Fascisme & extrême-droite Ôde à la connerie: le paradoxe Redskins

On cherche des camarades intéressés à répliquer à notre chroniqueur Emmanuel Cree et son texte sur les Redskins, des volontaires?

Ah! Il est beau ce jeune 21e siècle! Fier héritier de son paternel qui aimait se vautrer dans les massacres par millions, on peut dire qu’il part sur les chapeaux de roues. Spectaculaire avec ses attentats, l’exhibitionnisme et le voyeurisme des réseaux sociaux, il nous ramène même la droite religieuse au goût du jour!

Certaines choses ne changent pas: les superpuissances brassent toujours de la marde impunément, les banques jouent encore à Pige dans le lac avec l’économie mondiale, on persévère à scraper notre planète, les électeurs québécois sont toujours aussi masochistes, le mot austérité fuse de partout. Pis quand les jeunesses progressistes se risquent à élever la voix, on leur répond à coups de matraques. Du coup, les victoires sociales du vingtième siècle se font passer dessus au rouleau compresseur. Un pas en avant puis deux en arrière; dommage que la connerie humaine ne soit pas un carburant parce qu’on aurait des ressources intarissables.

Parlant de connerie, seule « richesse » équitablement distribuée, disons qu’elle ne souffre aucun obstacle. Elle ne se borne pas à une classe sociale ou économique, ni à un niveau d’éducation. Joyeusement hermaphrodite, polyglotte accomplie, elle coule en proportion égale sous toutes pigmentations et s’acclimate à toute culture. Par-delà la gauche et la droite, elle se fait muse pour toutes allégeances. Grosso-modo, c’est la championne de la tolérance!

Malheureux paradoxe, car si la connerie héberge sans restriction, c’est sous son influence que l’humanité fait régulièrement un bond en arrière. Heureusement, on ne la porte pas tous de la même manière!

Pour la grande majorité d’entre nous, la connerie se fait banale, mollassonne. Elle nous inspire la servitude et la crédulité et se contente de bercer les gentils moutons que nous sommes. Elle rend nos vies de merde tolérables, nous convainc d’acheter un tas de cochonneries inutiles dont les publicités bombardent sans cesse nos iris fatiguées. Elle épuise les cerveaux, nourrit le cynisme ambiant et nous conforte dans notre rôle de bétail docile.

La connerie, tout comme l’alcool peut en rendre certains ridicules et agressifs. Vu qu’elle stimule les comportements impulsifs et irréfléchis, elle peut mener à une forme d’hystérie, un sévère délirium, une sorte de frustration qui s’exprime de manière incohérente. Cela peut même les mener à se regrouper. Naissance mesdames et messieurs des Skinheads.

Crâne rasé, les jeans bleus pâles, les bottes de cuir à lacets blancs et le blouson; la croix gammée, le tempérament violent, l’étrange conviction que la nation blanche est en péril. Un fan club hitlérien qui aime la musique de marde. Sans conteste, les Skins ont le muscle de la connerie hypertrophié. Peu enclins au dialogue, carence en réflexion n’aidant pas, tenter de les convaincre d’abandonner leur discours sur les races peut causer une inflammation des gencives, voir du sang dans l’urine.

Leur théorie de la pureté du sang en est une bonne. Juste à lire un peu pour savoir que la procréation en circuit fermé appauvrit l’hémoglobine, ça fait pas des enfants forts. Mais non, comme nos pieux croyants, nos Skinheads sont sceptiques devant la science. Leur théorie du sang, c’est un peu comme le design intelligent: une grosse blague. Malheureusement, les Skinheads, à la limite de l’handicap, persévèrent dans leur connerie. Un cul-de-jatte avec qui tu ne partages pas les mêmes idées, il ne peut pas te botter le cul dès qu’il est à court d’argument. Eux, si. Non, pour ce qui est de la violence gratuite, de la lâcheté, de la barbarie et de la haine, ils ne donnent pas leur place.

Heureusement, ici, ils ne sont pas très nombreux. Quelques marginaux dans l’Est de Montréal et une bande dans la région de Québec, à brandir leur nationalisme exacerbé. Par contre, rien ne vaut une bonne crise économique pour que les esprits s’échauffent. La connerie aime les ventres vides, les frustrations, l’incertitude. Quand on baigne dans la misère, rien de mieux qu’un osti d’immigrant pour se défouler. Les banques? Ben voyons, c’est trop abstrait, ça manque de concret. Beaucoup plus simple de désigner un bouc émissaire, un coupable de circonstance facilement reconnaissable pis qui peut saigner!

