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Humanisme, compassion et anarchisme

Discussion dans 'Musique et contre-cultures' créé par Damona, 24 Mars 2023.

  1. Damona
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    Mar 2023
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    Bonjour,

    Je me permets de partager l'avant-propos d'un magazine, Exode Cosmic, qui propose à ses lecteurs une réflexion sur la capacité compassionnelle de notre espèce en tant qu'elle est l'aptitude qui nous pousse au désir d'humanisation (soit, à "ne pas être bête" au sens propre comme figuré) et en vient à lier humanisation, compassion et anarchisme.

    L'avant-propos se trouve en accès libre sur ce site : Exode Cosmic n°2 – Avant-Propos : Homo Compassio | lelitteraire.com

    J'aimerai vraiment savoir ce que vous en pensez :)
     
  2. anarch
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    anarch Membre du forum

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    Mar 2023
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  3. libertaire, anarchiste, auto-gestionnaire, synthèsiste, anti-fasciste, anti-autoritaire
    Petite analyse rapide, en une lecture :

    Le "+" : La compassion, comme moteur de l'organisation anarchique. Effectivement, je l'articulais autrement dans des pensées récentes, mais c'est vrai que dans beaucoup de débat politique sur les stratégies et tactiques à mettre en place pour faire une véritable révolution anarchique, on évoque plusieurs leviers :
    1) La pédagogie, formation : conscientisation de beaucoup de phénomène, comme la lutte des classes (forme sociologie et économique), le patriarcat, le racisme, le validisme, etc.
    2) Le militantisme : Diffuser ses formations, convaincre les autres, se déconstruire et déconstruire les autres, etc. pour essayer de rassembler le plus grand nombre de personnes, pour renverser, quelque soit le mode choisi, l'order établi (capitalisme, patriarcat, etc.)
    3) L'activisme : La lutte effective pour empêcher le déploiement des dominations et oppressions, via des actions (à la fois directe ou indirecte), avec le syndicalisme, les manifs, les assos, lieu autogéré, enfin toutes les orga de luttes qui luttent pour maintenir un rapport de force et créer de la solidarité, etc.

    Un levier, qui est comme même présent de manière implicite dans les leviers précédents, mais qu'on explicite peut-être pas assez souvent, c'est la compassion exprimée ici dans l'article. De mon côté je l'articulais plus comme, la "confiance en son prochain" ou l'"amour de son prochain".
    Il n'y a rien de nouveau là dedans, mais c'est une levier que je trouve pas assez usé, discuté et théorisé dans les mouvements politiques anarchistes occidentaux. Mais c'est quelque chose qu'on retrouve pas mal dans les mouvements féministes et LGBTQIA+, avec la mise en avant dans les orgas, des espaces "safe", qui construisent cette solidarité, pas seulement une "conscience de classe/genre,etc.", mais aussi un espace où construire de la compassion, des amitiés, des amours. D'où vraiment le mot "safe" utilisée, comme espace de confiance, et pas seulement un espace de conscience objective de sa condition.
    On le retrouve aussi dans les mouvements véritablement alternatifs, non-occidentaux (qui ne se réclament pas forcément de l'anarchisme, mais en partagent pas mal d'éléments et de valeurs), comme les Zapatistes du Chiapas, avec leur "Déclaration pour la vie"
    « Déclaration pour la vie » : les zapatistes annoncent leur venue en Europe
    On voit ici, que la création de compassion, d'empathie et de solidarité est fortement mis en avant dans cette action. Les champs lexicaux utilisés sont plutôt clairs.
    A voir aussi toutes les luttes indigènes, aux Etats-Unis, Canada, etc., du monde entier.
    Je te conseille "l'Anarchie Fonctionne" de Peter Gelderloos pour ça :
    Livre complet ici : Peter Gelderloos – L’anarchie fonctionne – Info Libertaire

    Le "-" : Je n'aime pas beaucoup cette opposition homme/bête qui est utilisé ici, pour mettre en avant les différentes conceptions/constructions de l'être humain pour s'émanciper de cette condition.
    Je trouve que c'est un discours essentialisant.
    Bien que je sois d'accord avec l'idée, que le concept "d'humanité" est produit par l'humain, qui croît ainsi se différencier des autres objets. Je pense que c'est une idée très occidentalo-centré de penser que l'humain tend naturellement à se différencier des bêtes, comme une condition qu'il voudrait fuir. Comme une pulsion universelle, qui nous positionne chacun par rapport à cette question.

