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Front Antifasciste ou Révolution

Discussion dans 'Anti-fascisme et luttes contre l'extrême-droite' créé par ninaa, 11 Juin 2021.

  1. ninaa
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    ninaa Membre du forum Expulsé du forum

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  2. anarchiste, anarcho-féministe, individualiste
    Les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis, surtout en période électorale. En admettant que défiler soit la seule manière de lutter contre les idées d'extrême droite, il y a plein de raisons pour des antifascistes même très actifs et depuis très longtemps pour boycotter cette manifestation.

    Moi par exemple je refuse absolument de participer à des manifs avec n'importe qui, et tant pis si ça doit me valoir des insultes, ou l'accusation de ne pas être sincèrement antifa. De même je n'irai pas voter France insoumise, NPA, EELV aux prochaines élections. Et je n'irai pas non plus aux manifs de la CGT police!

    Flics, matons, contrôleurs... et syndicalisme

    Evidemment l'idéal serait d'organiser des évènements en excluant tous ceux qui ont quelque chose à vendre (je veux dire les partis qui veulent avant tout éliminer la concurrence RN pour se hisser eux mêmes au pouvoir...) et des ennemis comme la CGT Police ou SOS Racisme. En attendant, développer des idées antifascistes sur Internet ça peut toujours avoir une influence pour contrer la propagande des médias mainstream comme CNEWS et co.
     
  3. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  4. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Je suis en partie d'accord avec toi. Pas mal de choses me chiffonnent plus dans le contenu de l'appel que parmi les signataires. De ce point de vue je suis plutôt du style à dire tant mieux si la CGT police ou le NPA s'engagent contre le fascisme. On a besoin de faire nombre et on va pas attendre d'être majoritaires en tant qu'anarchistes avant de construire un mouvement antifasciste. Éviter le fascisme me semble plus urgent que sortir du capitalisme, d'autant que le fascisme étant un développement du capitalisme le combattre c'est en soi de la lutte des classes qui prend compte du contexte historique plutôt que de se placer dans l'abstrait. Bref mieux vaut que le NPA et la CGT Police se disent contre le fascisme plutôt qu'indifferents voir le soutiennent. Et si tu me dis que oui mais faut pas marcher avec eux alors je te répondrai que ça signifie diviser les forces. Chacun fait sa manif, chacun s'expose plus aux fascistes et la répression, chacun limite ses ressources et donc l'efficacité de son action...

    Mon problème c'est plus qu'ils parlent de l'extrême droite comme d'une myriade d'idées éparses : sécurité, xénophobie, racisme... et non comme un programme cohérent dans lequel ces dimensions sécuritaires, racistes, xenophobes, sexistes viennent s'intégrer. En gros y a rien à redire au programme social, environnemental, etc... des partis d'extrême droite. Comme si les électeurs seraient dégoûtés par ces idées s'ils en prenaient la juste mesure et que les programmes sociaux, environnementaux, etc... n'influencerait pas leur vote. Puis du coup ça permet de mettre le gouvernement, la loi sécurité globale ou le confinement dans les "mesures d'extrême droite" ce qui ne fait pas sens à mes yeux. Mais bon comme pas mal à gauche n'ont pas mieux à dire sur les questions sociales et environnementales et même sécuritaires parfois que l'extrême-droite bah difficile de les attaquer là dessus...
     
  5. ninaa
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    ninaa Membre du forum Expulsé du forum

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  6. anarchiste, anarcho-féministe, individualiste
    Désolée, associe toi tant que tu veux avec qui tu veux, mais je ne suis pas la seule anarchiste à ne pas être dupe de ce discours de "l'unité républicaine contre le danger fasciste". Evidemment c'est plus facile quand au fond on n'a pas tant de problèmes que ça avec les flics et avec les candidats au pouvoir (surtout si on croit sur parole leurs grandes déclarations antifascistes, sachant qu'une fois au pouvoir ils mèneront une politique tout sauf favorable aux immigrés...).

    Moi je ne lutte pas pour une "bonne" police pas plus que pour un "bon" chef d'état. Pour moi, pour la plupart des anars, les flics ne seront JAMAIS des camarades de lutte.

