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Nihilisme du genre : un anti-manifeste (extrait)

Discussion dans 'Féminisme et luttes d'émancipations LGBTQ' créé par anarkia ou l'un de ses multicomptes, 7 Septembre 2018.

  1. anarkia ou l'un de ses multicomptes
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    anarkia ou l'un de ses multicomptes Membre du forum Expulsé par vote Membre actif

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    Août 2018
    United States
    Abolition du genre

    Si nous acceptons que le genre n’est pas à trouver en nous en tant que vérité transcendantale, mais existe plutôt en dehors de nous dans le domaine du discours, pour quoi avons nous à lutter ? De dire que le genre est discursif est dire que le genre se produit non pas comme vérité métaphysique au sein du sujet, mais se produit comme moyen d’arbitrer l’interaction sociale. Le genre est un cadre, un sous ensemble du langage, et un panel de symboles et de signes, communiqués entre eux et reconstruis par nous constamment.

    Ainsi, le mécanisme du genre opère de façon cyclique ; comme nous sommes constitué⋅e⋅s à travers le genre, nous le reconstituant aussi à travers nos actions quotidiennes, rituels, normes et performances. C’est cette réalisation qui permet un mouvement contre la manifestation même de ce cycle. Un tel mouvement doit comprendre la nature profondément pénétrante et envahissante de ce mécanisme. La normalisation a une façon insidieuse de naturaliser, d’assimiler, et d’absorber la résistance.

    À ce stade il devient tentant d’adopter une certaine politique libérale d’expansion. D’innombrable théoricien⋅ne⋅s et activistes ont posé comme enjeu la revendication que notre expérience de corporalité transgenre pourrait être capable d’être une menace au processus de normalisation du genre. Nous avons entendu la suggestion que l’identité non-binaire, l’identité trans, et l’identité queer pourrait être capable de créer une subversion dans le genre. Ça ne peut pas être le cas.

    En posant notre revendication sur les termes d’identités non-binaires, nous nous retrouvons toujours encore pris dans le domaine du genre. Revêtir l’identité dans un rejet de la binarité de genre consiste toujours à accepter la binarité en tant que point de référence. Dans la résistance à cette dernière, l’on ne fait que reconstruire le statut normatif de la binarité. Les normes ont déjà assimilé la dissidence ; elles posent le cadre et langage à travers lequel la dissidence peut s’exprimer. Ce n’est pas tant que notre dissidence verbale s’exprime dans le langage du genre, mais que les mesures que nous prenons pour subvertir le genre dans nos apparences et nos interactions ne sont elles mêmes subversives que via leur référence à la norme.

    Si une politique identitaire d’identités non-binaires, ne peuvent nous libérer, c’est aussi vrai qu’une politique identitaire queer ou trans ne nous offre aucun espoir. Les deux tombent dans le même piège de se référencer à la norme en essayant de « faire » le genre différemment. La base même de telles politiques est ancrée dans la logique d’identité, qui est elle-même un produit des discours modernes et contemporains du pouvoir. Comme nous l’avons déjà montré en détail, il ne peut y avoir d’identité stable que nous puissions référencé. Par conséquent tout appel à une identité révolutionnaire ou émancipatoire n’est qu’un appel à des discours dénommés. Dans ce cas précis, ce discours est le genre.

    Cela ne signifie cependant pas que celleux qui s’identifient comme trans, queer, ou nonbinaires sont coupables de la (re)production du genre. C’est l’erreur que commet l’approche féministe radicale traditionnelle. Nous rejetons de telles affirmations, car elles ne font qu’attaquer celleux les plus blesser par le genre.Même si la déviation du genre est toujours assimilée et neutralisée, elle est pour sur toujours puni. Le corps queer, trans, non-binaire est toujours le lieu de graves violences. Nos familles et camarades sont toujours assassiné⋅e⋅s tout autour de nous, vivent encore dans la pauvreté, vivent encore dans l'ombre. Nous ne les accusons pas, car ce serait nous accuser nous même. Plutôt, nous demandons une discussion honnête sur les limites de nos politiques et une demande pour de nouvelles façons d’aller de l’avant.

    Avec cette état d'esprit en tête, ce n'est pas simplement certaines formulations de politique identitaires que nous souhaitons combattre, mais le besoin d'identité lui même. Notre déclaration est que la liste en expansion constante de pronoms personnels préférés, le nombre grandissant et toujours plus nuancé d’étiquettes pour divers expressions de sexualité et de genre, et la tentative de construire de nouvelles catégories d’identité plus vaste n’en vaut pas l’effort.

    Si nous avons montré que l’identité n’est pas une vérité mais un construit social et discursif, nous pouvons alors réaliser que la création de nouvelles identités n’est pas la découverte soudaine d’expériences vécues précédemment inconnues, mais plutôt la création de nouveaux termes sur lesquels nous pouvons être constitué⋅e⋅s. Tout ce que nous faisons lorsque nous élargissons les catégories de genre, c’est créer de nouveaux biais plus nuancés à travers lesquels le pouvoir peut opérer. Nous ne nous libérons pas, nous nous prenons nousmême au piège d’innombrables et d’avantage nuancées, puissantes normes. Chacun⋅e une nouvelle chaîne.

    Utiliser cette terminologie n’est pas hyperbolique ; la violence du genre ne peut être surestimée. Chaque femme trans assassinée, chaque nourrisson intersexe opéré⋅e de façon coercitive, chaque gosse queer jeté⋅e à la rue est victime du genre. La déviance au genre est toujours punie. Bien que le genre ait intégré la déviation, il la punit tout de même. Expansion des normes est une expansion de la déviance ; c’est une expansion des façons dont nous pouvons tomber en dehors de l’idéal discursif. Des identités de genre infinies créent de nouveaux espaces de déviation infinies qui seront violemment punis. Le genre doit punir la déviance, par conséquent le genre doit disparaître.

    Ainsi nous parvenons au besoin de l’abolition du genre. Si toutes nos tentatives de projets positifs d’expansion ont échoué et nous ont seulement pris dans de nouveaux pièges, alors il doit exister une autre approche. Que l’expansion du genre ait échoué n’implique pas que la contradiction servira nos objectifs. Une telle impulsion est purement réactionnaire et nous devons nous en défaire.

    Les féministes radicales réactionnaires voient l’abolition du genre comme l’une de ces contradictions. Pour elles, nous devons abolir le genre de sorte que le sexe (les caractéristiques physiques du corps) puisse être une base matérielle stable à partir duquel nous pourrions être regroupé. Nous rejetons tout cela allégrement. Le sexe lui même est enraciné dans les groupements discursifs, ayant été donné autorité par la médecine, et violemment imposé sur les corps des individu⋅e⋅s intersexes. Nous décrions cette violence.

    Non, un retour à une compréhension moindre et plus simple du genre (même s’il s’agit d’une conception supposément matérielle) ne conviendra pas. C’est précisément le groupement normatif de nos corps en premier lieu que nous rejetons. Ni la contradiction ni l’expansion ne nous sauvera. Notre seul chemin est celui de la destruction.

    [Traduction du texte originellement anglais “Gender Nihilism: an antimanifesto” de Alyson Escalante]
     
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