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Théo versus théorie complotiste.

Discussion dans 'Politique et débats de société' créé par pschrsrgnc, 5 Février 2017.

  1. pschrsrgnc
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    pschrsrgnc Guest

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    [B][/B]
    Il est établi,après expertise médicale;que Théo,victime d' un acharnement policier (j' évite les adjectifs:la page ne suffirait pas!)a une I.T.T de 60 jours.
    Hé!y'a pas comme un gros souci!!! concernant la maison poulaga et ceux qui les couvrent?Si,l' on se permettaient 1/10ème de cette violence sans nom,c' est la mise au placard direct sans passer par la case départ!au contraire ,tu te fais plumer par la même!
    On se fout de qui?Ne serions nous que de sombres crétin.e.s aveugles incapables de comprendre cette odieuse agression!
    Là,je m' insurge.Comment croire en la justice,une fois de plus quand on parle de barbarie!!!lorsqu' elle est avalisée et cautionnée !Fort justement,certains on interféré en faveur du p'tit gars>manquerait plus qu' on laisse passer de tels agissements sans les retenir.!!!
     
  2. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  3. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Je trouve qu'on fait preuve de beaucoup de patience face aux abus policiers.
    Aulna-sous-bois a connu des révoltes contre cet événement mais je n'ai rien vu de relayé sur les médias à prétention révolutionnaire que j'ai consulté (paris-luttes.info, quartiers-libres, le chat noir émeutier, les brèves du désordre, non-fides, rebellyon...). J'espère que ça va pas faire comme en 2005, j'ai entendu dire qu'il y avait eu un désintérêt complet de l'extrême-gauche pour les soulèvements des quartiers populaires quand ils n'étaient pas carrément condamnés.
     
  4. John Murray
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    John Murray Membre du forum Membre actif

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  5. libertaire, individualiste
    Médaille d'or pour le dirigeant de l'époque de la Ligue Communiste Révolutionnaire et ex-activiste
    soixante-huitard Alain Krivine, qui organisait des rondes citoyennes dans son quartier pour protéger
    les voitures des riverains des débordements des casseurs !
    J'ai aussi entendu certains anars se désolidariser des émeutiers parce que ceux-ci n'auraient eu
    aucune conscience ni perspective politique.
     
  6. pschrsrgnc
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    pschrsrgnc Guest

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    Dans l' immédiat,je partage.Dans l' expectative... : !?.
     
  7. ninaa
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    ninaa Membre du forum Expulsé du forum

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  8. anarchiste, anarcho-féministe, individualiste
    "Ce n’est pas parce que j’ai pardonné que vous devez pardonner"
    Publié le 30 octobre 2017 | Maj le 31 octobre
    Bobigny | violences policières | meurtres de la police | Justice pour Théo
    Samedi 28 octobre se tenait à Bobigny le rassemblement contre les violences policières en banlieue à l’appel du collectif Justice pour Théo. Compte-rendu de ce rendez-vous.

    [​IMG]
    Rassemblement pour Théo, Bobigny le 28 octobre 2017
    Le rassemblement était prévu à 15h devant le tribunal de Bobigny à l’appel du collectif Justice pour Théo. C’était la première fois que la famille de Théo et lui-même s’exprimaient à un rassemblement.

    En arrivant sur place à 15h, nous sommes une soixantaine. Du monde arrivera jusqu’à 16h, si bien que nous serons bien 300 à la fin des prises de paroles. Bien que ce soit conséquent, ce n’est pas la foule des grands jours (du 11 février dernier en particulier) : est-ce parce que ce sont les vacances ? parce que la dynamique s’essouffle en cet automne ? parce que l’appel avait été fait essentiellement sur facebook ? Les raisons sont sûrement diverses, mais cela doit nous forcer à beaucoup préparer les rendez-vous en amont (par des distributions de tracts, des collages d’affiches, pages web en plus de la présence sur les réseaux sociaux). Néanmoins, il y a des personnes de tous âges.
    Des flics sont présents sur la passerelle menant au tribunal, des baqueux sont à l’affût dans les platebandes à 5 mètre du rassemblement. Mais l’ambiance n’étant pas à la confrontation, on les ignorera jusqu’à la fin.
    Les T-shirts des collectifs de victimes de la police sont légion, avec une forte prédominance des T-shirts "Justice pour Théo on n’oublie pas on ne pardonne pas" et "Vérité pour Yacine".