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    S'il faut attendre qu'on ne brandisse plus l'épouvantail du fascisme pour lutter non seulement contre le capitalisme mais contre toute forme de pouvoir, pour une révolution sociale et libertaire... on n'est pas rendu, ce baratin ne date pas d'hier et ne s'arrêtera jamais.
    A chaque période électorale on a droit au mêmes "arguments" pour pousser vers les urnes ceux qui seraient un peu (ou très) réticents à se choisir un maître:

    Ingouvernables: ceux qui se foutent des élections!

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  7. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  8. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Je pense que la question n'est pas de savoir si on a des problèmes avec le régime républicain bourgeois mais qu'on touche une question réellement centrale de l'antifascisme à savoir : le fascisme est-il qualitativement différent de la république bourgeoise ou y a-t-il seulement une différence de degré entre les deux régimes ?
    Si il n'y a qu'une différence de degré le fascisme n'est qu'une forme de régime plus autoritaire, plus intolérant, plus violent, plus sécuritaire, etc... que la république bourgeoise. Mais les tares du fascisme serait déjà existante en tant que telle dans la république bourgeoise. C'est effectivement la position de la plupart des antifascistes français pour qui lutter contre le fascisme et lutter contre l'état républicain, sa police, ses lois répressives, etc... sont une seule et même chose.
    Je ne partage pas ce point de vue, sans être "dupe" sur les intérêts que peuvent avoir certaines organisations qui prennent part à la lutte antifasciste à partir d'une position non-révolutionnaire. Je pense que le fascisme n'est pas une république plus autoritaire, plus raciste, plus répressive, avec plus de censure... Et d'ailleurs c'est le point de vue que je défends sur ce forum depuis quelques temps. Je considère que le fascisme est réellement un opposant à la république, qu'il est incompatible avec elle et qualitativement différent et qu'il ne se réduit pas à l'autoritarisme et au racisme qui sont davantage des conséquences que le noyau de l'idéologie fasciste. A ce titre le fascisme est nettement pire que la république et il vaut mieux s'allier avec des partis qui utiliseront en partie la lutte pour des intérêts électoraux (par exemple) que de permettre au fascisme de passer.
    Donc forcément dire que considérer le fascisme comme un ennemi contre lequel tous les moyens sont bons tant qu'on obtient sa défaite serait un discours tenu par des gens qui ne souffrent pas assez du système actuel pour voir à quel point il est pas plus enviable que le fascisme c'est de la pure démagogie. De même, le fait que les politiques de l'état ne soient pas favorables à l'immigration ne signifie à aucun moment que "ça ou le fascisme, c'est du pareil au même".

    Ensuite tu utilises des arguments de mauvaise foi. Faire front contre le fascisme n'a jamais signifier adhérer aux revendications non-antifascistes des partis alliés de circonstances. Manifester aux côtés de la CGT police contre les idées d'extrême-droite ça n'est pas militer pour une "bonne police" ou je ne sais quoi, ça n'a aucun sens de dire ça car ça voudrait dire que si on prend une perspective différente alors il serait tout aussi vrai que la CGT police milite pour l'expropriation du capital vu qu'elle manifeste à nos côtés.
    C'est sûr que si tu attends de ce "baratin" qu'il aboutisse à une révolution tu vas être déçue. Le but de faire des compromis à des moments charnières pour faire barrage au fascisme n'a pas comme finalité de favoriser le processus révolutionnaire mais... de faire barrage au fascisme. Le résultat qu'on doit en attendre c'est que Le Pen ne passe pas et qu'on ne se retrouve pas dans une situation comme à l'entre-deux guerre (et encore moins la deuxième guerre mondiale).

    Maintenant si tu reconnais que le fascisme est un réel danger quelle solution proposes-tu ? Parce que je ne vois pas un seul exemple historique (parlons de faits) où le fascisme a été empêché ou renversé par les anarchistes seuls refusant toute forme de compromis. Ni en Allemagne, ni en Italie, ni en France, ni en Espagne, ni en Hongrie, ni en Pologne, ni en Grèce ou en Turquie les anarchistes seuls, sans front antifasciste, ne sont parvenus à empêcher l'établissement de régimes fascistes ou de les renverser. Sinon dit moi quand ? En Espagne en 1936 il y avait un front populaire républicain qui a réussi à tenir tête au fascisme par contre un temps.

