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Actualité militante Insurrection minière en Espagne

Discussion dans 'Webzine - actualité des luttes et partage d'articles de presse' créé par Ungovernable, 12 Juillet 2012.

  1. (Santa Cruz del Sil) Le gouvernement espagnol, qui est confronté à une grave crise économique, a mis le feu aux poudres il y a deux mois en annonçant une réduction draconienne des subventions versées aux mines de charbon du pays. Les employés, portés par une longue tradition de contestation, multiplient les coups d'éclat pour forcer l'État à reculer, relate notre envoyé spécial.

    Lorsque Jose Araujo a appris en mai que le gouvernement avait décidé de sabrer radicalement dans les subventions versées aux mines de charbon, son coeur n'a fait qu'un tour.

    L'homme de 42 ans a décidé qu'il ne remonterait pas cette journée-là de la mine où il travaille à Santa Cruz del Sil, dans le nord-ouest du pays. Qu'il ne remonterait pas, en fait, tant que l'État n'accepterait pas de faire marche arrière.

    «Ça s'est décidé très rapidement. Je n'ai prévenu ni ma femme ni mes enfants», confie en entrevue M. Araujo, qui s'est installé dans l'entrée d'une galerie secondaire avec six autres mineurs il y a plus de 45 jours.

    Ils ont construit une table de bois et une petite plateforme de bois où sont disposés des matelas. Des petits radiateurs ont été installés pour chercher à couper l'humidité qui suinte des murs. Un canari nommé en l'honneur d'un politicien honni trône au milieu de leur local de fortune.

    Les mineurs passent leurs journées à dormir, à jouer aux cartes ou à lire les journaux qui leur sont fournis par des collègues faisant l'aller retour pour leur apporter nourriture et soutien psychologique.

    Pour se rendre jusqu'à eux, il faut emprunter une locomotive électrique qui s'enfonce tranquillement dans la mine sur une distance de près de trois kilomètres.

    Lors de l'arrivée sur place de La Presse, l'endroit était envahi par une équipe de tournage venue immortaliser la performance d'une chanteuse espagnole portant son message de solidarité.

    L'artiste n'est pas la seule à prodiguer son soutien aux mineurs protestataires, qui ont notamment reçu des dizaines de dessins de jeunes de la région.

    Déterminés

    Primitivo Basalo, un autre mineur enfermé, dit qu'il est déterminé à rester même s'il s'ennuie de ses enfants. Bien qu'ils puissent communiquer avec leurs proches par une ligne interne, il n'a pu parler avec sa fille depuis le début de l'occupation.

    «Elle ne veut pas. Quand elle a su que je ne revenais pas à la maison, elle a crû que j'avais été blessé. J'ai été touché à un bras il n'y a pas longtemps alors ça lui rappelle de mauvais souvenirs», relate l'homme de 40 ans.

    Comme ses collègues, il s'indigne de la coupure annoncée des subventions. «S'ils vont de l'avant, la mine va fermer et toute la région va mourir», souligne M. Basolo.

    L'occupation est soutenue par l'entreprise qui exploite la mine. Son directeur, Enrique Fernandez, note que le gouvernement avait prévu, sous pression de l'Union européenne, de réduire graduellement les subventions au secteur jusqu'en 2018.

    La décision d'accélérer la réduction de ces aides, qui doivent fondre de 300 à 110 millions d'euros (377 à 139 millions CAN) en 2012 plutôt que de 30 millions d'euros (37,7 millions CAN) comme prévu, bouscule le calendrier et risque de compromettre les investissements prévus pour moderniser les mines et assurer leur rentabilité. «Si le gouvernement maintient le cap, je pense que nous serons obligés de fermer», souligne-t-il.

    Plusieurs initiatives

    L'occupation souterraine des installations de Santa Cruz del Sil n'est qu'une des multiples initiatives lancées par les mineurs, en plus d'une grève générale, pour souligner haut et fort leur courroux.

    Ils ont bloqué à plusieurs reprises des routes importantes, entraînant des confrontations musclées avec les forces de l'ordre qui ont fait plusieurs blessés. Des immeubles gouvernementaux ont aussi été occupés.