    Je pense plus simplement, que l'humain tend universellement à créer des concepts, c'est-à-dire, différencier des objets dans le monde qu'il appréhende en une infinité de catégories.
    Mais je ne pense pas qu'il y ait une lecture universelle de se différence par rapport aux bêtes. Et ainsi fuir des caractéristiques précises. Je pense notamment aux cultures animistes, comme contre exemple (attention je ne suis pas du tout expert dans l'histoire ou l'anthropologie des cultures animistes).

    J'aime pas trop l'idée de séparer culture et nature, homme et bête, d'essentialiser/universaliser les désirs humains, car c'est ouvrir la voie à des pensées en terme de comportements positifs/négatifs, comportements vrai/faux, qu'il faudrait suivre ou bannir pour que les humains s'émancipent.
    Là, où je pense que l'émancipation est plutôt dans l'expression libre de chacun de ce qu'on ressent, ce qu'on veut construire, ce qu'on veut être. Et par la compassion, la préservation de cette diversité d'être (humain ou pas).

    Pour moi, il n'y a pas de "devenir véritablement humain", comme dit l'article. (D'ailleurs je n'ai pas vraiment exploré le sujet, mais il existe des personnes qui se définissent comme xénogenre, je pense que s'intéresser à ce sujet, peut être enrichissant).

    Voilà mon ressenti :) Pleins de choses à dire et à explorer mais ce pavé est déjà suffisant pour l'instant.

    Attention je peux être affirmatif des fois, mais j'exprime simplement ce que je ressens, et bien sûr tout est ouvert à discussion/critique, c'est ça qu'on recherche.
     
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  4. anarch
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  5. libertaire, anarchiste, auto-gestionnaire, synthèsiste, anti-fasciste, anti-autoritaire
    Pour terminer sur note positive, quand même, je citerai ceci, que je trouve très juste et pertinent (pour ma part) :

     
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  6. Damona
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    Damona Membre du forum

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    Mar 2023
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    Merci beaucoup pour ton retour hyper complet, j'adore ! :)<3 Je prends bonnes notes également des liens que tu me donnes et que je vais aller consulter, merci :ok:

    Les lecteurs du magazine ne sont pas des anarchistes ni des gens qui voient d'un très bon œil ce qu'on appelle communément et avec une défiance certaine le "wokisme". Ce sont des gens que l'on veut convaincre en douceur, sans heurter leur sensibilité personnelle, le but n'est pas d'écrire pour sournoisement leur faire comprendre que s'ils sont méfiants face à l'écriture inclusive, le LGBTQ, l'anarchisme, etc, alors ce sont des gros cons :'D L'idée n'est pas non plus de renverser le totalitarisme intellectuel, mais de poser des questions, ouvrir des nouveaux champs de pensée pour viser l'autonomie idéologique et d'accepter que tous ne pensent pas pareil sur divers sujets. Alors je comprends tout à fait tes craintes concernant la tendance à l'universalisation de l'essai.

    Toutefois, pour ce qui est de la distinction homme/bête, j'ai l'honneur de te confirmer que oui, tous les peuples dans l'histoire de l'humanité, font bien une distinction entre eux et les bêtes XD. La traduction de leur nom, signifient d'ailleurs la plupart du temps "humains". "Inuits" par exemple, signifie en inuktitut "êtres humains" ; "Khoïkhoï" (peuple pastoral d'Afrique australe) signifie "les hommes des hommes", etc. Donc il y a bien un universalisme de la volonté de se différencier des bêtes, de s'affirmer en tant qu'espèce différente des autres, de manière assez évidente puisque physiquement, nous ne nous ressemblons pas et nous ne pouvons nous reproduire avec eux, et sans que cela n'inclue un quelconque rapport de domination ou de supériorité. Bien au contraire, comme ils sont effectivement animistes, ces peuples ne pensent pas être "supérieurs" à l'animal, dans le sens où cette supériorité leur octroierait des prérogatives de mise à mort, de torture, d'esclavagisme, etc. La supériorité telle qu'elle est rapportée dans l'avant-propos est celle dont ce sont prévalus, et se prévalent encore, les occidentaux, en pensant effectivement que leur "humanité" fait d'eux des êtres supérieurs, disposant du droit de vie, de mort, d'esclavagisme, d'utilisation, etc. des animaux (cf. le courant humaniste de la Renaissance). Je reprends donc cette conception, car j'écris aussi pour ces gens qui sont convaincus d'être supérieurs aux animaux, pour leur expliquer que non, ils ne le sont que, et uniquement que (si l'on prend "supériorité" dans le sens "mieux qu'une bête" donc détaché des élans bestiaux non compassionnels), lorsqu'ils font preuve d'une compassion élargie, puisque la plupart des mammifères sont des êtres plus compassionnels que les humains ! Pour précision je suis ethnologue et historienne de formation :p

