar 2008
  11. libertaire, anarchiste, auto-gestionnaire, individualiste
    Peut être pas, ça renforcera leur haine. Tu peux aussi les ignorer ;)
    Je pense que ce qu'il faut combattre c'est ne sont pas les fascistes mais le fascisme. C'est une entité non matérielle, elle peut être combattu d'une autre manière que par la violence.
     
  12. zombifex
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    zombifex Membre du forum Membre actif

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    Juin 2007
    c'est marrant pour un type avec comme avatar une tof de l ALF qui nous défend la non violence ...
    et puis pour le texte en lui meme , il semble limité le concepte de violence a l'idée de violence physique quand la violence de nos société est a priori principalement moral.
    C'est basée sur un postulat tristement réducteur, qui semble au passage totalement oublier que la lutte des classe est par essence violente d'un point de vue moral et physique. La partie sur la politique comme moyen de pacification social montre bien la dégénéressence de ce texte, qui confond le role de l'état (moyen de pacification de la lutte des classe au service de la bourgeoisie) et celui du politique (qui est le moyen d'expression au niveau intelectuel des different conflits d'interet qui traversent la société).
     
  13. L'ALF n'est pas violent du tout

    la violence ne peut pas être contre du matériel...

    sauf peut-etre quelque cas isolés se revendiquant de l'ALF....

    c'est assez difficile de définir un mouvement qui n'a aucune structure, aucun leader.... L'ALF est plus un mouvement ou des petits groupes qui font des actions individuelles donc on peu pas vraiment dire si c'est violent ou non.... Mais la cause de la libération animale n'est pas une lutte violente..

    Nuance entre actions directes et lutte violente
     
  14. Choucroute
    Offline

    Choucroute Membre du forum Expulsé par vote

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    Sept 2007
  15. apolitique/Indécis
    Putain le pavé!

    Y'a trop de mots pour moi, quelqu'un peut me faire un résumé?:mdr:
     
  16. c'est loin d'être le plus long qu'on retrouve sur anarkhia :p

    mais bon, j'aime les textes avec de l'élaboration, et qui comprennent qu'un sujet politique ne peut pas être défini en 3 lignes et doit être analysé de fond en comble
     
  17. Taganarchiste
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    Taganarchiste Membre du forum Membre actif

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    Oct 2007
  18. féministe, , syndicaliste, auto-gestionnaire
    Je pense que la violence ne devrait nous servir soit pour nous défendre, soit pour atteindre notre but quand vraiment il n'y pas d'autre moyen.
    La mobilisation de millions de personnes come on l'a vu à Mai 68 par exemple, peut avoir un impacte énorme sur l'état, sans la moindre violence.
     
  19. le_vieux
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    le_vieux Vieux con Expulsé par vote

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    Jan 2008
    Ah oui, en 68, les manifestants ont érigées des barricades non violentes, lancé des pavés non violents sur les flics (non violents eux aussi ?) et cramé des voitures de manière non violente.
     
  20. txalaparta
    Offline

    txalaparta Membre du forum Expulsé par vote

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    Sept 2007
  21. féministe
  22. ar gael
    Offline

    ar gael Membre du forum

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    Avr 2008
    68 jetai mome mais je lai vue...c etai violent....peu apres je suis devenu adepte du 69
     
  23. Pino Pogo Dodo
    Offline

    Pino Pogo Dodo Nouveau membre

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    Avr 2009
  24. libertaire, anarchiste, féministe, auto-gestionnaire
    Personnellement je pense qu'on peut se passer de la violence, Il suffit de prendre l'exemple de Gandhi en Inde qui a réussi a libéré l'Inde des colon grâce à la désobéissance civile non-violente, une preuve qu'on peut trouver une alternative a la violence.
     
  25. Nyark nyark
    Offline

    Nyark nyark Membre du forum Expulsé par vote Membre actif

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    Fev 2008
  26. libertaire, anarcho-communiste, syndicaliste
    C'est vrai que la période se prête vachement à la non-violence. On va expliquer ça gentiment aux flics qui tapent gentiment, et aux patrons qui foutent gentiment les gens à la rue, sans compter les juges qui renvoient gentiment les prisonniers politiques en zonze alors qu'ils ont déjà accompli leur peine.
     
  27. Pino Pogo Dodo
    Offline

    Pino Pogo Dodo Nouveau membre

    6
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    Avr 2009
  28. libertaire, anarchiste, féministe, auto-gestionnaire
    On peut très bien commettre des actes de revendication sans utilisé la violence et puis toute façon la violence devrait servir uniquement pour se défendre, les flics charge tu te défends, personnellement je fait tout pour évité la violence mais quand il y a plus le choix et que tu va te faire fracasser la gueule si tu fais rien j'suis d'accord pour mettre quelques coups =D
     
  29. PoussiereDesToiles
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    PoussiereDesToiles libre&responsable Membre actif

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    Fev 2009
  30. libertaire, internationaliste
    rêvons un peu

    peut-être qu'un jour les non-violents réagirons en masse a toute tentative d'agression, les violents étant tous des lâches ils se trouverons d'autres occupations .
     
  31. niouze
    Offline

    niouze Membre du forum Expulsé par vote

    861
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    14
    Nov 2007
  32. libertaire
    alors ok ghandhi a réussi a rendre l'inde independante en fesant usage de non violence (mais combien de mort avant d'y arriver ? )
    maintenant le reve de ghandi a été par la suite detruit par la violence (d'ailleur lui meme a été assassiner) que ce sont mener les diverse religion en inde cqfd??
     
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