    Vers 15h30 les prises de parole commencent devant une assemblée très attentive, paroles régulièrement entrecoupées d’applaudissements. La famille de Théo (sa soeur et son frère) prennent la parole. Iels tiennent à remercier tous les soutiens depuis le début de l’affaire le 2 février, en particulier les gens présents aujourd’hui. Iels réclament la justice pour leur frère, et l’inculpation des quatre policiers présents au moment des faits, et non seulement de celui qui a donné le coup de matraque, car ils sont complices et l’ont aussi frappé dans la voiture quand ils l’ont mené au commissariat. Cela leur permet aussi de demander (notamment en prenant à partie avec le mégaphone les flics présents sur la passerelle) aux soit-disant bon.ne.s policier.e.s de dénoncer ces actes, car leur silence les rend complices. Par ailleurs, iels ont été la cible d’humiliation de la part des flics, sur Internet ou dans leur quartier. Iels annoncent que la procédure judiciaire pour l’affaire est en cours, mais qu’elle risque d’être longue.

    Au-delà du cas de leur frère, iels dénoncent plus généralement toutes les violences policières et énumèrent les cas de morts par la police, en soulignant que les victimes sont le plus souvent issu.e.s de quartiers populaires.
    Ensuite, Théo prend la parole. Il tient à remercier les gens présents, et à montrer qu’il se reconstruit. Sur le fait qu’il a pardonné les flics : "Ce n’est pas parce que je les ai pardonnés que vous devez les pardonner". La foule rit et applaudit.

    [​IMG]
    Rassemblement pour Théo, Bobigny le 28 octobre 2017
    Divers représentant.e.s de collectifs d’autres victimes de violences policières prennent ensuite la parole :

    • Un membre du collectif pour la justice pour Angelo Garand intervient brièvement pour rappeler les circonstances de sa mort. Les soutiens ont réussi à obtenir la mise en examen de deux gendarmes du GIGN.
    • Amal Bentousi du collectif Urgence Notre Police Assassine a rappelé que, au regard du combat qu’elle a mené pour réclamer la justice pour la mort de son frère, les procédures sont longues (5 ans dans son cas), difficiles (elle dit avoir mis de côté sa vie personnelle pour se consacrer entièrement au combat pour son frère), et les condamnations sont clémentes pour les flics (le meurtrier de son frère a écopé de 5 ans de prison avec sursis), mais cela ne doit pas nous décourager pour autant.
    • Puis Omar Slaouti, au nom du collectif pour Ali Ziri a fait un discours enlevé, et souhaite qu’un jour, l’on puisse "taper fort, tous ensemble, sur un même clou". Toutes les victimes de violences policières, en France ou aux Etats-Unis, dans toutes les franges de la société (il fait référence aux autres victimes de viol).
    • Franco Lollia a ensuite pris la parole au nom de la Brigade Anti-Negrophobie : il a replacé les violences policières dans le contexte de la gestion coloniale des quartiers populaires par l’Etat, qui est une gestion raciste, et a souhaité rappeler que cette gestion coloniale est indissociable du capitalisme.
    • Enfin, Bilel, frère de Yacine, décédé le 14 septembre dans des circonstances peu claires, Collectif justice pour Yacine, a apporté sont soutien.
      Tou.te.s les intervenant.e.s soutiennent le combat de Théo et de sa famille, et ont rappelé l’importance d’une dénonciation unitaire des violences policières.
    Le rassemblement s’est terminé un peu avant 17h et on est reparti chez nous tranquillement, avec une question : comment amplifier ces luttes.

    Dans le métro du retour, trente minutes après la fin du rassemblement, une patrouille de la sûreté RATP présente dans une rame de métro reçoit dans son talkie "fin du dispositif de contrôle renforcé à Bobigny-Pablo-Picasso". Contrôleurs et flics, main dans la main.

