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Actualité militante Le reveil des salafistes

Discussion dans 'Webzine - actualité des luttes et partage d'articles de presse' créé par zarkax, 12 Octobre 2011.

  1. zarkax
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    zarkax GANGNAM STYLE Membre actif

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    Oct 2009
    France
    Les affrontements entre coptes et forces de l'ordre, qui ont fait 24 morts dimanche au Caire, ont fortement ébranlé la société égyptienne. Première conséquence notable: un vice-premier ministre a proposé hier sa démission, qu'a refusée l'armée. Explication de cette éruption de violence en cinq questions.

    Q Quel a été l'élément déclencheur des violences de dimanche?


    R Les coptes s'étaient rassemblés au départ pour une marche pacifique. Ils réclamaient qu'une église près d'Assouan, en Haute-Égypte, en partie brûlée la semaine dernière, soit reconstruite. Et que les responsables de l'attaque contre l'édifice soient arrêtés et jugés. Outre cette revendication précise, les manifestants protestaient contre le Conseil suprême des forces armées, qui fait la sourde oreille à leurs demandes, principalement la fin de la discrimination concernant la construction de lieux de culte.

    Q Peut-on parler de violences confessionnelles?

    R Depuis la révolution de janvier, l'Égypte connaît une recrudescence de tensions religieuses. En mars, un mois à peine après le départ du président Hosni Moubarak, de violents heurts avaient éclaté entre chrétiens et musulmans au Moqattam, faisant 13 morts, au lendemain de l'incendie d'une église dans le sud de la capitale. Même tragédie, deux mois plus tard, en mai. Dans le quartier populaire d'Imbaba, toujours au Caire, 15 personnes avaient été tuées et 200 blessées après l'attaque d'une église, où une chrétienne convertie à l'islam était présumément retenue. Mais les violences de dimanche sont un cas à part. Cette fois-ci, l'affrontement a eu lieu avec l'armée. Pour la première fois depuis la révolution, les militaires ont quitté leur position attentiste: lors des affrontements d'Imbaba, ils avaient laissé faire la population. Dimanche, ils ont usé de moyens répressifs très lourds. Ils ont chargé la foule avec des véhicules blindés et ont tiré à balles réelles.

    Q Quelle est la position des coptes aujourd'hui en Égypte?

    R Les coptes, qui représentent de 6 à 10% de la population égyptienne, ont participé activement à la révolution de janvier. Mais le temps de l'unité entre chrétiens et musulmans semble révolu. La plupart des chrétiens attendent avec circonspection l'organisation des élections législatives à partir de novembre prochain, un scrutin pour lequel les Frères musulmans sont favoris. Autre crainte: les salafistes. Ces islamistes, dont la philosophie est de suivre à la lettre les préceptes du Coran, ont pignon sur rue depuis la révolution. Ils ont réussi à mobiliser des dizaines de milliers de personnes en juillet dernier et souhaitent instaurer une république islamique, dans laquelle les chrétiens seraient une communauté gérée par le clergé. Dans ce contexte, beaucoup de coptes songent à quitter le pays.

    Q Quelle est l'implication des médias dans ces affrontements?

    R La télévision d'État a très clairement incité les gens à descendre dans la rue en annonçant en boucle que les coptes attaquaient l'armée, puis en exhortant les Égyptiens à défendre les militaires. Pendant plusieurs heures, les médias ont évoqué la mort de trois soldats, sans faire état d'une seule victime parmi les manifestants. Le lendemain, le ministre de l'Information est revenu sur ces chiffres. Il s'avère qu'aucun soldat n'est mort dimanche soir.

    Q Comment expliquer la présence de casseurs dans les rues du Caire?

    R Dès dimanche, de nombreux témoins ont évoqué la présence de baltagueyya, des casseurs payés pour terroriser les citoyens. C'est également ce qu'a laissé entendre le premier ministre Essam Charaf en parlant de complot. Le patriarche Chenouda, chef de l'Église copte, a quant à lui parlé d'«inconnus infiltrés» parmi les manifestants. On ne sait qui sont ces fauteurs de troubles, ni qui sont leurs employeurs. Beaucoup d'Égyptiens soupçonnent des hommes forts du régime de Moubarak d'organiser une contre-révolution pour semer le chaos, à quelques semaines des élections législatives.


    Dimanche soir au Caire, une manifestation pacifique de coptes s'est heurtée aux forces de l'ordre. Le bilan à l'heure actuelle se monte à 25 morts, dont 19 coptes, et 329 blessés. En fin d'après-midi, ce 9 octobre, des milliers de coptes portant des croix ont quitté le quartier populaire de Choubra pour se diriger vers le siège de la télévision, épicentre de leurs revendications depuis des mois. Ils réclamaient le limogeage du gouverneur d'Assouan, dont les propos erronés avaient provoqué l'incendie de l'église Saint-Georges du village d'Al-Manirab, situé dans sa juridiction.

    L'église venait d'être reconstruite selon toutes les autorisations requises, mais le gouverneur a déclaré les travaux illégaux. Aussitôt, plusieurs centaines de musulmans radicaux, en majeure partie salafistes, ont attaqué l'église et l'ont incendiée.

    Ce n'est pas le premier coup d'éclat des salafistes. Depuis la révolution du 25 janvier, ils ont commis de nombreux attentats contre les lieux de culte et les citoyens coptes, ces chrétiens d'Égypte dont le nombre s'élève à près de huit millions.

