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L’AUTOGESTION ANARCHISTE FEDERATION ANARCHISTE

Discussion dans 'Bibliothèque anarchiste' créé par Marc poïk, 2 Avril 2017.

  1. Marc poïk
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    L’AUTOGESTION ANARCHISTE FEDERATION ANARCHISTE
    Texte intégral en version PDF 48 pages ici: http://data0.eklablog.com/ae-editio...ctif de la federation anarchiste - l-auto.pdf

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    Un autre teste sur le même sujet PDF 29 pages: http://data0.eklablog.com/ae-editions/perso/bibliotheque - pdf/autogestion d-hier a demain.pdf
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    L'autogestion et le système par Stephen Bouquin en version audio 15 min.
    http://sd-2.archive-host.com/membres/playlist/171268847548920749/Stephen_Bouquin_-_Lautogestion_et_le_systeme.mp3
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    Une brochure de 48 pages sur l’autogestion. Sympathique constance des anarchistes dans leur attachement à l’idée autogestionnaire. Un bréviaire pour militant qu’il n’est probablement pas inutile de remettre en circulation sous une forme actualisée. Sauf que, comme tous les opuscules du genre, il ne parle que du passé ou du lointain.

    Cela commence par une sorte de long éditorial sur l’actualité de l’autogestion : rapide rappel de l’évolution de l’idée autogestionnaire en France depuis les années 1960, survol mondial des luttes altermondialistes avec les inévitables expériences du Chiapas et de l’Argentine, appel à une réflexion théorique et pratique. Lisible, pas contestable ...et un peu convenu.

    Vient ensuite le non moins inévitable chapitre sur l’autogestion dans l’histoire. Ici on commence au moyen-âge, puis la naissance du mouvement anarchiste, les soviets de 1917 à 1921, l’Ukraine de Makhno, l’Espagne de 1936 à 1939, la Yougoslavie des années 1960. Une impression de déjà vu ? Oui, sur ce site c’était pour L’Autogestion, une idée toujours neuve aux éditions Alternatives libertaires. Mais cela aurait pu être à propos de nombreuses brochures précédentes. Ironie une peu facile car il n’est jamais inutile de rappeler les grands ancêtres pour la formation des nouveaux.

    Enfin, un chapitre sur une perspective anarchiste de l’autogestion. Les présupposés de base, les conditions et la viabilité de l’autogestion selon deux auteurs espagnols.

    Assez théorique. Sympathique et même pas faux.

    L’auteur nous a promis par mél des articles à venir sur l’autogestion dans le Monde libertaire. Espérons qu’ils aborderont les expériences (lieux de travail ou lieux de vie) ici et maintenant. On est toujours un peu surpris de la sorte d’extase qui gagne ceux qui nous annoncent « 200 entreprises récupérées par leurs salariés » en Argentine. C’est très probablement beaucoup moins que le nombre d’entreprises autogérées en France.

    Extraits de la brochure

    …. / ….

    Sur un plan plus idéologique, Abraham Guillen (1913-1993), militant anarchiste espagnol, fils de paysans aragonais, auteur d'une cinquantaine d'ouvrages sur des thèmes variés, a laissé une oeuvre inconnue du public francophone, au moins. Chassé par le franquisme, il se réfugiera en Argentine et sera journaliste, économiste, universitaire... Il écrira des ouvrages sur le socialisme d'aUtogestion, le coopérativisme (il fut expert pour l'ONU), la démocratie directe, la propriété sociale.., En 1988, la Fondation Anselmo Lorenzo de Madrid, liée à la CNT, publiera "Economie libertaire, alternative pour un monde en crise". Puis en 1990, le collectif éditorial madrilène "Madre Tierra" édite "Economie autogestionnaire, les bases du développement économique de la société libertaire". Cet imposant ouvrage de 506 pages développe un examen fouillé de l'organisation et des contradictions de l'économie capitaliste, privée et d'Etat, et des conséquences qui en découlent. A. Guillen y nourrit une réflexion que l'on sent inspirée par ses observations, ses études, sa pratique autogestionnaire. Il avertit le lecteur: "Nous ne voulons pas tomber dans le fétichisme idéologique dans lequel est tombé le socialisme d'autogestion, que ce soit dans l'Utopie de Thomas More ou le phalanstère de Fourier. Non. Le socialisme d'aUtogestion, qui est le commencement réel du socialisme libertaire, 'aura dans sa première étape à gérer des contradictions d'un autre ordre que celles du capitalisme privé ou d'Etat" (page 191). L'aUtogestion n'est pas un chemin facile à emprunter...