    Alors je ne prétends pas détenir la bonne réponse mais je trouve ça assez présomptueux de croire que tu peux balayer d'un revers de main la perspective du front antifasciste vu ce que le fascisme a été historiquement et ce que l'antifascisme a été également.
     
  9. ninaa
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    ninaa Membre du forum Expulsé du forum

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  10. anarchiste, anarcho-féministe, individualiste
    Pour l'instant la question n'est pas du tout "antifascisme ou révolution" mais de s'associer publiquement avec des ennemis comme la CGT police, Macron, Chirac ou pire encore à la moindre occasion. Et pour une "lutte" qui consiste uniquement à défiler main dans la main avec d'autres ennemis, ou à appeler au "vote utile" envoyant un message pour le moins brouillé sur les réels liens entre anarchistes, flics et candidats à la présidence de l'état.

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    La même discussion revient et tourne en rond à chaque élection et ça ne date pas d'hier. Et aucune raison pour que ça s'arrête, jamais, quelle que soit la situation politique ça reviendra et reviendra et reviendra, aucune raison que ça s'arrête! Depuis la déception de 81 après la victoire de la gauche, plus grand monde ne vote par espoir d'un changement par les urnes. Pour que les gens se motivent encore pour choisir un chef il faut leur faire peur, qu'ils ne votent plus "pour" mais "contre" un candidat pire que les autres. Quand Sarkozy était au deuxième tour, l'épouvantail c'était Sarkozy. Tout est bon pour faire peur: jusqu'à des "évènements" aussi "significatifs d'un progrès du danger d'extrême droite" ("progression inquiétante" d'après les médias mainstream...) qu'une claque d'un crétin à un autre crétin (mais à la tête de l'état donc crime de lèse majesté, un pas franchi dans la violence!).
    Quant à l'utilité d'oublier "momentanément" "en cas de réelle urgence" (en admettant que le RN = le franquisme...) les idées, pratiques et objectifs anarchistes, on peut se reporter à l'histoire:

    1937 : En Espagne, la contre-révolution triomphante
    10 juin 2017 par Commission Journal / 3262 vues
    http://www.socialisme-libertaire.fr
    Staline et la leçon allemande
    Premier, et principal élément, le rôle joué par l’URSS et le Parti communiste espagnol qui seront à l’avant garde de cette contre-révolution.

    Pour l’URSS de Staline, et en lien avec la nouvelle politique de l’Internationale communiste, le Komintern, l’idée est de promouvoir des politiques de Front populaire et une politique de conciliation avec l’aide progressiste de la bourgeoisie, en priorité les partis socialistes.

    En cela, cette tactique de Front populaire prend le contre-pied absolu de la période offensive «classe contre classe» (1928-1933) qui avait justement déterminé une attitude très sectaire des PC à l’égard des socialistes.

    C’est qu’aux yeux des Soviétiques, le danger a changé de nature : l’Europe brune menace directement la «patrie du socialisme». L’élément fondamental qui fait évoluer la politique internationale de l’URSS et du Komintern est l’exemple allemand. C’est en effet en Allemagne que la tactique «classe contre classe» est poussée à l’extrême.

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    Affiche électorale du Parti communiste allemand (KPD) de juillet 1932. A l’époque, la ligne «classe contre classe» de Moscou renvoie socialistes et nazis dos à dos.
    Profitant de la crise politique et sociale, le Parti communiste allemand (le KPD) obtient 6 millions de voix aux élections de 1932. Ce succès électoral conduit le KPD à deux conclusions : dès lors que la lutte pour l’instauration d’un régime communiste est à l’ordre du jour, il faut considérer toutes les forces qui en sont l’adversaire comme un bloc de la bourgeoisie. En soutenant que face au danger fasciste et à Hitler, le KPD est la seule alternative, les socialistes, opposés à la révolution prolétarienne, sont considérés comme des ennemis au même titre que les autres factions de la bourgeoisie. Les socialistes sont qualifiés de «socio-fascistes».

