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Max Stirner – L’Art et la Religion

Discussion dans 'Bibliothèque anarchiste' créé par anarkia ou l'un de ses multicomptes, 26 Août 2018.

  1. anarkia ou l'un de ses multicomptes
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    anarkia ou l'un de ses multicomptes Membre du forum Expulsé par vote Membre actif

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    Août 2018
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    [traduction incomplète]

    Dorénavant, dès qu’un homme s’imagine posséder un autre aspect de lui-même (Jenseits), en lui-même, et ne se suffit plus dans son simple aspect naturel, il en vient à se diviser lui-même, entre ce qu’il est présentement et ce qu’il devrait devenir. Tout comme l’adolescence est l’avenir du garçon, et que l’homme sage est l’avenir de l’enfant naïf, de la même façon il faut s’attendre à ce que celui-qui-vise-un-au-delà (jenseitiger) soit de l’autre côté de la réalité actuelle. A la révélation de cette impression, l’homme fait tout son possible et attend le second homme, l’homme de l’avenir, et ne se reposera pas avant qu’il ne se soit lui-même trouvé devant la forme de cet homme de l’au-delà. Cette forme varie en lui pendant longtemps, il la ressent seulement comme une lumière, au plus profond de sa propre obscurité, qui pourrait s’élever elle-même, mais qui n’a encore ni contour certain, ni forme fixe. Pendant longtemps, aux côtés d’autres chercheurs et ahuris, dans cette osbcurité, le génie artistique vise à exprimer ce pressentiment. Ce que personne ne réussit à faire, il le fait, il présente le désir, la convoitise par l’expression, et en trouvant sa forme il crée ainsi- l’Idéal. Qu’est alors l’homme parfait, la propre nature de l’homme, dont on voit qu’il n’est rien qu’une simple apparence, si non l’Homme Idéal, l’Idéal Humain ? Seul l’artiste a finalement trouvé le bon terme, la bonne image, la bonne expression que tous cherchaient. Il expose son pressentiment – c’est l’Idéal. « Oui! C’est cela! C’est la forme parfaite, l’apparition que nous espérions tous, la Bonne Nouvelle – l’Evangile. Celui que nous avions envoyé il y a si longtemps, avec la question dont la réponse devait satisfaire la soif de notre Esprit, est ressuscité! ». Ainsi acclame le peuple cette création de génie, avant de tomber – en Adoration.

    Oui, l’Adoration! La plupart des hommes préféreraient être dupliqués que seuls, ils ne sont pas satisafaits d’eux-mêmes dans leur solitude naturelle. Ils recherchent un Homme Spirituel pour leur second Moi. La plèbe est satisfaite du travail du génie, et leur désunion est achevée. Pour la première fois l’homme respire aisément, ses contradictions internes sont résolues, et l’impression déroutante est maintenant projetée sous une forme perceptible. Cet Autre (gegenüber) est lui-même et pourtant ce n’est pas lui : c’est vers son autre aspect que les pensées et sentiments se dirigent sans l’atteindre, car c’est son autre aspect, inclus et inséparablement conjoint à sa situation présente. C’est le Dieu introspectif, mais il mis de côté, et c’est quelque chose qu’il ne peut saisir ni comprendre. Ses bras atteignent bien l’extérieur, mais cet Autre n’est jamais atteint, car s’il l’atteignait, comment l’Autre pourrait-il demeurer? Où serait cette désunion avec ses douleurs et ses plaisirs ? Où serait – et nous pouvons l’affirmer sans détour, car cette désunion à un autre nom – la Religion ?

    L’Art engendre la désunion, en ce sens qu’elle place l’Ideal par-delà et contre l’homme. Mais cette vision, qui a longtemps duré, s’appelle la Religion, et elle durera jusqu’à ce qu’un regard exigeant redessine l’intérieur de cet Idéal et le dévore. Conséquemment, puisque c’est un point-de-vue, elle requiert l’alterité, l’Objet.