    Cette certitude, Robin Hahnel et Michael Albert, la partagent aussi, au même moment que Guillen. Tous deux se sont fait connaître au public francophone lorsque les éditions Agone ont publié leur contribution sur

    "L'économie participative ou Ecopar", en anglais, "Participory economics ou Parecon" (3). Cette proposition économique et sociale, élaborée par les deux américains dans les années 1990, bannit le marché autant que la planification centrale comme institutions, mais également la hiérarchie du travail et du profit. Dans cette économie, des conseils de consommateurs et de producteurs se coordonnent, et la propriété publique des moyens de production, la coopération, la solidarité... sont autant des moyens que des finalités. Dans ce l'autogestion prend une place prépondérante: "Ici encore, pour aller rapidement à l'essentiel, disons simplement que les auteurs aboutissent à une définition de l'autogestion entendue comme le fait que la voix de chacun a de l'impact sur une décision à proportion de ce qu'il sera affecté par cette décision. Albert et Hahnel tiennent avec raison cette définition de l'autogestion comme un des apports les plus originaux, novateurs et lourds d'impact de l'Ecopar". (Normand Baillargeon).

    …. / ….

    Qu'est ce que l'autogestion?

    A partir des idées ébauchées, nous proposerons un noyau central de définitions, d'après ce que différents auteurs contemporains ont perçu comme la conception anarchiste de l'autogestion (voir Bonnano s.f. ; Massari, 1977 ; Guillén, 1998; Bertolo et Lourau, 1984; Ecocomunidad DeI Sur, 2005 ; et Araus, 2004) afin de centrer le traitement du sujet sur l'aspect social de l'autogestion. ,

    Pour l'idéal acrate, l'autogestion est un projet ou mouvement social qui, aspirant à l'autonomie de l'individu, a pour méthode et pour objectif que l'entreprise et l'économie soient dirigées par ceux qui sont directement liés à la production, la distribution et l'utilisation des biens et des services. Cette même attitude ne se limite pas à l'activité productive de biens et de services mais s'étend à la société toute entière, en proposant la gestion et la démocratie directe comme modèle de fonctionnement des institutions de participation collective.

    Examinons ce qui précède avec attention afin de signaler les aspects distinctifs. L'autogestion s'oppose à l'hétérogestion, qui est la façon de conduire les entreprises, l'économie, la politique ou la société sans le concours de l'ensemble de ceux qui sont directement intéressés. Quand nous disons cela, nous nous référons au fait ce que ce n'est pas l'ensemble qui assume la direction mais un secteur, qui se coupe du collectif pour son propre bénéfice, comme cela se passe habituellement dans le monde contemporain dans lequel le capital prend le contrôle pour son profit. Tel est le cas des entreprises et de l'économie dirigées par le Capital, mais il en est de même en politique avec les partis ou dans la société avec l'Etat. Cette distorsion se manifeste par le fait que cette domination hétérogestionnaire s'exerce toujours à travers le pouvoir, quand ça n'est pas directement par la violence, sans argument, raison valable, ni consensus.

    L'autogestion est un projet ou un mouvement, c'est-à-dire que ce n'est pas un modèle achevé. Sa structure, son organisation et même son existence est et sera le fruit du désir, de la pensée et de l'action des membres du groupe impliqué (une usine, une ferme, une école, ou toute la société) sans préconcept ni imposition comme le seront également les modalités qu'elle peut prendre dans chaque cas.