    Pourtant, durant les dix-huit jours qui ont abouti à la chute de Moubarak, on a vu les musulmans et les coptes dénoncer côte à côte les exactions du régime. Le croissant et la croix voisinaient comme à l'époque de la lutte nationale de 1919, quand l'union des deux communautés était indispensable pour lutter contre la tutelle britannique.

    Les temps ont changé. En mars, les salafistes, sans nulle raison, ont détruit l'église de Sole dans le voisinage du Mokattam. Quelques jours plus tard, une bataille sanglante les oppose aux jeunes coptes du même quartier. En avril, ils s'opposent à la nomination d'un gouverneur chrétien à Qéna (dans le sud du pays), et parviennent à l'écarter. Le 7 mai, ils attaquent deux églises dans le quartier d'Imbaba, au coeur du Caire, sous prétexte de délivrer une jeune femme, récemment convertie à l'islam, que les prêtres, disent-ils, tentent de faire abjurer. Le bilan est de 14 morts et de plus de deux cents blessés.

    Pourtant, les salafistes menaient jusqu'à la révolution une vie assez retirée. "En Égypte, les adeptes de cette doctrine ont commencé à oeuvrer au Caire en 1926, les Frères musulmans en 1928", rappelle Stéphane Lacroix, spécialiste du mouvement salafiste au Moyen-Orient. Contrairement aux Frères, ils sont au départ apolitiques : "Ils font de la prédication et ne dérangent pas l'État égyptien, qui les a toujours tolérés. Tout au contraire, l'ambition des Frères musulmans est de créer un État islamique. Les salafistes recherchent la purification individuelle de la foi, et veulent revenir au dogme originel, à des pratiques religieuses datant du prophète Mahomet."

    Les Frères musulmans appartiennent à une organisation très structurée, tandis que les salafistes forment plutôt un courant religieux, une sorte d'association. Ils ont des oulémas, des mosquées, des bureaux disséminés dans le pays... Ils sont minoritaires, marginaux, mais il est impossible de préciser leur nombre, faute de statistiques. Soutenus par l'Arabie saoudite, ils reçoivent des subventions, d'où leur importance.

    Anouar el-Sadate a utilisé les Frères musulmans comme bouclier contre les nassériens et les communistes. Hosni Moubarak a apporté aux salafistes un soutien indirect, mais à partir de l'an 2000, il les a favorisés pour contrer les Frères. Ainsi, l'État leur accorde l'autorisation de posséder des chaînes religieuses de télévision - un privilège refusé aux Frères musulmans -, ce qui leur permet de diffuser leurs idées.

    À l'heure de la révolution, on voit peu de salafistes. Ils prennent le train en marche peu avant la chute de Moubarak. À compter du mois de mars, certains groupes se lancent dans la politique, et veulent participer aux législatives pour propager leur doctrine : l'application intégrale de la charia (loi coranique) et un mode de vie pareil à celui des premiers assistants du Prophète. Ils possèdent aujourd'hui deux partis politiques Al-Nour (la lumière) et Al-Fadi (la vertu).

    Ce virage ne fait pas l'unanimité : "La politique va nous détourner de la religion", déplorent certains cheikhs réticents. Seulement, le salafisme n'est pas une organisation structurée, et chaque groupe peut agir à sa guise. Les attentats contre les coptes sont régulièrement dénoncés par les principaux cheikhs, mais ils n'ont pas le pouvoir de les empêcher.

    Pour expliquer ce déchaînement de violence des salafistes contre les chrétiens, la première explication est simpliste : ils s'en prennent à des non-musulmans, des infidèles. La presse égyptienne privilégie une autre version : "Les salafistes étaient proches du régime Moubarak, les membres influents du parti dissous les utilisent peut-être pour créer le chaos." Certains politiciens attribuent leur attitude à des pays voisins qui souhaitent l'échec de la révolution égyptienne, par crainte de la contagion.

    Quoi qu'il en soit, bien des coptes ont choisi le chemin de l'émigration. Selon Naguib Gobrail, président de l'Union égyptienne des droits de l'homme, 100 000 coptes ont quitté l'Égypte depuis le mois de mars.
     
  2. Maxou
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    Maxou chercheur Membre actif

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    Oct 2011
  3. libertaire, auto-gestionnaire, individualiste, progressite
    Cet article est intéressant. Il montre un problème entre deux religions, obligées de cohabiter sous un régime militaire dur. Les hommes de Moubarak sèment la zizanie, pas étonnant. Ceci dit, de prime abord, je serais tenté de prendre position de défense envers les coptes qui ne demandent qu'à vivre de la liberté de culte et de conscience (chacun est libre de croire en ce qu'il veut, et je dis ça en précisant que je suis anti-religions). Faut dire aussi que les salafistes ne sont pas des hommes de paix. Alors, au nom des Droits de l'Homme, il serait légitime, a priori, de tout faire pour accueillir cette population copte dans des pays plus libres, au nom de la liberté de conscience. Toutefois, étant donné que les coptes font partie intégrante d'une structure institutionnelle religieuse, je pense, personnellement, qu'il n'est pas bon de les accueillir, car la religion n'est pas bonne en son essence, et elle est contre le combat anarchique, libertaire, etc... Je pense que la paix passera par un combat de fond en Egypte, un combat pour changer la société radicalement. C'est utopique, très long, impensable vu le contexte, c'est vrai à première vue, mais il peut porter localement des fruits. Ce combat peut commencer par un changement des consciences et des mentalités, sur place.
     
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