    Une «marche noire» partant des régions du nord où sont concentrées les mines de charbon a parallèlement été lancée et doit arriver à Madrid mercredi.

    Bien que des tensions soient apparues dans les rangs du gouvernement du premier ministre Mario Rajoy, l'État espagnol ne montre aucune intention de reculer. Le ministre de l'Industrie a répété récemment, à l'appui de la décision, que le gouvernement donnait plus de subventions pour quelques milliers de mineurs que pour l'industrie touristique du pays.

    Les mineurs estiment «incompréhensible» que le gouvernement dise ne pas avoir d'argent pour préserver l'industrie mais soit capable en même temps d'avancer des dizaines de milliards d'euros pour renflouer les banques du pays. Ce sont plus de 25 000 emplois directs et indirects qui sont en jeu, selon les syndicats.

    Convaincre la population

    L'historien Ruben Vega pense que la fermeté affichée par le gouvernement envers les mineurs pourrait avoir pour objectif secondaire de convaincre la population espagnole qu'il ne sert à rien de lutter contre les compressions en voie d'être imposées en raison de la crise économique.

    Depuis les années 30, les mineurs du charbon ont lancé plusieurs grèves importantes qui ont largement contribué à l'évolution des droits du travail en Espagne. Ils ont aussi contribué à la fin du régime fasciste de Francisco Franco.

    Le conflit avec les mineurs prend donc un caractère symbolique et rappelle celui engagé par l'ancienne dirigeante anglaise Margaret Thatcher contre les mineurs de son pays dans les années 80.

    «C'est la dictature du capital. Ce qu'ils n'arrivent pas à faire avec des armes, ils le font avec le capital», juge Jesus Prieto, un délégué syndical des mineurs.

    Ruben Vega pense que les mineurs espagnols, malgré l'importance de la mobilisation, auront du mal à faire basculer l'État. Réduits en nombre, sans appuis politiques importants à l'échelle nationale, ils voient leur message noyé dans le flot de mauvaises nouvelles qui frappent la population. «J'espère me tromper mais je suis pessimiste», dit l'historien.

    Jose Araujo ne veut rien entendre d'un tel dénouement et promet de ne rien céder. «On restera ici aussi longtemps qu'il le faudra», dit-il.

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    Espagne: un village en «guerre civile»

    (Cinera) Rien ne laissait croire vendredi matin que Cinera, un petit village minier situé dans le nord-ouest du pays, à une quarantaine de kilomètres de la ville de Leon, était au bord de l'insurrection.

    À l'arrivée, les rues étaient calmes. Quelques hommes s'affairaient dans le centre sportif, un modeste établissement sur lequel les résidants ont écrit il y a quelques jours un plaidoyer en faveur du maintien de l'activité minière dans la région.

    «Je pense que ça va très mal finir... Si les subventions gouvernementales ne sont pas rétablies, tout ici va fermer», confie Julian Sanchez, un mineur retraité de 60 ans croisé sur place.

    Le village, explique-t-il, a vu le jour il y a une soixantaine d'années à l'initiative de l'entreprise qui exploite les mines avoisinantes. Toute la population dépend de l'exploitation du charbon et voit donc d'un très mauvais oeil la décision gouvernementale.

    Quelques jours plus tôt, plusieurs résidants se sont rassemblées sur la route nationale qui longe le village pour former une barricade et bloquer la circulation. Des affrontements musclés ont suivi avec les policiers de la Garde civile dépêchés sur place.

    Les forces de l'ordre sont ensuite rentrées dans le village à la poursuite des responsables, pénétrant dans plusieurs maisons. Un vieil homme, Paco, a été battu «sans raison» au dire des résidants et a été blessé à la main.

    Croisé au café de la petite place centrale, il refuse de parler et disparaît. «Il a peur», confie son frère, Juan Niembro, qui en veut aux policiers de s'être comportés comme des «sauvages». «On est quasiment en situation de guerre civile ici», ajoute-t-il.