    L'autogestion à laquelle nous nous référons est sociale, pas individuelle, car bien que son but soit l'individu, elle ne le prend pas dans sa dimension isolée mais comme une identité qui co-habite avec ses semblables, dont il dépend et qui à leur tour dépendent de lui. Dans ce sens, nous comprenons la gestion comme une suite de démarches pour une question d'intérêts individuels et collectifs, ce qui implique toujours la participation de plus d'une personne. Il est clair que, si cette gestion se réalise au sein d'un groupe qui poursuit des objectifs communs, à travers des accord internes et avec d'autres groupes, sans contrainte extérieure, alors la liberté individuelle n'est en rien affectée, en permettant que l'on trouve un compromis non pas sur la base de la soumission mais en autonomie responsable.

    L'autogestion est méthode et objectif, c'est-à-dire que sa fin est autant dans la pleine participation de l'individu à la société -en assumant de façon directe et collective la bonne marche de son groupe- que dans l'unique façon de réussir l'autogestion à travers l'exécution d'actions autogérées, à travers la pratique de l'autogestion. Pratiquer l'autogestion c'est comme apprendre à lire, ce n'est possible qu'en lisant. Il n'y a pas de modèle déjà établi qui nous amène à l'autogestion, si ce n'est son propre exercice au sein d'un collectif. Autogérer ses affaires s'apprend en les autogérant; il n'y a pas de recette pour y arriver, même si nous commettons des erreurs sur le chemin. A y regarder de plus près, des siècles d'hétérogestion ne sont pas encore parvenus à faire en sorte que les réussites soient supérieures aux erreurs et il en sera de même dans le futur.

    On a mentionné deux aspects, social et économique, et dans ce dernier il y a deux niveaux: micro-économique et macro-économique. Au niveau micro-économique, en prenant l'exemple de n'importe quelle entreprise productrice de biens ou de services, l'organisation autogérée existe lorsque la direction est entre les mains des travailleurs et pas entre les mains exclusives des maîtres, qu'ils soient privés ou de l'Etat. Au niveau macro-économique, ce qui précède se traduit par la perte de poids du Capital (privé ou étatique) dans les décisions économiques; les travailleurs et leurs intérêts collectifs étant ceux qui prennent de la prépondérance et la responsabilité, en créant pour cela, ce qui sera sûrement nécessaire, de nouveaux systèmes d'organisation pour la société toute entière.

    Etant donné le caractère social de l'autogestion, il est impensable qu'une entreprise ou association donnée soit isolée des actions et des intérêts d'autres entreprises complémentaires et de l'ensemble dans sa totalité. Des relations doivent s'établir entre elles, régies par les mêmes modèles que les relations à l'intérieur de l'entreprise. L'ensemble conformant un modèle macro-économique qui, à la différence des modèles actuels (qu'ils soient pseudo socialistes ou capitalistes) n'est pas détaché des engagements de tous et de chaque individu. La situation particulière dans le contexte collectif importe, car il le reflète et le traduit. Bien sûr, cela renferme l'idée d'un grand dynamisme, car les moyens et les objectifs seront variables, en accord avec les décisions et les circonstances changeantes, mais facilement harmonisables si tous sont animés par le même esprit de bien-être collectif.

    Etendre l'autogestion à la société implique de faire disparaître tous les centres de pouvoir qui se réservent aujourd'hui la gestion politico-sociale, comme les grandes corporations, les partis politiques, les bureaucraties syndicales, l'Etat, l'Armée, etc. ; en mettant leurs affaires entre les mains de tous les membres de la collectivité, sans intermédiaire, sans dirigeant ni dirigé, en s'organisant de la façon qu'ils jugent adéquates. Sur ce point, comme sur le précédent, nous remarquons que, comme nous l'avons dit auparavant et voulons le répéter, le processus d'autogestion se développe en autogérant.