    Comme c'est écrit, la capacité compassionnelle de l'être humain n'est pas sa qualité distinctive, ce qui fait de lui une bête différente des autres, mais bien l'origine de son désir, ce qui le pousse à s'affranchir de sa condition bestiale, car nous sommes effectivement des bêtes de type mammifères, qu'on le veuille ou non, c'est un fait biologique. Et je te rejoins tout à fait sur la qualité distinctive de l'espèce du genre Homo : ce qui fait de lui une espèce différente aux autres, c'est qu'il s'invente, se raconte des histoires, élabore des concepts et des théories et notamment la toute première de ces théories qui est celle de se croire différent des autres animaux. C'est pour cela qu'on dit que Homo est une bête qui aspire à ne pas en être une. Et bien sûr, je te rejoins, même si à l'origine il y a cette volonté universaliste des humains à se différencier des bêtes, tous ne le font pas de la même façon et c'est la raison pour laquelle il y a une multiplicité de cultures, comme dit dans l'introduction.

    Enfin, la compassion est une aptitude innée qui peut, ou non, s'exprimer grâce à la culture. Mais pour être opérante, elle nécessite, comme c'est dit, de reconnaître à l'altérité un statut d'égalité et c'est justement ça qui est difficile ! Comment se reconnaître identique dans notre capacité à ressentir et souffrir lorsque nous sommes divisés, atomisés, érigés les uns contre les autres ? C'est là tout le problème et pour le résoudre, il faut parler, échanger et réussir à comprendre les points de vue des uns et des autres pour échanger et vivre en paix :) Je pense aussi que l'humour, la dérision et l'autodérision, fonctionnent très bien aussi pour accepter les différences. Et la première nouvelle que tu trouveras dans ce numéro, pourra à ce titre te questionner, te faire rire, réagir, etc.
     
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  7. anarch
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  8. libertaire, anarchiste, auto-gestionnaire, synthèsiste, anti-fasciste, anti-autoritaire
    Merci pour cette réponse bien complète également. C'est vraiment intéressante et stimulant ! Je comprends mieux la position du texte :)

    Pour la distinction homme/bête, je me suis sûrement mal exprimé (ou alors mal compris ce que tu veux dire, tout est possible :)), mais je ne voulais pas dire que la distinction entre homme (qqchose qui partage des caractéristiques très similaires à moi, qui me ressemble pas mal) et les bêtes (des trucs un peu moins similaire, avec des caractéristiques particulières, qui me ressemble pas trop) n'existe pas, fondamentalement dans l'humain, car effectivement, comme je disais (et comme tu sembles le confirmer), l'homme à la capacité de distinguer des objets différents et de les catégoriser. Donc il distingue bien humain, chat et chien, comme des catégories définies. D'ailleurs cette mécompréhension, aura permis de me faire un peu de culture, merci :p

    Donc je suis d'accord ici :

    Plutôt, je pense pas (et tu pourras m'éclairer dessus par tes connaissances, et éventuellement l'infirmer, au niveau des peuples), que l'humain tendent, universellement, à se différencier "volontairement" de la bête.

    C'est ici que j'ai un doute :
    Je suppose (j'aime faire des hypothèse, et je vais profiter de tes connaissances ahah), qu'il existe peut-être des peuples, où il est bien de vu d'avoir des caractéristiques similaires à certains animaux, donc à s'en rapprocher en quelque sorte.
    J'essaye de rechercher en même temps que j'écris, mais je trouve pas, il me semble avoir déjà entendu parler de peuple dont les chefs, ou certaines tribus, s'identifiaient à des animaux (tout en ayant conscience qu'ils ne sont pas ces animaux, bien sûr, mais qui voulaient en acquérir les caractéristiques qui leur plaisaient pour une raison ou une autre). J'espère ne pas confondre avec des choses que j'ai pu voir dans des fictions (c'est possible ahah :))