    P.-S.
    Toutes les articles concernant cette histoire en cliquant sur le mot-clé Justice pour Théo

    "Ce n'est pas parce que j'ai pardonné que vous devez pardonner" - Paris-luttes.info
     
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  9. ninaa
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    ninaa Membre du forum Expulsé du forum

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  10. anarchiste, anarcho-féministe, individualiste
    Théo a bien été violé
    Jeudi 2 février, dans la Cité des 3000 à Aulnay-sous-Bois, Théo a bien été victime d’un viol policier à l’occasion d’un contrôle d’identité. Nous, signataires de ce texte, qui menons et avons mené des recherches en sciences sociales sur les violences de genre, tenons à le déclarer avec force. Dans cette affaire, il n’est pas pertinent de rappeler la « présomption d’innocence », comme le font les syndicats de policiers. En effet, la pénétration par une matraque télescopique est avérée ; nul ne la conteste, puisqu’une déchirure de 10 centimètres à l’anus en témoigne ; et il va sans dire qu’elle est contraire à la volonté de la victime.

    Bien sûr, sans craindre le grotesque, l’Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN) fait l’hypothèse, d’après la fuite organisée dans les médias, qu’il s’agirait d’un « accident », et non pas d’un « viol délibéré » (sic). Pourtant, quand bien même, malgré l’invraisemblance que dénonce fermement un formateur, la police des polices aurait raison, cela ne changerait pas la qualification du crime. Car la définition du viol, selon la loi de 1980, repose avant tout sur le non-consentement. Le Code pénal est sans ambiguïté : selon l’article 222-23, « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. » Et le fait qu’il soit « commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions » est un facteur aggravant – sans parler du risque d’« infirmité permanente ».

    Il n’est guère surprenant que l’avocat du policier, pour défendre son client, reprenne la thèse de l’IGPN : « L’élément d’intentionnalité, qui doit être caractérisé pour que le viol puisse être retenu, n’a pas été retenu ». C’est jouer des hésitations de la jurisprudence, selon l’analyse du juriste Jérémy Kalfon. Mais le parquet est-il bien dans son rôle, le 5 février, quand sur la foi de ce même rapport, il requalifie les faits en « violences volontaires » ? Laurence Rossignol, ministre des Droits des femmes, a bien raison de s’inquiéter : « Il serait troublant qu’on puisse identifier un viol par accident. » Pour qualifier un viol, l’intention supposée du coupable va-t-elle l’emporter sur le non-consentement avéré de la victime ?

    Et si l’on peut comprendre qu’en raison de leur collaboration quotidienne, il ne soit jamais simple pour les magistrats du parquet de poursuivre des policiers, qui plus est pour un chef d’accusation aussi grave que celui de « viol », il est aussi de leur responsabilité de se souvenir que leur mission première est de représenter la société et donc de défendre ses intérêts en requérant l’application de la loi. Or nier le viol de Théo, ce n’est pas défendre les intérêts de la société.

    Quand c’est la police qui viole, et quand la police des polices refuse de le reconnaître, comment ne pas voir que les victimes hésiteront plus encore à se rendre au commissariat ? Parmi celles-ci, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes le souligne, seulement 1 sur 9 porte plainte. C’est qu’elles redoutent de ne pas réussir à faire entendre leur voix – comme dans cette affaire. Poursuivre pour « violences volontaires », et non pour « viol », ce serait faire comme si la justice devait croire sur parole les policiers quand ils disent, parmi les coups portés ce jour-là, lesquels auraient été volontaires, et lesquels accidentels. Or « nul ne peut se constituer preuve à soi-même ».

    Ce serait donc faire reculer la lutte contre les violences sexuelles. Dans cette affaire, on retrouve d’ailleurs un discours familier, qui dissuade beaucoup de femmes : « elle l’a bien cherché ! » Car, trop souvent, au lieu de s’attacher seulement aux torts subis, les médias et la justice examinent et jugent les comportements des victimes au moins autant que des coupables. C’est ainsi qu’aujourd’hui des représentants syndicaux de la police, prenant le parti de leur collègue, invoquent l’excuse de la réciprocité des insultes et des coups. Bref, tout se passe comme si la victime de viol, pour être audible, devait avoir fait preuve d’une passivité censément féminine.