    Cette tactique sera maintenue jusqu’à l’avènement d’Hitler au pouvoir. Sur la base de l’échec de cette politique qui a, finalement, facilité la prise de pouvoir d’Hitler, Staline et le Komintern lui préférèrent désormais la tactique de Front populaire.

    La lutte antifasciste devient désormais la priorité du Komintern, à l’heure où les visées expansionnistes à l’Ouest de l’Allemagne et à l’Est du Japon, menacent l’intégrité territoriale de l’Union soviétique. D’où désormais une politique faite de modération et de conciliation avec la social-démocratie.

    Un autre facteur, enfin, nourrit les craintes de Staline : la révolution en Espagne représente un danger car son essence est une alternative antiautoritaire de rupture avec le capitalisme. Un modèle, encore, que tout oppose au «communisme de caserne» de l’URSS du Petit Père des peuples, où le GPU, les purges, la domestication des syndicats et les Goulags ont définitivement tué tout idéal révolutionnaire.

    Un problème de taille se pose pourtant pour le Kremlin. S’il veut intervenir en terre d’Espagne, et contrecarrer cette influence révolutionnaire, il se doit de compter sur une organisation capable de mettre en pratique ses plans. Or cette organisation n’existe pas ou peu. L’histoire du Parti communiste espagnol (PCE), avant juillet 1936, est celle d’un parti sans influence, sans implantation réelle exception faite aux Asturies et à Séville. Un anonyme adhérent du PCE, auteur d’une Historia del partido comunista, révélait que celui-ci comptait à peine «800 militants en 1931».

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    Le 23 juillet 1936, en Catalogne, plusieurs groupes socialistes et staliniens fusionnent au sein du PSUC.
    Au cours de la guerre civile, son poids ne cesse, néanmoins, de grandir et ce pour plusieurs raisons. En Catalogne, il fusionne, à son profit, avec les socialistes catalans pour fonder le Parti socialiste unifié catalan (PSUC). Mais c’est surtout l’aide soviétique (militaire et alimentaire) à la République espagnole dans sa lutte contre le fascisme qui accroîtra son prestige.

    Une aide soviétique qui n’est pas totalement désintéressée : L’URSS se fait livrer au préalable 500 tonnes d’or de la Banque d’Espagne, à la suite d’accords secrets entre le premier ministre Largo Caballero et le représentant russe en Espagne [1].

    Usant de ce poids et du soutien du grand frère russe, les staliniens espagnols, secondés par des «conseillers politiques» russes (Osvenko, Rosenberg) mettront tout en œuvre pour contrer l’influence des révolutionnaires. Ils tissent habilement leur toile. Et rapidement, l’armée, la police, les services de renseignement (SIM) sont tous sous contrôle communiste.

    Dans le même temps, le PCE gagne de nouveaux militants et nouvelles militantes. La révolution et ses réalisations font, en effet, de nombreux mécontents, parmi les classes moyennes en particulier. Le PCE sera leur Parti. Le programme des staliniens espagnols est des plus modérés, et le PC se fait le champion de la défense de la propriété privée. Des boutiquiers, une partie de l’intelligentsia, des employé.es et des républicains bourgeois adhèrent au Parti communiste.

    Le PCE est, désormais, en position de force pour s’attaquer aux acquis révolutionnaires. La Pravda, le journal officiel du PC soviétique annonce le 16 décembre 1936 : «En Catalogne, l’élimination des trotskistes et des anarcho-syndicalistes est commencée; elle sera menée avec la même énergie qu’en URSS.»

    Participation gouvernementale
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    Andrés Nin, un des dirigeants du Poum, est torturé et assassiné par les staliniens le 20 juin 1937.
    Dans les faits, Andres Nin, leader du POUM, parti marxiste antiautoritaire, et l’anarchiste italien Camilo Berneri, seront ainsi retrouvés morts après avoir été torturés aux lendemains de la semaine des barricades à Barcelone en mai 1937. Bientôt le POUM sera déclaré officiellement illégal. D’autres militantes et militants anarchistes et du POUM seront, par la suite, liquidé.es. Au niveau institutionnel, le PCE est à l’avant garde de toutes les mesures qui visent à réduire les acquis révolutionnaires.

