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Hiérarchie et évolution

Discussion dans 'Activisme, théories et révolution sociale' créé par Anarchie 13, 29 Juin 2021.

  1. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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    L'anarchie s'oppose souvent à la hiérarchie, mais je ne suis pas sûr que tous les penseurs sont d'accord avec ça. Encore faut-il savoir ce qu'on entend par "hiérarchie", s'agit-il d'une hiérarchie explicite, instituées par des statuts et des règles écrits (ou oraux mais explicites dans tous les cas) ou d'une relation plus implicite, normée, apprise par l'habitude, l'imitation, sans en avoir réellement conscience ? Au final quelle est la pertinence de lutter contre la hiérarchie et comment s'y prendre ?

    Je suis en train de lire une revue d'études scientifiques sur le sujet de la hiérarchie et de la domination sociale, qui la définit selon la seconde proposition : une relation implicite et dynamique, réactualisée en permanence selon les événements sociaux. Selon cette revue il est admis que la faculté à se soumettre ou à affirmer sa domination, à reconnaître l'existence d'une hiérarchie est un adaptation survenue dans l'évolution car elle apporte des bénéfices au groupe social qui excèdent ses désavantages. Par conséquent nous serions en quelque sorte "précâblés" à se penser supérieurs ou inférieurs à d'autres, de manière implicite donc inconsciente avant tout.

    Mettons que ce soit vrai, ça signifie que pour lutter contre la hiérarchie la société doit s'organiser pour réprouver cette tendance qui serait instinctive. C'est contradictoire avec l'idée que l'organisation spontanée des individus est la collaboration, l'égalité et que notre instinct égalitaire aurait été déformé par la société. Et donc c'est en contradiction avec l'idée aussi qu'une société anarchiste n'imposerait pas de contraintes sur les individus, si leur comportement spontané est de se projeter dans des systèmes de domination alors ce comportement devrait être contraint par la société.
    En gros la société anarchiste devrait éviter que les dominations implicites ou les impulsions dominatrices mais aussi de soumission ne parviennent à s'exprimer de façon explicite.

    Qu'en pensez-vous ?

    Je posterai des résumés d'articles scientifiques et théories si j'en apprends plus pour alimenter le débat.

    Concrètement il semble que les études en anthropologie évolutionnaire et théorie des jeux évolutionnaire les décisions collectives émergent, sont plus efficaces d'un point de vue adaptatif, lorsqu'on a le temps de les prendre. Cependant si tous les individus n'ont pas accès aux mêmes informations, si le temps "manque", si l'accès aux ressources change d'un individu à l'autre (entre autres facteurs), c'est favorable à l'émergence de leaders. Après la théorie des jeux ce sont des modélisations informatique où on simule l'évolution darwinienne en regardant quel caractère se généralise au bout d'un certain nombre de générations. Perso je suis pas friand de cette méthode - que je connais mal ceci dit - car je pense qu'énormément de facteurs ne peuvent pas être modélisés. Donc pour moi ça peut être un outil intéressant pour donner des pistes de réflexions, mais pas pour fournir des preuves scientifiques.
    Selon ces modèles la domination est atténuée lorsque 1) les ressources sont plus difficiles à monopoliser, 2) partager les ressources est essentiel pour survivre, 3) les individus peuvent facilement quitter le groupe et 4) les individus forment des coalitions pour renverser le leader.

    Les études en questions citées dans l'article sont les suivantes :

    Smith, J.E. et al. (2016) Leadership in mammalian societies: emergence, distribution, power, and payoff. Trends Ecol. Evol. 31, 54–66

    Conradt, L. and Roper, T.J. (2003) Group decision-making in animals. Nature 421, 155–158

    Clemson, T. and Evans, T. (2012) The emergence of leadership in social networks. Physica A 391, 1434–1444

    Boyd, R. and Richerson, P.J. (1992) Punishment allows the evolution of cooperation (or anything else) in sizable groups. Ethol. Sociobiol. 13, 171–195

    Gavrilets, S. (2015) Collective action and the collaborative brain. J. R. Soc. Interface 12, 20141067

    Hooper, P.L. et al. (2017) Ecological and social dynamics of territoriality and hierarchy formation. In Complex Adaptive Systems: An Introduction to Computational Models of Social Life (Miller, J.H., (Page and SE, eds), Princeton University Press

    Sigmund, K. et al. (2001) Reward and punishment. Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 98, 10757–10762

    Les études en génétique en revanche n'ont pas trouvé de gènes codant directement la faculté à dominer (ou être dominé) même si il semble y avoir une hérédité chez certaines espèces. En revanche, certains gènes impliqués dans l'agressivité, le circuit de la récompense ou la motivation paraissent déterminer indirectement le "rang social".