    Si le déni du viol rencontre autant d’écho, c’est peut-être qu’en France on continue souvent d’associer le viol à une pulsion sexuelle à laquelle le violeur n’aurait pas su résister. Dans le cas présent, l’absence de « volonté » serait donc une autre manière de parler de l’absence de « désir » : non seulement la pénétration serait accidentelle, mais elle n’aurait rien de sexuel – du moins dans l’intention... Or c’est méconnaître la logique de domination qui caractérise le viol. La question n’est pas de savoir si le coupable désire la victime ou pas ; en réalité, il s’agit d’un rapport de pouvoir. D’ailleurs, faire l’impasse sur la volonté de dominer par le sexe, soit un désir de rabaisser, d’humilier, amènerait à requalifier en « violences » tous les viols ou presque.

    Le viol de Théo n’est donc pas sans rapport avec les viols que les femmes subissent plus souvent que les hommes. En France, une enquête récente estime que 62 000 femmes et 2 700 hommes de 20 à 69 ans sont victimes d’au moins un viol ou une tentative de viol chaque année. Les rapports de domination qui nourrissent les violences sexuelles sont particulièrement évidents s’agissant de violences masculines faites aux femmes, parce qu’elles alimentent l’asymétrie des pouvoirs et les inégalités entre hommes et femmes, mais ils jouent également lorsque des hommes agressent sexuellement d’autres hommes.

    Les deux sexes sont concernés, mais il s’agit toujours de genre : le violeur traite sa victime masculine comme une femme pour mieux marquer sa domination sur celui qu’il réduit à une position supposée « féminine » ou « efféminée ». C’est bien pourquoi, de l’insulte à la violence, il y a un continuum. Les mots rapportés par Théo (« espèce de salope ») et sa famille (« regardez la fiotte il a l’anus qui saigne ») le confirment : les policiers ne se sont pas trompés sur le sens sexuel de cette pénétration. D’ailleurs, l’insulte sexiste et homophobe ne fait que redoubler l’insulte raciste (« bamboula »), dont le caractère apparemment ordinaire (donc « à peu près convenable », selon le délégué du syndicat Unité SGP Police à Paris), ne doit pas faire oublier leur logique commune : dominer, soit diminuer pour diriger. Il s’agit bien de contrôle – et ce n’est pas un hasard si le mot est au cœur de ce viol policier.

    Théo a bien été violé
     
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  11. Anarchie 13
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  12. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    C'est pathétique. Ils ont honte de rien. Ils vont couvrir la police peu importe ce qu'elle fait on dirait. Tant que la victime est un pauvre de banlieue qui a pas la peau suffisamment claire pour eux, ça passe.
     
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  13. ninaa
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  14. anarchiste, anarcho-féministe, individualiste
    Les victimes de violences policières ont très majoritairement la peau "pas suffisamment claire":

    Mais il faut quand même souligner que quand des flics sont accusés de violences en général c'est la croix et la bannière pour que ce soit reconnu par la Justice:




    Amnesty International dénonce l'impunité des policiers en France

    http://www.lemonde.fr/police-justic...voyes-devant-les-assises_5192953_1653578.html
     
  15. pilou-ilou
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    pilou-ilou Membre du forum Membre actif

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  16. libertaire, anarchiste, féministe, anarcho-syndicaliste, syndicaliste, auto-gestionnaire, synthèsiste, anarcho-fédéraliste, anti-fasciste, anti-autoritaire
    Après la grenade mortelle qui ne tue pas!
    Maintenant nous avons le matraque qui rentre sans entrer.
    Bientôt un nouvel objet dans notre catalogue. La voiture de police qui roule sans avancer ni reculer.
     
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  17. ninaa
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  18. anarchiste, anarcho-féministe, individualiste
    « Affaire Théo » : une expertise dédouane la police, décryptage
    Par notre juriste
    Vendredi 16 février dernier, France Inter annonce un scoop : de nouvelles expertises judiciaires concluent que le jeune Théo n’a pas été violé par ses force de l’ordre et que si son arrestation a bien été "musclée", les policiers ont agi dans « les règles de l’art ». Tout cela n’était donc qu’un malentendu, ces conclusions devraient logiquement aboutir à une requalification des faits, voire même à un non lieu total pour les policiers incriminés.
    D’une seule voix, le reste de la presse et des télévisions [1], reprend à son compte les "révélations" de la radio publique dans une avalanche de titres sentencieux, sans pour autant apporter d’explications précises permettant de comprendre ce "coup de théâtre". Si les graves blessures subies par le jeune homme à l’occasion d’un "banal" contrôle d’identité avaient ému une grande part de l’opinion et suscité de vives réactions quant aux pratiques policières, cette nouvelle expertise ne manqua pas de délier certaines langues politiques et policières. Ainsi de nombreuses personnalités politiques et policières sautèrent sur le scoop pour s’empresser de dénoncer une affaire montée de toute pièce, une « fake news » visant à salir les forces de l’ordre, et d’exiger même des excuses pour la police [2].
    Pour mieux comprendre ce phénoménal retournement de situation, nous avons sollicité les explications de notre juriste afin qu’elle nous éclaire sur le sens de ces expertises, leurs conclusions mais aussi la méthode judiciaire mise en oeuvre.