    Par contre, je sais que les personnes xénogenres tendent à s'identifier à une identité non-humaine, donc, à ne pas se différencier, éventuellement, de l'espèce animal (ou autre) dont ils se sentent identifiables. Et même, peut-être à aspirer à ressembler, à acquérir les caractéristiques de l'identité définie. Donc de facto, ils n'ont pas la volonté de se différencier des animaux.
    (Attention je ne suis pas spécialiste du sujet, je parle sous surveillance de quelqu'un qui aurait plus de connaissance dans la matière).
    Xenogender


    Autre chose, de très intéressant que tu as dis, et qui m'interpelle, c'est ici :

    Que signifie "les hommes des hommes" ? Quelle est la distinction faites entre les deux "hommes" ?
     
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  9. Anarchie 13
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  10. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Cette approche individualiste a ses limites. Si "l'expression libre" de quelqu'un est de ressentir de la haine envers les étrangers, qu'il veut construire une france blanche et être l'avant garde du fascisme je préfère que cette personne ne s'émancipe pas. Je prends volontairement un cas extrême mais de manière générale pour moi faire de la politique c'est affirmer des valeurs (avec une prétentions à l'universalité).
    D'ailleurs je me demande en quoi l'émancipation que tu décris ne pourrait pas être considérée comme existant déjà aujourd'hui ? A fortiori quand on vit dans une société de consommation où le capital cherche précisément à trouver un moyen de satisfaire chaque désir individuel.
     
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  11. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  12. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Dans le texte posté par @Damona@Damona j'aime bien l'idée que la compassion (ou l'empathie ?) participe à nous faire réfléchir sur les conséquences de nos actions sur les autres. C'est à creuser (on pourrait d'ailleurs imaginer la causalite inverse, c'est parce que nous sommes devenus plus aptes à comprendre les conséquences de nos actions qu'on est devenu compatissant). Ce qui rejoint la liaison entre émotion et cognition. C'est le sujet d'un livre d'Antonio Damasio (l'erreur de Descartes) un neuroscientifique. Les émotions ne sont pas le contraire de la raison elles en sont une conditions.

    J'aime bien aussi la suite du texte et la définition de misanthrope qui y est donnée (même si malgré elle j'aurais tendance à dire que le misanthrope se trompe sinon dans son constat au moins dans sa réaction).
    J'ai plus de mal avec le raisonnement qui tend à dire que les humains sans compassion sont tellement nuls qu'ils sont aussi nuls que des bêtes voire pire qu'elles (comme si les animaux constituaient une mesure de la médiocrité).
     
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  13. anarch
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  14. libertaire, anarchiste, auto-gestionnaire, synthèsiste, anti-fasciste, anti-autoritaire
    Tu as tout à faire raison de le remonter, ça mérite des précisions, que je ne voulais pas donner à priori, car beaucoup d'élément dans le message, et sujet compliqué.

    Ici, je pense dans "l'expression libre", le fait que l'expression ne peut pas être contrainte.
    Donc, par extension, que contraindre quelqu'un, car on est un fasciste/capitaliste, est un comportement "anti-émancipateur", donc répréhensible si on est pour l'émancipation.

    Donc une personne qui pour s'émanciper a besoin d'exploiter les autres, de rabaisser/humilier, etc. ne rentre pas dans la définition "expression libre de chacun".

    Pour expliquer plus en détails. Bien sûr que dans notre construction du monde, on est rattrapé par une idéologie, une volonté. Ici j'exprimais que pour construire une culture (un monde) que je pense anarchiste, il faut s'abstraire de toute essentialisation/universalition de l'être humain pour accepter un maximum de façon d'être différentes. Bien sûr, avec le condition sine qua non, que si on veut accepter un maximum de façon d'être différentes, il faudra lutter contre toutes les façon d'êtres qui vont de le sens inverse, c'est-à-dire, qui vise à uniformiser, contraindre, etc. Ce que font le fascisme et le capitalisme, (et pas que, patriarcat, validisme, racisme, etc.)