    Dans ce cas les études citées sont les suivantes :

    van der Kooij, M.A. and Sandi, C. (2015) The genetics of social hierarchies. Curr. Opin. Behav. Sci. 2, 52–57

    Clutton-Brock, T.H. and Monfort, S. (2001) Cooperation, control, and concession in meerkat groups. Science 291, 478–481

    Lewejohann, L. et al. (2010) Social status and day-to-day behaviour of male serotonin transporter knockout mice. Behav. Brain Res. 211, 220–228

    Mazur, A. and Booth, A. (1998) Testosterone and dominance in men. Behav. Brain Sci. 21, 363–397

    Sartori, C. and Mantovani, R. (2013) Indirect genetic effects and the genetic bases of social dominance: evidence from cattle. Heredity 110, 3–9

    Wilson, A.J. et al. (2011) Indirect genetics effects and evolutionary constraint: an analysis of social dominance in red deer, Cervus elaphus. J. Evol. Biol. 24, 772–783
     
  3. Z. Garnier
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    Z. Garnier ni dieu ni maître oï oï oï ! Compte fermé

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    Implicite ou explicite, théorisée par les évolutionnistes ou les créationnistes, peu me chaut. L'histoire suffit à montrer que l'anarchisme n'est pas contre toutes les hiérarchies. De valeurs déjà. Quand on qualifie une opinion, une fait ou une pratique, on juge, on propose un jugement de valeurs sur ce qui acceptable ou inacceptable, préférable ou non préférable. On propose une hiérarchie d'idées à respecter contre des idées jugées inférieures sur le plan moral, esthétique, gastronomique... Dans toutes les sociétés c'est comme ça, je vois pas pourquoi ça devrait changer en société anarchiste où la morale en constituerait la base et encore plus que dans d'autres. L'intolérance contre l'entrave à la liberté des individus, préférer tel style musical ou plat culinaire à d'autres ne sont que quelques exemples montrant qu'on hiérarchise des idées, des qualités. "La liberté de circulation est moralement supérieure à la femerture des frontières" "Le chocolat A est meilleur que le chocolat B" "LV88 ce n'est pas du bon punk" ...
    Tomas Ibanyez écrivait même que l'anarchisme avait un implicité totalitaire dans une de ses bouquins. Pas de liberté, d'en dehors à ce qui parasite la liberté établie en nouvelle norme libertaire... A lire.
    L'histoire du mouvement anarchiste montre en plus que l'anarchisme n'est pas vraiment anti-autoritaire (c'est le sens du mot libertaire)
    En Catalogne 1936, les expropriations ont été imposées contre la volonté des propriétaires. C'est de l'autoritarisme.
    Une révolution sociale est toujours autoritaire parce qu'elle est imposée à une minorité ou à une majorité. Avec ou sans Etat. "Révolution sociale libertaire" une contradiction linguistique?
    En réalité les seuls anti-autoritaires plus ou moins conséquents refusent l'intervention dans les affaires d'autrui, prônent le pacifisme et la non violence sauf défensive en cas d'agression. Les autres anarchistes ne le sont pas la plupart du temps. Quand ils militent contre le fascisme, manifestent contre la répression policière, excluent des militants d'organisations, interdisent des artistes pas tout à fait aux conformes aux normes anarchistes sur leurs ondes, terrorisent des populations comme en Ukraine makhnoviste et j'en passe des pires et des meilleures : ils imposent leurs opinions, leurs conditions basées sur leur hiérarchie de valeurs. C'est de l'autoritarisme.
    Vous voyez, je hiérarchise aussi comme tout le monde. Un procèssus difficilement digérable mais ça va passer.
    Merci de désactiver mon compte. Je l'avais déjà demandé ici Romancier-ère-s anarchistes de top qualité et cela n'a pas été fait. Merci à vous.
     