    Pour bien saisir ce qui s’est passé ici et apprécier à leur juste mesure les bizarreries procédurales et leur enjeu, il va néanmoins falloir se taper quelques développements juridiques un peu chiants. Parce que, c’est quoi une expertise ? Qui la sollicite ? Qui choisit les experts ? Comment ça se passe et que peut-on en tirer ?

    EXPERTS ET JUGE D’INSTRUCTION : EN THÉORIE
    Je vous balance le lien vers les textes de référence du code de procédure pénale [3] et je vous résume. Lors d’une enquête, lorsque le juge d’instruction se heurte à une question technique d’importance, il peut solliciter un expert, et lui délivre une mission précise, qui, en général, se résume à un certain nombre de questions auxquelles l’expert est invité à répondre ; ces questions doivent donc porter sur des questions techniques relevant de la spécialité de l’expert. C’est le juge qui choisit le ou les experts, puisqu’il peut décider de nommer un collège d’experts, de même spécialité ou de spécialités différentes si les questions à examiner mettent en jeu différentes compétences. Le juge, sauf urgence particulière qu’il devra caractériser, doit notifier la mission qu’il entend donner aux experts aux différentes parties au dossier, lesquelles peuvent formuler des observations et solliciter la modification de la mission d’expertise. Les experts sont en général choisis sur une liste d’experts agréés auprès des Cours, mais le juge n’y est pas tenu et peut faire choix d’à peu près n’importe qui comme expert, lequel devra alors simplement prêter serment à l’occasion de cette désignation. Puis, lorsque le ou les experts mandatés ont accompli leur mission, ils écrivent un rapport contenant la description de leurs opérations d’expertise ainsi que leurs conclusions, dans lesquelles ils doivent répondre aux questions posées. Ils remettent alors leur rapport au juge d’instruction et les conclusions sont ensuite transmises aux parties. Les parties ont alors un délai pour demander éventuellement un complément d’expertise ou une contre-expertise.

    Le juge d’instruction n’est absolument pas tenu par les conclusions d’expertise, qui en réalité ne sont qu’un avis. Ce dernier étant néanmoins revêtu d’une certaine autorité liée à une compétence spécifique dans un domaine réputé technique par définition. Surtout, l’expert ne saurait se prononcer sur la réalité ou non des faits dont le juge d’instruction est saisi et sur lesquels porte son enquête, ni évidemment sur la qualification juridique de ces faits : c’est le juge d’instruction et lui seul (ou eux seuls s’ils sont plusieurs à avoir été désignés pour l’affaire), in fine, après avoir eu l’avis du Procureur de la République et les éventuelles observations des parties, qui devra se prononcer quant à l’existence de charges suffisantes contre tel ou tel mis en examen d’avoir commis telle ou telle infraction pénale. C’est à dire que c’est le juge d’instruction seul qui devra qualifier ces faits sur le plan juridique, justifiant ou non un renvoi devant telle juridiction de jugement.

    APPLICATION PRATIQUE : le cas de « l’affaire Théo. »
    LES EXPERTS

    En premier lieu, nous apprenons dans l’article du Monde paru une fois l’effet d’annonce retombé, que les conclusions d’expertise ont été envoyées aux parties civiles le 19 février, l’article de France Inter lui, est sorti le 16 février. Alors nous ne savons pas quand l’expertise est revenue entre les mains du juge et a été versée au dossier, ni si, avant son envoi aux parties l’une d’elle était venue au gré du hasard le consulter au greffe du juge d’instruction et a pu en prendre connaissance…. Le mystère demeure sur la source de France Inter, et nous n’oserions imaginer que l’un des experts puisse être à l’origine d’une fuite vers les Ministère de l’intérieur ou un syndicat policier [4].