    Pour la seconde question, le capitalisme ne tend pas à satisfaire chaque désir individuel. Dans le sens, où, pour les exploités, le capitalisme tend à combler certains désirs/besoins (et dans ses formes extrêmes, il ne cherche même pas à satisfaire quoi que ce soit), pour accumuler richesse/pouvoir et garder son status quo. Pour les exploiteurs, oui il tend à satisfaire chaque désir individuel, et effectivement il existe une émancipation à ce niveau, émancipation des gens sadique, haineux, cynique, etc. mais en tant qu'anarchiste, je ne l'accepte pas, j'en veux pas et tant pis si ce genre d'être ne peut pas s'exprimer pleinement.
     
  15. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  16. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Ouais je vois très bien c'était ma façon de penser avant (quand j'aimais le structuralisme et avant d'être marxiste). Mais c'est une définition de l'émancipation qui se concentre sur la forme et évacue le contenu (idéologique). Et je trouve ça aussi limité. Soit on considère qu'un facho qui ne fait qu'exprimer son opinion sans jamais agir et contraindre les autres est parfaitement tolérable, soit on considère qu'on doit le contraindre pour le faire changer mais dans ce cas on agit nous-mêmes en "anti-emancipateurs". Le seul moyen que je vois de sortir de ce dilemme c'est de rajouter du contenu c'est a dire d'affirmer que certaines pensées et idéologies sont meilleures que d'autres ou au moins plus émancipatrices et donc on fait passer la notion de "contrainte" au second plan puisqu'on peut lutter pour l'émancipation en contraignant les fascistes (d'une manière ou d'une autre) à changer ou à se taire.

    Aujourd'hui je n'utilise plus le terme de contrainte dans ma pensée politique. Je ne pense pas qu'il faille rejeter la contrainte par principe, je pense que certaines contraintes sont positives (y compris lorsque l'individu sur qui elles s'exercent n'en a pas conscience et peut, dans l'immédiat, souffrir ou s'énerver de ces contraintes). Deuxièmement je pense qu'il est absolument impossible de se débarrasser de la contrainte. D'ailleurs je ne crois pas au libre-arbitre.

    Je pense que si. Chaque désir est un moteur à la consommation.
    D'ailleurs c'est un des problèmes du capitalisme : tous les désirs ne sont pas bons à réaliser. Je pense que les idéologies (dont certaines à prétention contestataire) qui affirment le contraire sont nuisibles et servent au final le capital.
     
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  17. Damona
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    En fait Khoïkhoï peut tout aussi valablement être traduit par "ceux qui appartiennent à l'humanité" ils s'appellent ainsi pour se différencier des Sankhoï ("ceux qui ramassent par terre"), leurs voisins cueilleurs ; les ethnies du peuple San utilisent plusieurs types de dénominations différentes qui peuvent se traduire par "les gens", "le peuple", les "humains", etc. et qui précise une spécificité (par expl Shwakhwe : « les gens du salin »).

    Je pense que tu veux parler du totémisme, qui est une forme d'organisation sociale cultuelle autour d'un animal, d'un végétal ou d'un objet, mais il n'y a pas de confusion entre le totem et la reconnaissance de leur spécificité biologique en tant qu'humain.
    D'ailleurs, en parlant d'universalisme, les travaux des ethnologues ont permis d'attester que tous les peuples humains à l'origine, sont chasseurs-cueilleurs et animistes. L'animisme est réellement la première croyance sacrale de l'humanité.

    Pour ce qui est du xénogenrisme, je ne connais pas bien et ça me laisse un peu sceptique pour la scientifique que je suis... Qu'on le veuille ou non, nous sommes, biologiquement parlant, des êtres humains et, à moins d'être élevés par des non-humains et de survivre en étant élevé par des non-humains, nous resterons des humains, qu'on le veuille ou non. Un être humain peut vouloir devenir une grenouille, il ne pourra jamais vivre dans une mare, pondre des œufs et enfanter des têtards ; un humain décidant de devenir un guépard, ne pourra jamais courir aussi vite, attraper une gazelle ou un gnou, etc. :'D Bien sûr, libre à chacun de se revendiquer d'une autre espèce et de vivre comme une autre espèce, tant qu'ils ne forcent personne, n'est pas contraint ou ne nuit pas autrui... Dans mon avant-propos j'avais aussi en tête ces occidentaux de la manosphère qui se réclament de la bête pour justifier des rapports de domination en copiant par exemple l'organisation sociale des loups (mâles alpha, bêta, oméga, etc.) : transposition totalement erronée, fallacieuse et démentie par les éthologues.
    De même, finalement, les êtres humains qui ne se sentent pas en accord avec leur genre, peuvent changer de sexe uniquement grâce aux avancées de la médecine mais ne peuvent toujours pas avoir un utérus, etc. Cela dit, pour les tribus du continent américain, il n'y a pas deux sexes, mais trois : les hommes, les femmes et les homme-femme ou femme-homme. Mais c'était encore un statut différent : une femme qui se sent homme, et vice-versa. Ils n'étaient donc pas reconnus biologiquement comme appartenant à l'autre genre, la reconnaissance s'opérait seulement d'un point de vue culturel et ils jouissaient de prérogatives particulières.
     
