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RENZO NOVATORE : "Noontime Canzoni" CHANSON DE MIDI

Discussion dans 'Bibliothèque anarchiste' créé par IOH, 21 Février 2019.

  1. IOH
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    Attention, vous n'allez pas ressortir indemne de ce poême
     
  2. IOH
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    "En vérité, il y a encore un avenir pour le mal aussi. Et le midi le plus chaud n'a pas encore été découvert pour l'homme."

    - F. Nietzsche, Ainsi parla Zarathoustra[1].

    I

    Je suis seul, je suis seul ! Seul et lointain....

    Mais qu'est-ce que ça peut faire ?

    Oui, qu'est-ce que ça peut me faire ?

    La vaste et infinie nature sauvage s'étend autour de moi, et ici - au milieu des rayons dorés du soleil - sapins et pins chantent leurs étranges chants composés de symphonies du silence et de la musique du mystère....

    Je chante aussi.

    Je chante le chant de mes vérités saignantes pour tous les esprits ensanglantés. Je chante la chanson de mon plus grand, plus désespéré midi : Je chante le poème de la journée des chiens de mon été le plus chaud !.....

    Mais je ne chante que pour mes camarades solitaires et inconnus ; je ne chante que pour mes enfants éloignés....

    Car mon cœur n'est plus un jardin printanier parsemé de roses fragiles et parfumées ; car mon cœur n'est plus une boîte à bijoux vermillon pleine de rêves vierges.

    Quiconque a chanté le poème du matin doit chanter le poème du midi. Et je le chante ! Je chante les chansons de la journée des chiens de mon été chaud.

    II

    Une fois, j'ai rêvé....

    C'était le premier printemps joyeux de ma jeunesse !

    C'était le bon temps !.....

    Un mystérieux idéal battait ses ailes invisibles sur les ondes éthérées ; des larmes charnues étaient illuminées par des rires spirituels ; en moi, la douleur humaine se transformait en un rêve harmonique de beauté future !.....

    J'ai rêvé de grands rêves de justice et de liberté... de fraternité et d'amour....

    Et j'ai vécu pour ce rêve ; je me suis battu pour ce rêve....

    Mon esprit était complètement couvert de roses fragiles et parfumées, et mon cœur était une boîte à bijoux vermillon pleine de rêves vierges !......

    Mes yeux brillaient d'une lumière rouge et dorée, et ma foi était un "Oui" dramatique, émotionnel qui croyait et espérait.....

    Oui ! Puis j'ai cru...

    Je croyais en la fraternité, en la rédemption humaine, en l'amour....

    "L'élévation des hommes..." "L'élévation des masses..." "Montée du peuple..." "Sublimation de l'humanité !...."

    Ah ! ce grand poème des rêves, ma jeunesse !

    III

    Sur le chemin de tous ceux qui sont nés de grands et généreux travaux - aux "vertus" prométhéennes de la pensée - il y a un démon libérateur qui se cache, qui attend en embuscade.

    J'avais aussi mon démon caché, et un jour il m'attendait, souriant et sûr de lui....

    Il me dit : "Je suis l'aigle dans les hauteurs et le plongeur dans les profondeurs...".

    "Je viens de l'éternité passée et je me dirige vers l'éternité future.

    "Je suis le Mal éternel, parce que je suis le chagrin. Je suis le tragique Non ! qui se perpétue. L'esprit négationniste et démolisseur ; la révolte libératrice et créatrice !.....

    "Je suis les racines de l'homme, le moi de la vie. Je suis l'esprit négationniste de vos profondeurs les plus souterraines. Et quand je sors de ma caverne effrayante pour chevaucher les centaures du vent et faire hurler ma vérité sur le dos du monde, les fantômes meurent et les hommes deviennent pâles."

    IV

    Le démon m'a dit ceci au sujet de mes profondeurs les plus souterraines. Celui qui est capable de dire des vérités terribles qui font couler le sang....

    Autrefois, Dieu était le tyran.

    Viennent ensuite la famille et la société, les gens et l'humanité !

    Mais j'ai parlé avec quelqu'un qui vient de l'éternité passée et qui se dirige vers l'éternité future....

    Et je reconnais ces fantômes maléfiques....

    Ah, et je les ai vus boire tant de rivières de sang, de sueur et de larmes sur la route des siècles !......