    Ensuite, nous apprenons toujours dans cet article qu’il ne s’agissait pas de deux [5] mais d’une seule et même expertise, comportant deux volets : un volet plutôt médical portant sur les blessures de Théo, et un volet sur le geste commis avec le bâton télescopique de défense. Encore plus intéressant, nous apprenons dans ce même article du Monde que trois experts avaient été désignés : deux médecins [6] et… un conseiller technique du ministère de l’intérieur [7]. Car bien sûr : qui mieux à même de donner son avis quant à la bonne ou mauvaise utilisation d’une arme par un policier qu’un conseiller technique du même employeur que ce policier ?
    Une fois cette première aberration relevée, étudions maintenant ce que nous savons de la mission confiée aux experts, c’est à dire les questions posées par le juge d’instruction.

    LA MISSION D’EXPERTISE : LE VIOL ET « LES RÈGLES DE L’ART »

    S’agissant du volet médical, il s’agissait de décrire les blessures et de donner un avis sur ce qui les avaient causées (en d’autres termes, la compatibilité de ces blessures avec l’emploi tel que décrit au dossier du bâton télescopique). Cette expertise était également de nature à apporter des éléments sur l’« intentionnalité » du geste. Mais là encore, sur ce thème, beaucoup de confusions lues dans de nombreux articles de presse. Car la question de l’intentionnalité comporte en réalité plusieurs volets. A aucun moment il n’a été et ne peut être soutenu que le geste de violence, à savoir l’usage du bâton, était involontaire, c’est à dire que les blessures de Théo résulteraient d’un acte accidentel. Du reste, nous apprenons toujours à la lecture de l’article du Monde que le policier lui-même, entendu lors de l’expertise [8], confirmait avoir volontairement porté le coup avec son arme, et même avait visé la région du fessier dans le but affirmé de « faire mal », espérant ainsi faire chuter Théo.

    En revanche, et depuis le début, la question de la qualification de viol est débattue, en lien justement avec celle de l’intentionnalité propre à cette infraction, qui exige que le geste ait été commis avec une intention sexuelle. Pour chaque infraction pénale, il faut rechercher d’une part un élément matériel (pour le viol ce sera une pénétration sexuelle perpétrée avec violence, menace, contrainte ou surprise, le cas échéant avec une arme) et un élément intentionnel (pour le viol ce sera une connotation sexuelle donnée à cet acte de pénétration). En quoi l’expertise médicale peut-elle nous renseigner sur l’intentionnalité spécifique de nature à caractériser ou non l’infraction de viol ? Et bien : en rien, tout simplement.

    L’intentionnalité du crime de viol peut parfois être établie par la nature du geste : une pénétration sexuelle avec un pénis, par exemple, a en soi une connotation sexuelle ; mais pour le cas d’une pénétration avec un objet, ici une arme, ce n’est pas le cas et il faut rechercher l’intentionnalité ailleurs : on regarde alors son contexte, les paroles éventuellement proférées avant, pendant ou après. Dès lors l’expertise médicale ne règle en rien le sort de l’intentionnalité de l’infraction de viol ici en jeu.

    En revanche, ce volet médical est de nature à apporter des éléments sur l’élément matériel (ici l’existence d’une pénétration sexuelle) de l’infraction de viol : si en effet le bâton télescopique n’a pas directement pénétré l’anus, alors il n’y a pas d’acte matériel de pénétration sexuelle au sens de la loi pénale, et en effet la qualification pénale de viol pourrait difficilement être retenue. Pour autant, pourrait se poser la question de retenir l’existence d’une tentative de viol [9] : si les éléments du dossier (le contexte, les témoignages, les propos rapportés des policiers, etc.) permettaient de caractériser une intention sexuelle de la part du policier, mais que l’acte de pénétration sexuelle n’avait manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de ce dernier (le fait que Théo bouge par exemple), alors les faits pourraient être requalifiés en tentative de viol. Je ne sais pas ce qu’il en est, et l’on en sait à vrai dire assez peu sur les éléments du dossier qui pourraient permettre de retenir l’existence d’une intentionnalité sexuelle dans le geste du policier. Mais il est important de resituer ce que les conclusions d’expertise médicale impliquent ou n’impliquent pas nécessairement en terme de qualification pénale ici.