    L'impérieuse nécessité de donner lieu à de nouveaux modes d'organisation fait que les forces qui tentent de l'éviter, comme les bureaucraties syndicales, les gouvernements démagogues, les entrepreneurs, proposent un autre concept, que les théoriciens organisationnels arborent de temps en temps: celui de la cogestion. La cogestion est un modèle de participation caractérisé par la composition paritaire des institutions sur ce qui concerne spécifiquement la prise de décisions. Autrement dit, des patrons et des travailleurs participent, en nombre égal, à la direction de l'entreprise (dans le meilleur des cas), avec la présence d'un homme ou d'un agent « neutre » pour résoudre les situations d'égalité. En général, l'Etat se réserve ce rôle.

    Ce système fut initié lors du processus de reconstruction de l'Europe après la deuxième guerre mondiale, spécialement en Allemagne, où il opère avec la reconnaissance institutionnelle depuis 1976 et, à un degré plus ou moins semblable, dans d'autres pays. Sans doute, ce modèle tente de contrôler la voix émergente de ceux qui sont directement impliqués dans la gestion, les travailleurs, en leur donnant une participation sur quelques aspects des affaires, de la politique ou des institutions dans le but de stimuler leur effort ou leur engagement. Cependant, c'est un palliatif car cela ne résout pas ce qui est en jeu: car il doit y avoir un changement radical pour résoudre les nombreux problèmes qui découlent de la situation actuelle. Aucune modification partielle ne peut contribuer à régler les problèmes de fond. Encore moins certaines options, comme celle de la cogestion patronale-étatique, qui signifie uniquement que c'est l'appropriation du capital privé par les détenteurs de la force des armes qui accompagne la domination politique de tout Etat, sans pour cela que les intérêts des travailleurs et de la population en général y participent un minimum, et bien que cela soit proclamé. (*)

    L'autogestion libertaire est quelque chose de très différent de la cogestion.

    Comme nous l'avons dit, la cogestion est une forme de participation, c'est-à-dire prendre part à quelque chose. Mais prendre part, dans ce cas, signifie admettre une structure de hiérarchie préexistante dans l'entreprise, l'usine ou la société, en permettant aux travailleurs un apport à la direction de quelque chose qui, en définitive, ne lui appartient pas. Dans la cogestion, on cède intelligemment une partie du pouvoir absolu pour dépasser ou concilier des frictions entre employés et propriétaires mais d'aucune façon on ne remet en cause qui commande, qui a le dernier mot, qui est le maître: le Capital, privé ou d'Etat, jamais les travailleurs.

    L'autogestion n'est pas participation.

    En autogestion il n'y pas de maître du capital, privé ou d'Etat, qui participe ou qui permette que le travailleur co-participe. C'est la totalité des membres d'une entreprise qui assume sa direction ou son administration. Il ne s'agit pas de limiter le rôle de l'« intérêt naturel des capitalistes» dans la direction de l'entreprise, mais de transformer radicalement la manière de la concevoir. Avec l'autogestion, l'entreprise n'a pas à disparaître, ni à perdre de son efficacité, ni à cesser de contribuer à la satisfaction de saines nécessités, ni à négliger les besoins de matière première, de production, de coûts, de la répartition des bénéfices, ni même du Capital, selon ce que l'on détermine. Ce qui doit changer c'est le pôle autour duquel tournent ses intérêts et la manière d'y parvenir. Si aujourd'hui, l'autogestion généralisée semble utopique, il en était de même lorsque Copernic disait que la Terre tourne autour du Soleil et non le contraire. Il en résulta que l'Astronomie, par la suite, fonctionnera mieux ainsi, même s'il lui aura fallu plus d'un siècle avant d'être acceptée. Nous ne devons pas oublier non plus que le capitalisme a mis plusieurs siècles pour faire évoluer, dans ses intérêts, les modes d'organisation sociale, politique et économique qui l'ont précédé. Pour y réussir, il faut commencer par marcher et marcher s'apprend en cheminant.