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  18. Damona
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    Pour le débat contraindre ou pas contraindre c'est très compliqué et délicat... Par exemple, les US qui envahissent les états arabes pour les libérer du joug de l'islamisme...
    Honnêtement, pour moi, le plus simple, c'est qu'on en revienne à une organisation pré-Etat Nation. Historiquement, les Etats nations ont été créées (et durement, car il a fallu combattre les très fortes oppositions régionales) pour contenter la soif de pouvoir des monarchies. Ils en a résulté pas mal de choses positives, mais aussi négatives comme le triomphe de la bourgeoisie et l'instauration d'une oligarchie. Moi je suis plus pour une organisation sociale de collectivités autonomes mais fédérales, qui se reconnaissent chacune dans leurs différences culturelles et qui font des échanges pacifiques, quittent à s'unir contre ceux qui voudraient les détruire ou les assujettir.
     
  19. anarch
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  20. libertaire, anarchiste, auto-gestionnaire, synthèsiste, anti-fasciste, anti-autoritaire
    @Anarchie 13@Anarchie 13
    Globalement d'accord avec tes remarques.

    Effectivement, des zones d'ombre dans ce que j'exprimais. Je suis d'accord que la contrainte ne peut pas être le seul indicateur idéologique sur lequel on se base pour estimer la "santé" de la société.
    Le contenu idéologique, dont tu parles, qui devrait favoriser certains désirs et pas d'autres (désirs de solidarité, fraternité, par exemple) va effectivement driver la logique "maximiser de façon d'être différentes" dans un sens, plutôt qu'un autre.

    Après dans ce que j'exprimais, je ne pense pas que je réfutais l'impossibilité de se débarasser de la contrainte. Je ne crois pas non plus au libre-arbitre, et je ne crois pas que ce soit en contradiction. La manière dont on veut être, est forcément déterminé.

    Pour ici, d'accord avec toi, je pense que c'était contenu dans la réponse suivante :

    Effectivement, tous les désirs ne sont pas bon à réaliser. Et oui mon explication, où je sépare exploité/exploitant n'avait pas beaucoup de sens, un peu bancal, je pense j'avais mal compris que ce tu voulais me dire.

    En tout cas, merci pour ces remarques.
     
  21. anarch
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    anarch Membre du forum

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  22. libertaire, anarchiste, auto-gestionnaire, synthèsiste, anti-fasciste, anti-autoritaire
    @Damona@Damona
    Sur les questions d'identités, je ne suis ni expert, ni concerné, donc je pourrai pas répondre plus en profondeur, mais juste proposer des pistes.

    Mais dans ce que j'exprimais depuis le début (pas forcément bien), c'est que je faisais bien la distinction entre :

    identité et sexe
    identité et être biologique
    Scientifiquement, il y a une discipline, l'étude de genre qui met tout cela en forme.
    Alors je vais mettre du Wikipedia, avec les pages françaises, même si je pense que les anglaises sont mieux, mais bon, peut-être plus simple pour aborder au début. (Perso je vais les relire pour me remettre un peu dedans).

    Sur la différence entre Genre et Sexe, tu peux commencer par là :
    Distinction entre sexe et genre — Wikipédia

    Sur la discipline :
    Études de genre — Wikipédia
     
  23. HarryKill
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    HarryKill Membre du forum Membre actif

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    C'est marrant, j'aurais plutôt pensé l'inverse... Que nous ne soyons pas obligés d'intellectualiser des faits ou des idées pour que naisse en nous la compassion vis à vis de ces faits, de ces idées ou de leurs antagonismes... J'aime bien Damasio, j'aimerais bien en savoir un peu plus sur ce qu'il avance à travers ce livre.
    J'aurais plutôt perçu l'inverse dans le sens où notre compassion réveillerait une interrogation, donc nous pousserait à intellectualiser les choses pour mieux en percevoir les origines sans forcément renforcer ce degré de compassion.