    Pour terminer sur ce que nous apprenons de ce volet médical de l’expertise quant à l’intentionnalité du geste, ajoutons tout de même que nous restons sur notre faim. On aurait pu en effet s’attendre à ce que les experts donnent des éléments plus précis quant à la force nécessaire pour causer de telles blessures avec un bâton télescopique, dont l’article du Monde rappelle qu’il s’agit d’un bâton métallique surmontée d’une boule aplatie d’un diamètre de 1,6 cm. Selon l’expertise, le bâton aurait créé dans le corps de Théo son propre orifice avant de s’enfoncer sur une dizaine de centimètres ; mais les experts se contentent d’évoquer une « certaine force », et des lésions compatibles avec l’emploi d’un bâton télescopique de défense.

    S’agissant cette fois du volet respect des « règles de l’art » dans l’emploi du bâton télescopique, nous lisons dans l’article du Monde que la mission était notamment ainsi libellée : « dire si le geste effectué par le policier utilisateur du bâton télescopique correspond dans l’absolu à un geste conforme aux pratiques professionnelles en intervention, s’il a été réalisé conformément au discernement possible et exigible de la part d’un policier et si les explications du mis en examen quant à ses intentions en utilisant cette technique sont compatibles avec ce qui est observé sur la vidéo de surveillance de l’interpellation. ».

    On comprend d’emblée que les deux médecins n’ont absolument aucune compétence pour répondre à ce volet de l’expertise, qui, par suite, sera évidemment assuré par le seul conseiller technique du Ministère de l’intérieur. Que les juges s’interrogent et recueillent des éléments quant à la réglementation de l’usage du bâton télescopique de défense au sein de la police, c’est normal et justifié pour les faits dont ils sont saisis. Pour ce faire il leur est loisible de verser au dossier, quitte à aller saisir certains documents, tout élément relatif à l’emploi de ces armes ou l’enseignement dispensé aux policiers lorsqu’ils passent leur habilitation pour être autorisé à porter une telle arme, ou encore d’entendre ou faire entendre comme témoins des formateurs de police afin de leur faire expliquer les gestes conseillés ou éventuellement prohibés, les conditions d’emploi, etc. Mais le choix opéré ici par les juges d’instruction est de missionner comme expert un agent du Ministère de l’intérieur afin finalement de porter une appréciation sur le caractère ou non fautif du geste effectué par le policier. On peut s’interroger très sérieusement sur le fait que cette mission relève bien du domaine de l’expertise au sens de la loi et de la jurisprudence, tant le travail demandé à l’expert relève ici du pouvoir d’appréciation relevant normalement de la seule compétence des juges, tandis que la « technicité » de la mission échappe un peu : regarder le détail des vidéos, analyser les récits des mis en examen, de la partie civile, des éventuels témoins, les éléments médicaux, dire quelle version paraît au vu de l’ensemble des éléments la plus « crédible » [10], puis qualifier le geste de fautif ou non par rapport à la réglementation et aux recommandations en vigueur, avant, voilà précisément le travail d’un juge d’instruction, juste avant de décider ou non que ces faits peuvent relever d’une qualification pénale [11]. Qu’un juge d’instruction décide d’en déléguer une grande partie à un membre du Ministère de l’intérieur dans une affaire de violences policières en dit long sur la continuité certaine qui peut s’instaurer entre Police et Justice et la réalité de ce que certains appellent la « chaîne judiciaire », expression qui traduit bien la mécanique à l’œuvre.