    De la il suit que l’homme se lie lui-même religieusement à cet Idéal projeté par la création artistique, son second aspect, son Moi extérieurement exprimé en tant qu’Objet. Ici commencent les souffrances et les combats des siècles, car il est effrayant d’être en-dehors de soi-même, de se posséder en tant qu’Objet, sans être capable de s’unir à lui, en tant qu’Objet placé par-delà et contre soi-même capable de s’annihiler lui-même et donc soi-même .[1] Le monde religieux évolue au sein des joies et des peines que l’Objet lui fait connaître, et vit dans la séparation de soi-même. Son être spirituel n’est pas la raison, mais bien plutôt la compréhension. La religion est affaire de compréhension (verstandes-sache) ! [2] L’Objet est si tenace qu’aucune âme pieuse ne peut gagner face à elle-même, mais elle doit, en plus, être rejetée par ce dernier, voilà comme est faible son esprit lorsqu’il est placé face à l’Objet de la compréhension. « Glaciale compréhension ! » – N’a tu jamais entendu parler de la glaciale compréhension ? – Ignores-tu que rien n’est si brûlant, si héroiquement défini que la compréhension ? « Censeo, Carthaginum esse delendam », ainsi parlait la compréhension de Caton, qui garda ainsi la santé.[3] La compréhension de Galilée voulut que la Terre tournait autour du Soleil, même lorsque le faible vieillard, s’agenouillant et exhortant la vérité – se leva de nouveau et affirma « Et pourtant, elle tourne. » Aucune force n’est assez grande pour renverser notre pensée que deux fois deux font quatre, ainsi le point eternel de la compréhension reste celui-ci « Me voici, je ne puis autrement ! »[4] La fondation d’une telle compréhension est inébranlable, car son Objet (deux fois deux font quatre, etc.) n’autorise pas de lui-même son propre ébranlement. La religion obéit elle à cette compréhension? Certainement, car elle possède aussi un Objet inébranlable, grâce auquel elle se fortifie : l’Artiste l’a créé pour toi et seul l’artiste peut le récupérer pour toi.

    La religion elle-même ne connaît pas de génie. Il n’y a pas de génie religieux, et personne ne se permettrait de distinguer entre celui qui a du talent et celui qui n’en a pas quant à la religion. Pour la religion, tout le monde possède la même capacité, suffisante à la compréhension du triangle, de même qu’à celle du théorème de Pythagore. Bien sûr, il ne faut pas confondre la religion et la théologie, car personne ne possède la même aptitude à ce niveau, tout comme pour les mathématique supérieures et l’astronomie, car ces choses demandent un niveau particulier de – calcul.

    Seul le fondateur d’une religion est inspiré, mais il est aussi le créateur d’Idéaux, par lesquels la création d’un génie plus avancé ne saurait être possible. Là ou l’esprit est relié à un Objet, son mouvement est dorénavant pleinement determiné par son Objet. Y eusse-t-il un doute définitif sur l’existence de Dieu, sur cet objet transcendant, qui émanerait d’un religieux, cette personne cesserait d’être religieuse, comme celui qui croit à des fantômes dirait ne plus y croire une fois qu’il aurait douté de leur existence. La personne religieuse ne s’inquiète que des « Preuves à l’existence de Dieu » car, liée profondément au cercle de la croyance, elle se réserve intérieurement le mouvement libre de la compréhension et du calcul. Ici, l’esprit est dépendant de l’Objet, cherche à l’expliquer, à l’explorer, à le ressentir, à l’Aimer, ainsi de suite…car il n’est pas libre, et comme la liberté est la condition du génie, ainsi l’esprit eligieux n’est pas inspiré. La piété inspirée est une ineptie, au même titre que le tissage de lin inspiré. La religion est toujours accessible aux impuissants, et tout balourd dénué de créativité pourra avoir et aura toujours une religion, car la non-creativité n’entrave pas sa vie de dépendance.

    « Mais l’amour n’est il pas l’essence propre de la religion, et n’est-ce pas entièrement une question de ressenti et non pas de compréhension? » [5] Si elle est une question de ressenti, n’en doit-elle moins pas être une question de compréhension? Si cela occupe mon coeur entier, alors c’est une affaire de coeur – mais cela ne l’écarte pas de ma compréhension, et ceci en soi-même n’est pas particulièrement bon, car la haine et la jalousie sont aussi des questions de coeur. L’Amour n’est, de fait, qu’une des parties de la compréhension (verstandes-sache), dans le cas contraire, il resterait vierge de son titre d’affaire de coeur. En tout les cas l’Amour n’est pas du domaine de la raison (sache der vernunft), car au Royaume de la Raison, il y a bien moins d’Amour que ce qui sera célébré, selon le Christ, au Royaume du Paradis. [...]

    [1842]

    (Traduit de l’anglais depuis : Art and Religion )
     
    Marc poïk apprécie ceci.
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