    Si, dans le recul du processus révolutionnaire, le rôle du PCE et de Staline sont incontestables, un autre facteur a trait aux erreurs stratégiques qui seront commises par les révolutionnaires eux-mêmes (la CNT et le POUM en particulier). En acceptant de participer aux gouvernements républicains, les dirigeants et dirigeantes de ces organisations se rendront complices des reculs révolutionnaires. En effet, la participation gouvernementale de la CNT-FAI aux gouvernements de la Generalitat de Catalogne et de Madrid, en octobre et novembre 1936, est lourde de conséquences.

    Pour les libertaires espagnols, il s’agit ponctuellement d’adhérer au Front populaire antifasciste le temps de battre les armées de Franco. L’historien libertaire espagnol César Lorenzo résume l’argumentaire de la «thèse circonstancialiste» défendue par une écrasante majorité des membres éminents de la CNT-FAI.

    Cette «thèse circonstancialiste», comme son nom l’indique, défend l’idée que des circonstances particulières justifient une politique particulière. Elle servira à justifier l’entrée au gouvernement de Madrid de quatre membres de la CNT. César Lorenzo, dans son ouvrage Les Anarchistes espagnols et le Pouvoir écrit :

    «Le gouvernement et les partis commençaient leur grande offensive contre la CNT. Avec patience, ils reconstituaient l’État, une armée classique. En même temps, ils n’apportaient aucune aide financière aux collectivités industrielles ou agraires, les laissant dépérir par manque de capitaux. Ils gênaient les opérations commerciales en rendant difficiles leurs relations avec l’étranger, en bloquant leurs importations et exportations par une habile répartition des licences. En même temps, ils refusaient systématiquement les armes aux colonnes de la CNT… Ainsi, jour après jour, les milices libertaires s’affaiblissaient par rapport aux milices sous commandement communiste, jour après jour, l’économie collectivisée risquait de succomber par asphyxie. La CNT se trouvait dans une situation intenable : elle n’avait pu détruire le pouvoir ni pu s’en emparer; elle coexistait avec le pouvoir, mais cette existence devenait une véritable guerre qui ne cesserait qu’avec la disparition de l’un d’entre eux. Comme il n’était pas possible de vaincre le pouvoir, la CNT était condamnée à la défaite. Une seule issue demeurait pour les anarchistes : partager le pouvoir, entrer dans l’État, pour l’empêcher de tout dévorer, participer au gouvernement pour protéger les collectivités au moyen de la légalité et de l’autorité républicaines. En un mot se fondre dans la machine étatique pour l’empêcher de l’intérieur de tout broyer, pour la freiner au moins.»

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    Les anarcho-syndicalistes mettent en valeur l’alliance UGT-CNT.
    Pour les dirigeantes et dirigeants de la CNT-FAI, la révolution sociale, qui est avant tout le fait de la base de la CNT et en partie celle de l’UGT, le syndicat socialiste, devient secondaire. La priorité reste de vaincre le fascisme selon l’expression : «Sacrificamos a todo menos la victoria» («Nous sacrifions tout sauf la victoire»). Ils et elles ont la conviction que la victoire contre Franco est inéluctable. La révolution est simplement remise à plus tard par stratégie.

    Capitulations des «camarades-ministres»
    En tant que communistes libertaires en 2017, un peu plus de 80 ans après des événements que l’on n’a pas vécus, il peut sembler facile de porter un regard critique. Néanmoins, on peut, car les faits historiques nous donnent raison, estimer que cette voie «circonstancialiste» a échoué, et ce à un double niveau.

    La constitution d’un Front populaire antifasciste, dans la perspective de faire de la victoire une priorité, a failli. En mars 1939, malgré le sacrifice de la révolution sociale, malgré l’unité étatique de tous les antifascistes, malgré l’aide soviétique, c’est le bruit des bottes des armées franquistes rentrant à Madrid qui symbolise la fin de cet espoir de vie meilleure pour les exploité.es d’Espagne.