    Je suis d'accord avec cette idée, en même temps elle me pose question.
    L'animal agit par instinct, donc assurant sa survie...ce qui ne l'empêche pas d'avoir (selon ce que donne le texte comme info) une certaine forme compassionnelle. Au sein d'espèces grégaires distinctes (j'entends par là "qui se sociabiliseraient" - je ne sais pas si le terme est le plus approprié), auraient elles toutes le même degré de compassion ? Quels seraient les facteurs qui les distingueraient à ce niveau compassionnel ? Et pour celles qui semblent en offrir le plus, est ce que cette compassion conspécifique nuirait à leur survie ? A quel moment l'instinct reprend le dessus sur leur état compassionnel ?
     
  24. Damona
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    Damona Membre du forum

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    Excuse-moi arnarch je n'avais pas vu ce post.

    Oui je comprends, il y a peut-être eu de la maladresse de ma part, je ne voulais pas dire que les bêtes sont nulles XD Il faut dire que, à un moment dans ma jeunesse j'ai eu tendance à idéaliser le monde animal, mais en l'observant de plus près, on s'aperçoit que les bêtes sont cruelles, de notre point de vue et c'est ici que je pose la "supériorité" de l'humain, mais le terme n'est pas bon effectivement, car il est hautement hiérarchique... Il faudrait inventer un nouveau mot. Mais il faut se rendre à l'évidence, j'ai un podenco (un lévrier espagnol sauvé d'une perrera), il devient fou lorsqu'il lève une piste ou dès qu'un petit animal (comme le chat de la maison, par exemple) court dans le jardin (il lui a bouffé la queue, il a fallu la lui amputer). Il ne fait pas ça méchamment, c'est-à-dire pas par volonté de nuire, mais parce que son instinct de canidé prédateur le lui dicte. Et les lois de la nature nous apparaissent, à nous les humains qui sommes capables d'une capacité compassionnelle élargie, extrêmement cruelles. Regardez des reportages animaliers : la reproduction telle qu'elle est pratiquée par beaucoup d'espèces nous apparaît comme un viol, d'ailleurs le pénis du chat est recouvert d'épines recourbées vers l'arrière pour que la femelle ne lui échappe pas au risque d'avoir une déchirure vaginale et le rapport en lui-même lui provoque une vive douleur (parois vaginales griffées) afin de stimuler la production d'ovules ; les mâles renards tuent leurs rivaux, puis ses renardeaux, pour rapidement se reproduire avec la femelle dont il vient de tuer le mâle et les enfants ; l'épervier d'Europe tue des oisillons pour se nourrir, etc. Ils le font parce qu'ils n'ont pas de capacité compassionnelle élargie et parce qu'il leur faut survivre. C'est pour cette raison que je dis que nous, les humains, le bénéfice du doute n'est pas laissé (sauf à souffrir d'une pathologie) et que nous avons une capacité compassionnelle qui tend à nous obliger à ne pas nous comporter de manière cruelle. Mais tu as raison, il faudrait retravailler et réfléchir à cette notion de "supériorité" qui est lourde de connotations hiérarchiques. Merci :)
     
  25. Damona
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    Damona Membre du forum

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    Mar 2023
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    Les études de genres ne sont pas non plus quelque chose qui me passionne outre mesure car je ne suis pas concernée non plus, après, il est vrai que ce sont des problématiques sociales à débattre et je comprends que certaines personnes aient envie de le faire et c'est légitime de leur point de vue. Après, ça devient vite un terrain glissant et ça a tendance à susciter des crispations et des conflits c'est pourquoi j'avançais l'exemple des sociétés autochtones d'Amérique pour proposer un exemple de résolution de cette problématique.
     