    À proximité de l'école, La Presse croise ensuite un groupe de jeunes mineurs qui préparent visiblement une nouvelle intervention. «Vous devriez porter une veste pour vous identifier comme journaliste sinon la Guardia civil va vous battre aussi», prévient l'un d'eux.

    Deux délégués syndicaux arrivent peu de temps après dans le village et confirment qu'une opération se prépare.

    «Le pouvoir nous traite comme des terroristes. Mais le problème ici, c'est le gouvernement», peste Ruben Dario, un des délégués, qui s'attend à ce jour-là à une brève coupure de route sans violence.

    Vers 11h, un groupe de résidants, dans lequel figurent jeunes et moins jeunes, s'agglutine près de la route nationale. Au moment où un semi-remorque apparaît sur la route, des hommes cagoulés s'avancent et forcent le chauffeur à s'arrêter en le menaçant avec des lance-pierres. Ils l'obligent à placer le véhicule à travers la route et prennent les clés.

    «Ils revendiquent leurs droits mais à mon préjudice. Moi aussi j'ai besoin de manger. Ils m'empêchent de travailler», peste Thomas Alonso, qui n'a rien d'autre à faire que d'attendre un dénouement qui prendra plusieurs heures.

    Les manifestants, en plus d'arrêter le camion, placent des garde-fous métalliques arrachés d'une barrière sur les rails de chemin de fer qui longe la route avant de se retirer sur le pont menant au village.

    Peu de temps après, les policiers arrivent et la tension monte. Les jeunes croisés plus tôt réapparaissent cagoulés. L'un d'eux porte un tube métallique qui fait office de canon pour lancer... des balles de golf. Un autre porte des feux d'artifice que les mineurs tirent aussi avec des tubes métalliques contre les policiers comme s'ils manipulaient des lance-roquettes. «Ça permet de garder les policiers à distance», confie l'un d'eux.

    Ruben Dario tente de convaincre les jeunes de rester calmes, en vain. «Ils veulent en découdre», confie-t-il.

    Des policiers se sont postés à l'autre bout du village, près d'un terrain de football. Les jeunes tirent leurs projectiles et se replient dans l'angle de la rue, les policiers répondent avec des gaz lacrymogènes et des balles de plastique. Tout le monde dans le village est sur les dents, craignant une nouvelle entrée en force.

    «Ils défendent nos intérêts», se félicite malgré tout une commerçante qui regarde les jeunes masqués s'agiter au coin de la rue. Après une demi-heure d'affrontements, ils se replient.

    Ils réapparaîtront peu de temps après, le visage à l'air, dans de nouveaux vêtements qui visent à empêcher leur identification. Assis au café du coin, ils pavoisent comme des combattants de retour du front.

    Pendant ce temps, les autorités déployées sur la route nationale attendent. «On ne peut rien faire tant qu'on n'a pas les clés. On attend les décisions d'en haut», confie un policier.

    Quelques agents vêtus de leur équipement anti-émeute s'approchent du camion pour prendre la mesure de la situation.

    En remontant sur la route, ils se font tancer par des résidants du village qui leur crient des insultes. De lourds regards sont échangés mais rien ne se passe.

    Dans le village, l'heure est à la bonne humeur. Le climat s'allège. Un ancien mineur septuagénaire en profite pour dire que lui aussi a tiré des feux d'artifice quelques jours plus tôt. «Je me suis réfugié ensuite dans ma maison. Tout le monde participe», confie-t-il.

    Julian Sanchez s'amuse. Assis dans l'entrée de l'école, il salue des amis, les traite de «révolutionnaires».

    «Il n'y aura plus de bataille aujourd'hui», souligne l'ancien mineur, qui ricane lorsqu'on lui demande à quel moment la circulation va pouvoir être rétablie.

    «Ça, ça dépend de la personne qui a les clés», dit-il.

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    Des jeunes manifestants portent des tubes métalliques qui font office de canon pour lancer des balles de golf ou des feux d'artifice.

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    Des affrontements entre les policiers et les manifestants ont eu lieu au cours des derniers jours dans le nord-ouest de l'Espagne. Les protestataires s'opposent aux coupes annoncées dans les subventions versées aux mines de charbon du pays.
     
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