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    L’oratrice anarchiste Frederica Montseny, «camarade ministre» de la Santé.
    La participation gouvernementale, conçue comme le meilleur moyen de contrôler les velléités contre-révolutionnaires des «partenaires» républicains, a été un échec. Les «camarades-ministres» n’ont rien contrôlé. Par leurs seules présences dans les cabinets ministériels, leurs appels répétés au calme et à la responsabilité lors des heures cruciales de la révolution, ils et elles se sont rendu.es complices des reculs. En particulier, au moment de la dissolution du comité des milices antifascistes, véritable garantie du pouvoir armé du peuple. Puis lors de la destruction des différentes institutions révolutionnaires…

    Comme, enfin, au cours des événements en mai 1937 à Barcelone, quand la base de la CNT se révolte contre le poids du stalinisme, que des barricades se dressent comme en juillet 1936, la direction de la CNT se rend coupable de capitulations politiques aux conséquences dramatiques. Sur les ondes de radio Barcelone, Garcia Oliver, militant historique du mouvement libertaire ibérique et ministre de la Justice, somme, notamment, ses camarades de quitter les barricades et de fraterniser avec l’ennemi stalinien. Il dénonce ceux et celles qui résistent et n’hésite pas les traiter d’irresponsables à la solde de Franco.

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    Lénine et Staline sur l’hôtel Colon, siège du PSUC à Barcelone.
    Certains secteurs de la CNT, défendront, malgré le chantage des instances dirigeantes de la CNT-FAI, une ligne dure et l’idée d’une rupture radicale avec les différentes composantes républicaines. On retrouve ces secteurs, en premier lieu, au sein des Jeunesses libertaires, mais aussi au sein de certaines milices libertaires qui combattent sur le front d’Aragon. C’est le cas, par exemple, de la colonne de fer. Le secteur oppositionnel, néanmoins, le plus connu se retrouve autour du groupe Les Amis de Durruti, en référence au mythique leader libertaire.

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    «Alerte à la 5e colonne!»
    Affiche du conseil provincial de Valence (1937). Mais qui peut bien constituer cette «5e colonne» prête à trahir la République au bénéfice des fascistes? Le Poum? Les anarchistes?
    Dans un tract, ces derniers proclament : «L’esprit révolutionnaire et anarchiste du 19 juillet a été mystifié... La CNT et la FAI qui, pendant les premiers jours de juillet, étaient ceux qui exprimaient le mieux le sens révolutionnaire et l’énergie potentielle dans la rue, se trouvent aujourd’hui être dans une situation diminuée pour ne pas avoir su donner toute sa valeur à leur personnalité pendant les journées ci-dessus évoquées. Nous avons accepté la collaboration sur un plan minoritaire tandis que notre force dans la rue a une grande valeur majoritaire. Nous avons renforcé les représentants d’une petite bourgeoisie décrépite et contre-révolutionnaire. En aucune façon nous ne pouvons tolérer que la révolution soit ajournée jusqu’à la fin du conflit militaire. Travailleurs, n’abandonnons pas la rue. Junte révolutionnaire. Exécution des coupables. Désarmement des corps armés. Socialisation de l’économie. Dissolution des partis politiques qui ont agressé la classe ouvrière. Nous saluons les camarades du POUM (Parti ouvrier d’unité marxiste) qui ont fraternisé avec nous dans la rue. Vive la révolution sociale.»

    Ces différents secteurs critiques seront, hélas, bâillonnés, par la direction de la CNT-FAI, qui n’hésitera pas à exclure ces empêcheurs et empêcheuses de tourner en rond. Réalité violente qui pose, en substance, aussi un autre problème de fond. La CNT, organisation libertaire, censée développer un fonctionnement autogestionnaire et horizontal, finit par reproduire un fonctionnement autoritaire et vertical avec une bureaucratie et une direction qui décide toute seule, et exclut les opposantes et opposants.

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    A lire aussi, aux éditions d’AL : Valentin Frémonti, Solidarité internationale antifasciste (1937-1939). Une action humanitaire et libertaire dans la guerre d’Espagne, éd. Alternative libertaire, 2017, 156 pages, 6 euros.