    Je les ai vus dévorer tant de montagnes de cadavres !.....

    Il y en a tellement !.....

    Et tous les morts qui tombaient chuchotaient "Demain !"

    "Demain ?" Dieu et demain" "L'humanité et demain" "Le peuple et demain."

    Mais aujourd'hui ?

    Alors où est mon héros ?

    - Où sont mes frères solitaires et inconnus, où sont mes enfants lointains, ceux - génies ou fous - qui savent vivre et mourir seuls et libérés, en criant consciemment et sciemment : "Je""Aujourd'hui""Ma liberté""Ma réalisation" ?

    V

    Je suis seul, je suis seul ! Seul et lointain....

    Une forte fièvre martèle mon front, et une nouvelle soif me brûle ; elle me brûle la bouche....

    Les puits plébéiens sont maintenant trop loin pour moi, et les sources vierges me sont encore inconnues....

    Je suis toujours une Arche. Quand serai-je un pic ?

    ...

    La lumière du crépuscule.

    J'entends le chant d'un oiseau, je le regarde voler à travers la clarté mélancolique d'un chant du soir agonique et me dissiper en bas dans le bleu velours des ombres lointaines.

    D'une certaine association d'idées, il me semble aussi voir les rêves ailés de ma jeunesse se dissiper au loin, au loin, dans l'ombre triste et lugubre de l'oubli....

    VI

    Ce n'était rien. Une ombre nostalgique de la mémoire est simplement passée à travers la lumière vive de la matinée du chien-jour de ma chaude journée d'été.

    Maintenant, tout est passé. La fièvre m'a martelé le front, la soif m'a brûlé la bouche. Je me penchai sur la cause de mon "besoin" et de ma "soif", les étanchant dans les sources de mon sang chaud et de la pluie de ma sueur amère." Cette boisson piquante m'enivrait d'un délire fou qui exalte et transforme.

    Le miracle de ma tragédie de midi est accompli.

    Je suis tombé comme un Arc, je me lève comme un sommet dans le mystère du vent et la gloire du soleil pour dire les paroles héroïques de ma transformation élevée et de ma folie.

    VII

    Je parlais à l'ombre de ma "première" solitude. Elle me l'a dit : "Tu as rêvé de fraternité les yeux fermés dans le brouillard de la foi, mais quand tu les as ouverts au soleil de la réalité, tu as vu le drame tragique de Caïn et Abel."

    J'ai parlé avec l'ombre de ma "seconde" solitude, et elle me l'a dit : "Vous avez si sincèrement appelé à l'amitié pure, mais quand vous avez tendu les oreilles pour entendre la réponse à votre appel, vous avez entendu un jingle métallique et tranchant vous répondre. C'était le son vil des trente pièces d'argent de Judas, qui résonnaient encore dans le monde entier."

    J'ai parlé avec l'ombre de ma "troisième" solitude, et elle me l'a dit : "Vous avez désespérément appelé à une véritable solidarité entre tous les êtres humains, et à votre cri désespéré, un rire sinistre et sardonique, fait de calomnies et de mépris, vous avez répondu."

    J'ai parlé avec l'ombre de ma "quatrième" solitude, et elle me l'a dit : "Vous avez adressé tant de chansons et de poèmes à l'amour entre l'homme et la femme, mais cet amour est devenu une guerre secrète entre les sexes."

    J'ai parlé avec l'ombre de ma "cinquième" solitude, et elle me l'a dit : "Tu croyais que je pouvais devenir le "nous", parce que l'homme a besoin de la société.

    "Mais ne voyez-vous pas que ce besoin est précisément ce qui rend l'homme esclave et malheureux ? Vous pensiez qu'il y avait un moyen ? Mais il n'y avait aucun moyen... La vie est un cercle fermé (pavé du poids mort du plus grand nombre et bloqué par la majorité éternellement brutale) dans lequel l'homme est condamné à une guerre perpétuelle de conquête vitale et de possession individuelle. L'homme vivant n'a jamais eu, n'a pas et n'aura rien d'autre que ce que son individu ce que sa force individuelle et sa propre capacité de pouvoir lui permettent d'avoir." Et comme vous, mon lecteur malicieux, j'ai baissé la tête à cette affirmation, ma cinquième solitude a recommencé à parler, continuant ainsi : "Malheur à quiconque, par pitié ou compassion pour son ancien moi, craint la lumière du nouveau moi qui vient. Vous tremblez de consternation et d'effroi. Vous êtes incertain et indécis comme quelque chose qui tremble au bord d'un abîme.... Pourriez-vous être un nihiliste chrétien ? La fatalité tragique qui pèse sur la réalité de la vie vous effraie-t-elle ? Pourriez-vous être un de mes ennemis ? Eh bien, si c'est le cas, mettez votre cause - comme les bons chrétiens - au-delà de la vie ; mais j'enseigne à placer la vie au-delà du bien et du mal. Là, là où le libéré, je jette et flambe. Là, où l'esprit négationniste s'élève contre l'idée de société et la condamne ; là où les vrais solitaires chantent la liberté dans la guerre !"