On ressentait un certain malaise devant l’étranger auparavant, on hésitait devant lui, ne sachant comment le percevoir. Il mange quoi? Est-ce qu’il boit? Il prie sous quelle enseigne? Je l’accepte ou pas? Et le plus souvent, on se bornait à cela, un simple vertige passager, une courte interrogation, sans plus. Mais quand ça va mal, qu’il faut partager des miettes avec l’Autre, il doit bien avoir un responsable de ce bordel! Attache ta tuque le Moukmouk! Au gibet le bougnoule! Ta gueule négro! On saisit?

Comme je ne cesse de le répéter, ce qu’il y a de beau avec la connerie, c’est que personne n’en a le monopole. Par-delà la connerie du fascisme et du racisme, des gens avec un discours beaucoup plus humaniste (paix, amour et pâquerettes) démontrent une maitrise de la bêtise humaine beaucoup plus subtile. Plus difficile à démontrer, mais toujours aussi présente. Pour représenter ce complexe cas de connerie, je vous présente les ennemis jurés de nos antipathiques mongols aryens : les Redskins.

Une bande d’antifascistes radicaux, féministes, syndicalistes, anticapitalistes, name it! Se réclamant de l’anarcho-syndicalisme, du socialisme, voir du communisme libertaire, il en existe des variantes comme chez les Skins suprématistes. Ils ne tolèrent ni racisme, ni sexisme, ni homophobie. Ils dénoncent l’exploitation des masses par une minorité de nantis et leur musique est de meilleure qualité. Moi-même gauchiste qui penche vers le radical, qu’ai-je à leur reproché? Il ne s’agit pas ici d’une campagne pour ternir leur réputation. Non, je reviendrai plutôt à mon propos initial: la connerie c’est comme la crème glacée, il y en a pour tous les parfums.

Chez ces radicaux du politiquement correct c’est simple, leur faille c’est leur dogmatisme. Leurs idéologies ne sauraient être transgressées ni débattues. Pour la moindre remise en doute de leur message, les représailles sont plus souvent physiques qu’autrement. Moins violents que les Skinheads, l’intimidation ne leur est pas étrangère. Les claques partent vite. À l’affut du moindre dérapage vers la droite, vêtus de leur morale inébranlable, pas question de palabrer pour eux. Quand il s’agit de propager leur message antifasciste, crisser une gauche sur ta droite vaut autant qu’un argumentaire soutenu.

Aussi arrogants, voir méprisants qu’une Denise Bombardier anarchiste, en bottes de cuir, sideburns et blouson. Lorsque l’on sombre dans le radicalisme pur et dur, notre vision du monde c’est blanc ou noir, that’s it! Ça simplifie les arguments, les réflexions, le raisonnement et le choix des moyens d’action. On impose ses dogmes et ses idéaux plus rapidement. Voilà l’osti de problème! S’imposer, comme toujours.

Pourtant, leur discours ne me déplaît pas. Mon côté facho, misogyne, raciste, néolibéral et autoritaire n’a jamais été particulièrement développé. Moi aussi je rejette violemment le message des Skinheads. Mais par contre, question méthode, ils sont dans le même bateau. Qu’on me targue d’être pointilleux, mais entre la méthode de propagande des Skins qui consiste à sacrer une volée à son bouc émissaire et celle des gentils Redskins qui dérouillent un interlocuteur récalcitrant, je sens un pet de similitude.

Le plus navrant, c’est qu’en s’emmitouflant dans cette couverture de tolérance, certains de détenir le modèle de société parfaite, ils adoptent une forme de mépris passablement désagréable. Ils en viennent à traiter quiconque avec arrogance. Et lorsqu’ils se sentent incompris, attention, ils mettent ça sur le dos de la connerie humaine. Comique, non?

Chassez la connerie et elle reviendra au galop! Certains se font les sauveurs du génome blanc, d’autres brandissent l’étendard de la tolérance. Tous convaincus d’idées rigides, de paradigmes inflexibles. S’armant pour toutes les guerres de tranchées, mais pour peu de débats de fond. À chacun son recueil de vérités absolues, ils prêchent la bonne parole, mais préfèrent les croisades. Connerie, quand tu nous tiens…