    A cela s'ajoute le fait que l'autogestion anarchiste prétend à - ou, si l'on veut, est parallèle à - une transformation totale et radicale de la société, et pas seulement de l'entreprise. En revanche, la cogestion est un système de participation qui est compatible avec la coexistence de n'importe quel système politique et s'adapte à n'importe quelle organisation sociale préexistante. L'autogestion, elle, est une tentative de modifier l'organisation sociale et la notion de politique, en mettant entre les mains de tous et de chacun, de façon directe et sans intermédiaire, toutes ses affaires.

    Pour conclure ce qui vient d'être exposé, il est pertinent de citer in extenso un texte [Guillén 1988, pp 197 – 198] qui énonce une version assez aboutie de la proposition libertaire, en plus d'exposer ce qui, du point de vue anarchiste, s'entend par révolution sociale et qui peut servir de point de départ pour des discussions autour de ce sujet:

    « Décalogue» de l'autogestion

    1. Autogestion: Ne pas déléguer le pouvoir populaire.

    2. Harmonie des initiatives: Unir le tout et les parties dans un socialisme fédératif.

    3. Fédération des organismes autogestionnaires: Le socialisme ne doit pas être chaotique, mais une unité cohérente du tout et de ses parties, de la région et de la nation.

    4. Action directe: Anti-capitalisme, anti-bureaucratisme, pour que le peuple soit le sujet actif de l'histoire, à travers la démocratie directe.

    5. Autodéfense coordonnée: Face à la bureaucratie totalitaire et à la bourgeoisie impérialiste, défense de la liberté et du socialisme autogestionnaire, diffusé à travers la propagande par les faits, non pas avec des postures théoriques.

    6. Coopération dans les campagnes et autogestion en ville: L'agriculture se prête à une entreprise autogestionnaire, dont le modèle peur être le complexe agro-industriel coopératif. En ville, les industries et les services doivent être autogérés ; mais leurs conseils d'administration doivent être constitués par des producteurs mêmes, sans aucune médiation de classes dirigeantes.

    7. Syndicalisation de la production: Le travail syndiqué doit se convertir en travail associé avec ses moyens de production, sans bureaucratie ni bourgeoisie dirigeant les entreprises.

    8. Tout le pouvoir aux assemblées: personne ne doit diriger à la place du peuple ni usurper ses fonctions par le professionnalisme en politique; la délégation des pouvoirs ne devra pas être permanente, mais se fera à travers des personnes déléguées, non bureaucratisées, éligibles et révocables par les assemblées.

    9. Ne pas déléguer la politique: pas de parti, d'avant garde, d'élite dirigeante, de timonier, car la bureaucratie a tué la spontanéité des masses, leurs capacités créatives, leur action révolutionnaire, jusqu'à les convertir en un peuple passif, instrument docile des élites du Pouvoir.

    10. Socialisation et non rationalisation des richesses: passer le relais du rôle protagoniste de l'histoire aux syndicats, aux coopératives, aux sociétés locales autogestionnaires, aux organismes populaires, aux mutualistes, aux associations de tous types, les auto-administrations et autogouvernements, locaux, de la contrée, régionaux, et au co-gouvernement fédéral, national, continental ou mondial."

    Conditions pour l'autogestion

    Nous avons dit que l'autogestion apporte un changement dans la société, mais il se fonde sur un changement chez les individus qui la composent. Pour cela, nous voulons mentionner trois conditions générales, bien qu'il y en ait sûrement d'autres, qu'il est nécessaire de satisfaire sur le chemin qui mène à la construction de l'autogestion. Nous devons dire que ce ne sont pas des conditions pour initier l'autogestion, mais des conditions que nous estimons indispensables pour élever l'autogestion aux niveaux de satisfaction, de bonheur et de succès que nous voulons atteindre.