    Et quand l'ombre de la cinquième solitude a disparu, la "sixième" est venue et a commencé à me parler ainsi : "Je suis l'ombre de toi-même ; tue-moi si tu veux être seul sans témoins. La septième solitude vous attend. Elle vous dira l'extrême secret. Elle va résoudre l'énigme du mystère ultime pour vous."

    ...

    La "septième" solitude m'a parlé. Mais ce qu'elle m'a dit reste un de mes secrets. Qui me donne les mots pour dire les mystères de mes réalités les plus profondes et les plus intimes ?

    Qui me comprendrait ?

    Ô mes frères solitaires, inconnus, n'entendez-vous pas, dans vos profondeurs les plus sombres, le rugissement d'un "Non" sans arguments ?

    Eh bien, c'est mon "Non", mes frères.

    VIII

    Une longue série de visions macabres passe devant mes yeux.

    Ce sont les fantômes maléfiques et monstrueux de mon ancienne foi.

    Ils ont la bouche ensanglantée et saisissent les morts dans leurs dents ensanglantées.

    Les morts qui sont tombés en chuchotant "demain ! ...”

    Le premier mort a dit : "J'ai brûlé et volé au nom de Dieu, et je suis mort pour sa gloire, tuant."

    Le deuxième a dit : "J'ai brûlé et volé au nom de ma patrie, et je suis mort pour sa grandeur, tuant."

    Le troisième a dit : "J'ai brûlé et volé pour le bien du peuple, et je suis mort pour leur liberté, en tuant."

    Le quatrième a dit : "J'ai brûlé et volé pour le bien de l'humanité, et je suis mort par amour, en tuant."

    Le cinquième a dit : "Mon esprit était rempli d'un grand idéal sublime. J'ai rêvé que tous les êtres humains étaient libres, grands et heureux. Je voulais que la liberté et l'égalité, l'amour et la fraternité prennent possession de la vie et de la domination du monde. Et pour réaliser ce rêve - que le monde ne voulait pas comprendre - j'ai volé, brûlé et tué, tuant."

    Et derrière les cadavres de ces cinq esclaves meurtriers, cinq parties du monde sont divisées, prêtes à se trancher la gorge en empruntant le même chemin.

    ...

    Dieu, patrie, société, peuple, humanité ? Un avenir idéal ?

    Mais je suis une réalité, et je vis aujourd'hui !

    La guerre est-elle la réalité de la vie ? En effet ! Mais je ne suis pas un animal sacrificiel. Je ne veux pas que mon esprit soit esclave ; je ne veux pas que mon corps soit sacrifié sur un autel ; je ne veux pas qu'un monstre écrase mes os. Vous criez encore vos anathèmes, prêtres du peuple, serviteurs de la patrie ou apôtres de l'humanité.

    Tu cries toujours tes appels à la crucifixion contre moi. Tu cries contre l'égoïste sauvage, mais je ne suis pas ému. Je chante mes chansons iconoclastes de négation et de révolte. Je chante mon poème de midi.

    - Le poème de mon été chaud !

    IX

    Pour moi, l'anarchie est un moyen de parvenir à la réalisation de l'individu, et non l'inverse. Sinon, l'anarchie serait aussi un fantôme.