  26. Hors sujet... Mais très content de lire vos discussions ! :)
     
    anarch et Damona aiment ça.
  27. Damona
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    Damona Membre du forum

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    Mar 2023
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    Bonjour HarryKill :)

    Là, j'entendais un exemple très concret : parfois, il faut faire un effort intellectuel de décentrement pour que naisse la compassion. J'ai remarqué que dans notre société d'anonymes, nous nous offensons de beaucoup de choses alors que, avec un effort intellectuel, nous pourrions comprendre et compatir. Par exemple, la caissière du supermarché me parle mal, je me dis "qu'est-ce qu'elle a contre moi, elle est conne en fait ?!". Mais, après réflexion, je peux aussi me dire "en fait, ça n'a sûrement rien avoir avec moi, elle a peut-être passé une journée de merde, elle s'est faite engueulée par son patron, ou elle a des problème familiaux, ou le client d'avant l'a traitée comme une merde, ou elle a peut-être mal au dos, etc." Bien sûr, ça ne justifie pas qu'elle soit désagréable avec moi, mais cet effort de réflexion intellectuelle et de décentrement a fait naître en moi une compassion, et je comprends qu'elle ait pu être désagréable, sans le vouloir, pas parce que c'est contre moi ou parce qu'elle est conne (méchante), mais parce qu'à cet instant elle est malheureuse ou tracassée, etc.

    Ça ce sont les travaux en éthologie qui le prouvent, et je ne suis pas éthologue :'D D'après leurs études, elles n'ont pas toutes le même degré de compassion (par là j'entends une compassion qui s'étend uniquement aux êtres conspécifiques, ou bien une compassion qui peut se manifester également à l'égard des êtres hétérospécifiques ou encore une compassion qui peut naître chez l'être qui est à l'origine de la souffrance de l'être conspécifique ou hétérospécifique, ce sont là les différents degré de compassion que l'on connaît). Leurs travaux tendent à prouver, également que l'aptitude compassionnelle plus ou moins élargie est aussi en rapport avec la taille du cerveau, donc les capacités intellectuelles. Chez les campagnols, par exemple, la compassion se borne aux êtres conspécifiques. En revanche, les éléphants ont une capacité compassionnelle très élargie comme tend à l'indiquer Carl Safina, dans son livre Qu’est-ce qui fait sourire les animaux ? Il y rapporte plusieurs fois où des pachydermes sauvages sont venus en aide à des humains : "Un berger s’était cassé une jambe dans un affrontement accidentel avec une matriarche. [...] Il a expliqué plus tard qu’après l’avoir frappé, l’éléphante s’était rendu compte qu’il ne pouvait plus marcher. A l’aide de sa trompe et de ses pattes avant, elle l’avait doucement déplacé un peu plus loin et l’avait adossé à l’ombre d’un arbre. L’effleurant de temps en temps de sa trompe, elle l’avait veillé toute la nuit".
    La question de savoir pourquoi demeure un mystère, car effectivement si la compassion intraspécifique nous semble guidée par l'impératif de survie de l'espèce, la compassion hétérospécifique ne répond à aucun impératif de survie...
     
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  28. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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    Damona, connais-tu Christophe Darmangeat ? C'est un anthropologue qui anime le blog "la hutte des classes" que j'aime bien suivre.

    Même sous cette condition là.

    Je ne suis pas sûr que la compassion dépende directement de la taille du cerveau, ni même du rapport taille cerveau / taille corps (qui est plus importante pour le ouistiti que pour l'humain si mes souvenirs sont bons). Je pense que la taille du groupe ou la complexité des relations en son sein doit jouer un rôle.

    En tout cas ça me fait penser aux recherches de Stéphane Debove qui travaille sur la morale avec une approche de psychologie évolutionniste (que je cautionne pas trop). Pareil, je sais pas si tu connais mais ça pourrait t'intéresser (y a pas mal de vidéo sur youtube et il a un blog aussi homo fabulus : Homo Fabulus )
     
  30. Le Chat Noir 999
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    Le Chat Noir 999 Membre du forum

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    Mar 2023
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    Je me permets d'intégrer la discussion!
    Concernant la sensibilité des êtres vivants, les raisonnements suivants n'ont pas été abordés il me semble :
    Quel est l'impact de l'éducation "auto-personnelle" et "subie par autrui", et "réciproque", sur la sensibilité des êtres vivants suivant un contexte, un environnement, un état de santé, des besoins, etc...?
    D'autre part, sachant que la génétique influe sur le soi, même si elle n'est pas forcément toujours irrémédiable puisqu'elle peut évoluer suivant les expériences vécues,
    Peut on parler également d'une éducation innée, sachant qu'il y a transmission de patrimoine génétique de générations en générations ? Celle ci étant confortée ou affaibli par la suite suivant les expériences vécues.
     
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