  4. J'en ai pas vu trace dans le topic que tu évoques...
    Tu veux vraiment fermer ton compte ?
     
  5. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  6. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Apparemment Sapolsky a mené des études sur les primates où il montre que dans les situations où la hiérarchie est stable ce sont les individus aux positions subordonnées qui sont les plus stressés alors que dans les situations où la hiérarchie est instable et donc où les dominants sont davantage susceptibles de perdre leur ascendant ce sont eux qui sont plus stressés. Je vais essayer de les lire si je trouve le temps :

    R.M. Sapolsky Social status and health in humans and other animals Annu. Rev. Anthropol., 33 (2004), pp. 393-418

    R.M. Sapolsky The influence of social hierarchy on primate health Science, 308 (2005), pp. 648-652

    En attendant les études que j'ai lues jusqu'à présent manipulent la hiérarchie / domination à partir d'expériences dans lesquelles le sujet est en compétition avec ce qu'il croit être un autre humain (c'est en fait un algorithme pour éviter l'aléatoire). En gros, le postulat derrière c'est qu'on considère quelqu'un comme dominant lorsqu'on a compris qu'on a plus de chance de perdre contre lui si on s'y confronte et inversement quelqu'un nous semblerait inférieur si on a l'habitude de gagner contre lui lors des confrontations. ça signifie du coup qu'on peut dominer quelqu'un dans un domaine (les échecs par exemple) qui nous domine dans un autre (la bagarre par exmple). Je ne suis pas sûr que cette approche de la domination est satisfaisante "écologiquement" en particulier parce que je suis pas sûr qu'elle prenne en compte la question de l'obéissance, est-ce-que le fait de se sentir moins compétent ou de penser qu'on se ferait mater si on conteste suffit à expliquer qu'on obéisse, vous en pensez quoi ?

    Intéressant oui je suis assez d'accord avec ce que tu dis. Après ça pose quand même la question de savoir comment on passe des jugements de valeur aux hiérarchies entre individus. Peut-être même que ce sont les hiérarchies entre individus qui précèdent et déterminent la façon dont on va juger les idées des uns et des autres (négativement ou non). Dans ce cas on peut supposer qu'une société sans hiérarchie pourrait donner lieu à une société sans jugement de valeurs. Mais tout ça reste très spéculatif.
    En tout cas tu prétends que certains anti-autoritaire se passent de jugements de valeur, à mon avis c'est impossible. Du moment que tu vis en société y a des frictions, des désaccords, etc... Puis juger c'est éprouver des émotions avant tout, personne ne peut s'en passer a priori.
     
  7. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  8. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    A la croisée de la psychologie évolutionnaire, de l'ethologie et de la biologie on considère que tous les groupes sociaux connaissent des hiérarchies et donc qu'on aurait un cerveau precablé pour vivre en hiérarchie.
    En particulier il serait precablé à reconnaitre le rang social des congénères soit par des indices perceptifs comme la taille, l'expression faciale ou autre. Soit par l'issue des confrontations qu'on a eues avec un autre (ou qu'on a vues entre deux congénères).
    Cette capacité serait apparue parce qu'elle évite les conflits, le dominé reconnaissant la supériorité du dominant à l'échelle sociale ça assure la cohésion du groupe. Elle évite les blessures à l'échelle individuelle puisque le dominé évite la confrontation soit avant même qu'elle ait lieu soit en se rappelant de la supériorité du dominant lors de la précédente. De plus elle permettrait une sélection des meilleurs gênes (ceux du dominant) puisqu'il a plus de rapports sexuels et accès à de meilleures ressources.

    Il va sans dire que ces théories sont peu compatibles avec l'ambition d'abolir les hiérarchies et la domination. Même si on peut estimer que bien que ça soit dans nos gènes et notre instinct aujourd'hui les sociétés ont évoluées et les hiérarchies n'y sont plus nécessaires donc que par des mécanismes sociaux on pourrait contenir ces instincts.
     
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