    En conclusion : avec l’affaire de Sivens et le décès de Rémi Fraisse, nous avions déjà vu que finalement, s’il existe des règles théoriques d’usage des armes (il était question alors d’une grenade offensive) pour les forces de l’ordre, ces règles cèdent en pratique lorsque les conditions idoines n’en sont pas réunies : une grenade ne se jette normalement pas en cloche sans un minimum de visibilité, mais, voyez-vous, il y avait un grillage et il faisait nuit donc ce gendarme n’avait pas vraiment le choix et il convient de l’absoudre. Ici, c’est précisément le même raisonnement que fait sien l’« expert » du Ministère de l’intérieur : le pauvre policier a certes usé d’une « certaine force » et a certes fait un usage du bâton télescopique en estoc ce qui ne paraît tout à fait conforme aux règles classiques, mais il avait affaire à quelqu’un qui se débattait ; donc finalement il conviendra, lui aussi, de l’absoudre. Dans le cas de Rémi Fraisse, les juges, au moins, assumaient totalement ce raisonnement ; ici une étape supplémentaire est franchie : ils demandent tout simplement à un membre du Ministère de l’intérieur de leur dire ce qu’un policier est en droit ou non de se permettre en terme de violence lors d’une opération. En d’autres termes, ils ne font rien moins que déléguer, sans plus aucune recherche d’artifice, leur pouvoir d’appréciation à la Police, et il est difficile de ne pas repenser à cette formule de Michel Foucault selon laquelle les juges « servent au fond à la Police de fonctionner ».

    [1] Voir par exemple, sans prétention d’exhaustivité : https://www.franceinter.fr/justice/affaire-theo-les-expertises-concluent-a-l-absence-de-viol ; https://www.franceinter.fr/justice/affaire-theo-les-expertises-concluent-a-l-absence-de-viol ; Affaire Théo: il n'a pas été violé d'après des expertises ; INFO FRANCE INTER. Théo n'a pas été violé par les policiers lors de son arrestation à Aulnay-sous-Bois, concluent des expertises médicales

    [2] Céline Berthon : «Après l'affaire Théo, la police exige des excuses !»

    [3] Code de procédure pénale | Legifrance

    [4] On ne va pas non plus être parano sur les experts, dont nous n’avons aucune raison a priori d’imaginer qu’ils seraient proches de la police.

    [5] Comme affirmé par l’article initial de France Inter, élément qui nous montre que les journalistes n’avaient pas eu accès à l’intégralité des pièces utiles mais simplement à des éléments tronqués et soigneusement sélectionnés par leur source, dont nous sommes prêt à parier qu’elle était plutôt du côté policier...

    [6] Un médecin légiste, c’est à dire habitué et formé à la description des blessures et l’estimation des préjudices à l’attention des tribunaux, et un chirurgien viscéral et digestif, en effet plus spécialiste du type de lésions subies par Théo.

    [7] Relire la note de bas de page n°4 avec circonspection

    [8] Nouvelle bizarrerie ce cette expertise d’ailleurs : si une telle audition du mis en examen lors de telles opérations d’expertise peuvent être autorisées par le juge d’instruction, je n’en ai pour ma part jamais vues pour ce type d’expertise, le juge d’instruction se contentant en général d’adresser copie des différentes auditions et interrogatoires pour renseigner les experts, l’interrogatoire d’un mis en examen sur les faits étant en général réservé au seul juge d’instruction, avec des garanties procédurales que n’offre pas l’expertise (présence de son avocat (prévue aussi dans ce cas d’expertise), consignation précise des questions et réponses, possibilité pour l’avocat de faire des observations ou contester une retranscription, présence d’un greffier pour attester de la véracité des propos consignés etc.) ; mais on comprend bien qu’ici, le policier mis en examen devait se sentir en confiance face à cet « expert » issu de la même maison que lui…

    [9] Pour la définition de la tentative : https://www.legifrance.gouv.fr/affi...TI000006417210&cidTexte=LEGITEXT000006070719 ; la tentative est réprimée comme l’infraction tentée ; en clair, on encourt la même peine pour une tentative de viol que pour un viol

    [10] Puisqu’en réalité, pour l’expert, dire si un geste est conforme aux règles de l’art, présuppose nécessairement qu’on retienne une version du geste en question, et donc notamment d’avoir apprécié les déclarations des uns et des autres dans le dossier.

    [11] La Cour de cassation a déjà confirmé une nullité d’expertise au motif précisément que « sous le couvert d’une mission d’expertise, ordonnée et exécutée en méconnaissance des règles édictées aux articles 156 et suivants du Code de procédure pénale, le juge d’instruction a délégué des pouvoirs relevant de sa seule compétence » Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 29 janvier 2003, 02-86.774, Publié au bulletin | Legifrance

    « Affaire Théo » : une expertise dédouane la police, décryptage - Par notre juriste
     
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