    Si le rêve faible de l'anarchie comme objectif social, la forte pratique de l'anarchie comme un moyen de réalisation individuelle. Les faibles ont créé la société, et la société donne naissance à l'esprit de la loi. Mais celui qui pratique l'anarchie est l'ennemi de la loi et vit contre la société. Et cette guerre est inévitable et éternelle. C'est inévitable et éternel, car quand le tsar tombe, Lénine se lève ; quand la garde royale est abolie, la garde rouge vient.... L'anarchisme a été, est et sera toujours l'héritage éthique et spirituel d'une petite horde aristocratique, et non de masses ou de peuples. L'anarchisme est le trésor et la propriété exclusive de ceux qui entendent le cri d'un "non" sans arguments résonner dans leurs profondeurs les plus souterraines !

    X

    J'appartiens à la race la plus extrême des vagabonds intellectuels, à la race "maudite" des inassimilables et agités. Je n'aime rien de ce qui est connu, et même les amis sont les inconnus.

    Je suis un vrai athée de la solitude, un solitaire sans témoins !

    Et je chante ! Je chante mes chansons tissées d'ombre et de mystère....

    Je chante pour mes frères inconnus et pour mes enfants éloignés....

    Je me suis libéré de l'esclavage de l'amour pour me sentir libre dans ma haine et mon mépris....

    Parce que je ne me sens pas avec l'esprit de la foule. Je ne souffre pas de la douleur du peuple. Je ne crois pas à une possible harmonie sociale.

    Je me sens avec mon propre esprit, je souffre de mes propres douleurs terribles, je ne crois qu'en moi, en ma propre douleur profonde. Cette douleur que personne ne comprend et que j'aime, que j'aime par la haine et le mépris du mensonge humain. Parce que j'aime mon chagrin. Je l'aime comme j'aime tout ce qui m'appartient. Comme mes amants idéaux, comme mes frères inconnus, comme mes enfants éloignés.

    XI

    Où sont donc ceux - les génies ou les fous - qui savent vivre et mourir, seuls et libérés, en criant, consciemment et en toute connaissance de cause ? "Je""Aujourd'hui""Ma liberté""Ma réalisation" ?

    Oh, mes frères, où êtes-vous ?

    Oh, race "maudite", quand comprendra-t-on votre profonde "humanité" ? Mais alors, faut-il que tout cela soit compris ?

    La beauté la plus pure ne vit-elle pas encore ignorée ?

    XII

    Que ma tragédie est terrible, que mon mystère est étrange et profond.

    Je rêve encore !

    Je rêve d'amis jamais connus, d'amants jamais possédés, d'idées jamais créées, de pensées jamais pensées, d'hommes jamais vécus, de fleurs jamais senties, de forêts jamais parcourues, d'oasis jamais découvertes, de soleils jamais vues....

    Je rêve !

    Je rêve d'une grande et formidable révolte de tous ceux qui ont pâli dans la longue attente. Je rêve de l'éveil satanique de ceux qui vivent enchaînés.... Je dois être magnifique pour allumer des bûchers dans la nuit !...... De voir les centaures de la mort courir à travers toutes les terres chevauchées et éperonnées par des héros tragiques qui sont devenus pâles dans la longue attente. Voir l'esprit de révolte et de négation danser l'esprit suprême sur le monde !......

    Hélas ! Je suis toujours l'éternel rêveur que j'ai toujours été !......

    Et pourtant la voix de la réalité me dit : Le tsar mort, Lénine se lève.... La garde royale abolie, la garde rouge arrive....

    Oui, je suis un rêveur de l'impossible, mais je pratique l'Anarchie, je ne le rêve pas. J'ai condamné l'humanité d'aujourd'hui, et j'étire l'arc de ma volonté pour me réaliser contre elle - pas en son sein. Pour l'instant, je ne me désaltère qu'à la source de ma beauté intérieure.

    Oh, mes frères inconnus et solitaires, qu'y aura-t-il pour nos enfants lointains ?

    Et pourtant, il doit y avoir un avenir pour le mal aussi, parce que le midi le plus chaud n'a pas encore été découvert pour l'homme.

    Si aujourd'hui notre "destin" nous condamne à vivre contre le monde, pourquoi leur "destin" demain ne pourrait-il pas les choisir pour danser librement sur la terre ?

    "Demain !"

    Mais aujourd'hui ?

    Il ne nous reste plus aujourd'hui qu'à hurler le Non tragique de notre négation et de notre révolte. Par la réalisation de notre individualité ; par la conquête de notre liberté ; par la possession pleine et entière de notre vie ! Parce que nous - les vagabonds - sommes les inassimilables de la révolte et de la négation !
     
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