    L’enseignement de cette révolution espagnole, si l’on doit en retirer quelque chose : c’est qu’en situation révolutionnaire, ne pas rompre avec le vieux monde et ses institutions est lourd de conséquences. Notamment, quand cette absence de rupture se matérialise par l’alliance des forces révolutionnaires et des défenseurs de l’ordre républicain. Alliance interclassiste, elle ne pouvait que mettre, en danger le devenir même de la révolution sociale.

    Un débat d’actualité, en ces heures de campagne électorale. Un débat qui nous rappelle, encore, que la seule et unique alternative, comme le défendait Cornelius Castoriadis, demeure, hier, aujourd’hui comme demain : «Socialisme ou barbarie».

    Jérémie Berthuin (AL Gard)

    1937 : En Espagne, la contre-révolution triomphante – UCL - Union communiste libertaire
     

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  11. Anarchie 13
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  12. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Vu tes argument c'est exactement ça la question. Tu parles de s'allier à des ennemis politiques qui le sont pour quelles raisons ? Parce qu'ils ne sont pas révolutionnaires.
    Si la discussion revient à chaque élection ce n'est pas uniquement car ces carriéristes des partis en tirent profit, c'est aussi parce que le danger fasciste est réel. Si le RN n'était pas aux portes du pouvoir la question ne se poserait même pas. Maintenant tu réduis le front antifasciste aux élections, c'est des oeillières qui empêchent toutes réflexions. S'unir contre le fascisme peut se manifester dans de nombreuses actions différentes, en l'occurrence il s'agissait ici d'une marche. Evidemment que certains candidats en profitent pour tirer la couette à eux, mais la manifestation n'est pas en soutien à une candidature.

    Non non, d'après n'importe qui qui se penche un peu sur le sujet. L'antisémitisme progresse, les partis d'extrême-droite progressent partout sur le globe et parviennent au pouvoir, la situation économique est favorable à l'émergence de fascismes...

    Et donc ? Quelles leçons tu tires de tout ça ?
    Je vois qu'en allemagne sans front antisfasciste Hitler est arrivé au pouvoir sans trop de difficultés, en Espagne le front antifasciste a pu tenir tête au franquisme et c'est à cause de divisions de ce front antifasciste que la résistance n'a pas pu durer plus longtemps. Que ces divisions soient le fait des staliniens et de leurs purges, du gouvernement et de sa répression ou de la CNT qui n'a pas envie d'abandonner le processus de collectivisation qui ne peut que déplaire à la bourgeoisie républicaine est secondaire dans ce qu'on dit. L'article s'offusque de ce que les mesures révolutionnaires aient été combattues par le PCE et le gouvernement républicain comme s'il avait pu en être autrement et que la CNT aient dû tempérer ses ambitions révolutionnaires et accéder au pouvoir. Encore une fois la question de révolution ou front antifasciste est centrale. Faut-il continuer à s'opposer frontalement à la bourgeoisie et aux partis réformistes antifascistes sous prétexte de mener la révolution si ça affaiblit le camp antifasciste et permet au fascisme de triompher ?
    A moins que tu ne penses que le processus révolutionnaire en lui-même est la meilleure garantie contre le fascisme au point qu'il permette d'en triompher tout en se passant de la collaboration avec la frange républicaine de la bourgeoisie et ses partis représentatifs ? Mais si c'est ton point de vue il faut des preuves historiques.
    L'histoire me semble plutôt montrer que le front antifasciste a permis de tenir tête au fascisme là où l'absence d'un tel front lui a ouvert les portes du pouvoir.

    Ils oublient complètement de parler du fascisme. Oui le front antifasciste ne peut pas être directement révolutionnaire. Si l'absence de front signifie le triomphe du fascisme la question à se poser est : est-il plus facile pour les organisations révolutionnaires d'exister et de mobiliser dans un régime républicain ou dans un régime fasciste ? Et la question me semble vite répondue.
     
  13. ninaa
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  14. anarchiste, anarcho-féministe, individualiste
    Je ne reproche pas seulement à la CGT police, aux flics en général, "de ne pas être révolutionnaires".

    Et j'ai également bien d'autres critiques pour tous les candidats au pouvoir.