    Première condition: pour réaliser le changement social par l'autogestion, les individus doivent passer par l'apprentissage de l'autonomie, et la liberté de mener ses affaires. Mais, à la différence d'aujourd'hui où on la stimule précisément pour la contrôler, la liberté implique la responsabilité dans le contexte social. Ce qui suppose non pas une responsabilité imposée, mais autonome qui permette la constitution d'une société éthique. Une société dans laquelle les individus ne sont pas libres mais dominés et gouvernés ne pourra jamais se former comme une société éthique. Pour cela, aspirer à une société régie par des principes éthiques, requiert que ses membres soient libres et responsables. Dans le cas de l'entreprise, ceci se traduit par le fait que chaque membre exécutant une tâche spécifique, doit s'intéresser à tous les aspects qui s'y rattachent, pour avoir une participation positive qu'il apporte à l'ensemble, depuis son point de vue particulier.

    La seconde condition est un des changements les plus difficiles auquel l'autogestion oblige: c'est la reconnaissance de l'autorité en remplacement de la relation de pouvoir qui est en place aujourd'hui. Nous pouvons comprendre le pouvoir comme la domination qu'une personne exerce sur un objet concret, qui peut aussi être une autre personne, ou sur le développement d'une activité, tandis que l'autorité est l'influence morale que quelqu'un a et qui découle d'une vertu. Cette différence se manifeste de diverses manières: le pouvoir est toujours imposé, la plupart du temps par la force comme unique argument, tandis que l'autorité est librement reconnue; le pouvoir tient à se concentrer pendant que nous pouvons tous avoir l'autorité si nous parvenons à l'exercice virtuose de quelque activité, comme un médecin dans le domaine de la santé, un menuisier au sujet du bois, un paysan dans la culture de la terre ou un philosophe avec la pensée; le pouvoir se prend, s'approprie, agressivement bien souvent, tandis que l'autorité se consent, résulte de la reconnaissance que d'autres font à quelqu'un pour sa virtuosité comme musicien, comme administrateur, comme mécanicien ou comme boulanger.

    La participation d'un individu dans un collectif autogestionnaire, de telle manière qu'il puisse trouver son autonomie, amène la responsabilité d'acquérir une quelconque qualité - nous dirions qu'il en faudrait le plus possible, mais au moins une- à travers l'étude, la pratique, l'intérêt, et l'effort nécessaire, à un niveau tel que cela entraîne la reconnaissance des autres; et d'autre part la capacité de reconnaître l'autorité des autres dans des secteurs où ils ont développé leurs potentiels ou leurs compétences. Il est facile de constater que, si cela était ainsi, le pouvoir appuyé par la violence et l'agression resteraient relégués aux oubliettes, parce que jamais la force ne fut un argument suffisant pour s'imposer, à moins que l'on admette qu'elle est imposée [La Boëtie, 1980]. L'abandon des relations de pouvoir et la reconnaissance de la valeur et de l'autorité de tous est une condition pour parvenir à l'autogestion.

    Finalement, il faut reprendre ce que Kropotkine avait signalé au commencement des discussions sur le darwinisme et qu'aujourd'hui les études scientifiques ont pleinement validé, à savoir que la consolidation de notre espèce sur terre, jusqu'aux niveaux actuels, est le résultat de la coopération entre les êtres humains. L'humain n'est pas un être violent par nature, il n'y a pas de gène de la guerre et personne ne peut non plus la faire seul, comme le dit un certain refrain mal intentionné. Chacun des adultes de l'espèce est le résultat de la collaboration et de la coopération d'autres adultes qui permirent de dépasser ce qui n'est encore qu'un long début entre les animaux. En conséquence, la guerre, la compétition, l'égoïsme, n'ont rien de naturel mais s'acquièrent précisément à partir de l'institutionnalisation des relations de pouvoir qui règnent à partir du moment où s'impose la différence entre gouvernés et gouvernants, il y a quelques 100.000 ans. Reprendre le modèle de relations d'entraide, de solidarité, de sympathie, d'amitié, de coopération, qui prédominèrent pendant les dizaines de millénaires antérieurs (on estime que notre espèce homo sapiens sapiens date d'au moins 140000 ans), est aussi une condition pour le succès de l'autogestion

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