    Surtout pour ceux (comme le PCF ou le PS, qui participera officiellement à la manif du 4juillet) qui lorsqu'ils sont au pouvoir, dans une municipalité ou en faisant partie d'un gouvernement, commettent toutes sortes de crimes contre les pauvres, les immigrés.
    Comme j'avais d'autres reproches à faire à Chirac, le rempart contre le fascisme en avril 2002).
    Je vais résumer mon point de vue sur les compromis de "la gauche" en général avec des ennemis d'hier, d'aujourd'hui et de demain: ce "sacrifice" ne leur coûte pas tant que ça, parce qu'en fait ils ne sont pas tellement révoltés par le racisme, les abus de pouvoir, le capitalisme. On ne sent aucun dégoût pour tout ça. Pour eux il n'y a aucun sacrifice, ils ne comprennent donc pas du tout qu'on puisse être sincèrement dégoûté par ce chantage.
    Et puis participer au cirque électoral, défiler aux côtés de toutes les crapules en compétition pour le pouvoir (et pourquoi pas avec des PDG d'hypermarché - pour peu que l'antifascisme soit vendeur?) ça donne assez bonne conscience pour ne plus chercher à lutter de façon moins spectaculaire au quotidien.

    En avril 2002, seul le cortège de la CNT a rappelé que Chirac n'était pas seulement "escroc contre facho":




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  15. ninaa
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    ninaa Membre du forum Expulsé du forum

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  16. anarchiste, anarcho-féministe, individualiste
    J'insiste, au sujet de ce titre caricatural:

    je participe sans problème à toutes sortes de luttes et manifs qui ne sont pas du tout révolutionnaires (mal logés, précaires, sans papiers...). ça ne me pose AUCUN PROBLEME de lutter avec des associations, collectifs, dont l'objectif est uniquement de se battre contre des injustices sociales. En revanche, lutter contre des expulsions aux côtés du PCF, qui expulse lui même quand il est au pouvoir dans une municipalité, il n'en est pas question. Lutter aux côtés de la police...
    sans commentaire.
    Cette discussion n'a donc pas lieu d'être pour moi et je n'y participerai plus, pas en ces termes en tout cas.
    En revanche s'il existe réellement (ce dont je doute...) des militants qui se posent la question en ces termes (la révolution ou le copinage avec des candidats au pouvoir et avec la police)... grand bien leur fasse, mais ce sera sans moi!
     
  17. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  18. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Si les conditions des pauvres et des immigrés t'importent alors pourquoi ne pas faire barrage au fascisme par tous les moyens sachant qu'il les aggrave drastiquement ?

    Je ne sais pas de quelle gauche tu parles, mais je ne vois pas en quoi lutter contre le fascisme reviendrait à sacrifier la lutte contre le racisme, les abus de pouvoir ou le capitalisme.

    Là encore je ne vois pas trop ce qu'il y a de spectaculaire à voter ou défiler ni en quoi cela dispense d'autres formes de militantisme. Tu ne précises pas quel serait ce militantisme "du quotidien" antifasciste (car on parle d'antifascisme là).
    Mais y a un point où on n'est pas d'accord. Tu réduis les gens à des intérêts égocentriques, comme du darwinisme social. Si les candidats reformistes sont motivés uniquement par leur carrière ça veut dire qu'ils prennent part à la lutte antifasciste parce que les électeurs sont préoccupés par celle-ci. Dans ce cas le camp révolutionnaire devrait se réjouir et montrer que son engagement à lui est authentique et non intéressé comme ces "crapules". C'est probablement faux par contre que les candidats soient dénués de conviction et de sens moral, probablement qu'ils s'engagent contre le fascisme aussi par principe voire parce que ça les inquiète personnellement. Dans tous les cas la mobilisation a pour but de combattre l'extrême droite et le recul des libertés, ça n'est pas une campagne électorale (sinon en faveur de qui était cette campagne dans la manif du 12 ???).
     
  19. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  20. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Syndicats : ils se remobilisent contre l'extrême droite | Rapports de Force
     
  21. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  22. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Un article qui date mais est bien écrit et rappelle quelques arguments bien concrets concernant le fascisme et son ascension au pouvoir.

    La suite ici : Info Libertaire - Actualité militante et info anarchiste
     
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