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Images et textes pris sur le net

Discussion dans 'Médias et presse' créé par depassage, 2 Novembre 2019.

  1. depassage
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  6. libertaire, anarchiste, féministe, anarcho-syndicaliste, syndicaliste, auto-gestionnaire, synthèsiste, anarcho-fédéraliste, anti-fasciste, anti-autoritaire
    en gros si tu es pauvre c'est que tu l'a bien cherché et que tu as choisis ce mode de vie.
    On nage en pleine ineptie.
     
  7. depassage
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    Un dossier intéressant pour comprendre comment ça a commencé !

    Pris sur Comment la république s’est muée en dictature. – Désarmons-les !

    Quand cela a-t-il vraiment commencé ?
    On pourrait aisément remonter aux lois scélérates de 1893-94 pour trouver l’origine du processus anti-démocratique immuable dans lequel s’est engagé la république française, et notamment dans la manière dont se pense et se construit la protection de l’ordre public par la désignation d’un ennemi intérieur.

    Lire « Ennemis d’État. Les lois scélérates, des anarchistes aux terroristes » de Raphaël Kempf.

    On pourrait également remonter aux mesures d’exception mises en place dans les colonies françaises (vote de la loi sur l’état d’urgence en avril 1955) au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, aux répressions sanglantes des manifestations du 14 juillet 1953, du 17 octobre 1961 ou du 8 février 1962 liées à la Guerre d’Algérie, mais le contexte particulier de la décolonisation, qui accompagne à l’extérieur du territoire une guerre en bonne et due forme contre d’autres populations que celle de la métropole, ne permet pas de fonder une critique objective du maintien de l’ordre en régime démocratique. Dans ce contexte en effet, l’ennemi intérieur n’est autre que l’étranger colonisé, combattu également à l’extérieur.

    Pour lire la suite Comment la république s’est muée en dictature. – Désarmons-les !
     
  8. depassage
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    Lu sur On se crève au travail, que crève le travail !
    On se crève au travail, que crève le travail!

    Publié le 26 novembre 2019


    S’il est essentiel de lutter à partir du 5 décembre contre la réforme annoncée des retraites, notre réplique ne saurait s’en tenir à des luttes conjoncturelles visant simplement à sauvegarder l’existant. Puisqu’il est vain de mal vivre aujourd’hui pour survivre à peine demain, réaffirmons que le cœur de la lutte doit bel et bien viser le travail qui, sous ses formes actuelles, ne peut être autre chose qu’une violence et un renoncement.

    Pourquoi lutter à nouveau?

    Si nous serons dans la rue le 5 décembre, ce ne sera pas par plaisir de taquiner le pavé, par goût des promenades de santé sous la flotte de décembre, par atavisme militant ou habitude grégaire, par amour du folklore ou par pulsion de sacrifier une journée de salaire.

    Pourquoi donc lutter à nouveau? Parce que ce vieux monde est puant et va l’être encore davantage. Parce que nous refusons déjà cette piteuse retraite à 62 ans et que leurs 64 ans sont toujours le plafond de l’espérance de vie en bonne santé. Parce que cette réforme permettrait à nos chefaillons à venir de trafiquer la valeur des points au gré de leurs lubies budgétaires. Parce qu’en substituant au décompte actuel un système fondé sur l’ensemble de la carrière, on flinguera les plus précaires, les carrières hachurées, les temps partiels, les salaires de rien du tout – et, bien sûr, ce sont encore les femmes qui trinqueront les premières. Parce que les bouffeurs de homard pourront toujours placer leur épargne-retraite et — comme s’ils n’y avaient pas pensé tout seuls comme des grands — y seront même invités par d’appétissants avantages fiscaux. Parce que les massacreurs de la police et de l’armée, dont l’État compte bien se servir pour continuer à nous éborgner et exhiber leurs fusils d’assaut, snipers et autres joujoux d’apparat, sont les seuls exemptés de cette réforme de misère. Parce qu’une triste raison comptable d’État nous condamne à baigner dans le régime du moins-disant social au nom d’une «crise» qui n’est même pas la nôtre, mais celle des possédants, de leurs abus, de leur luxe, de leur sale besogne de privatisation des profits et de mutualisation des risques et des pertes. Enfin, parce que cette réforme révèle dans sa naïve splendeur la vanité et l’hypocrisie de cette clique de lambins, aussi prompts à se gargariser du nom de «République» qu’à piétiner à coups de gros rangers et de mocassins à glands les principes mêmes dont ils se prétendent les héritiers, ceux qui inspirèrent en 1944 à quelques résistants un système de «retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours».

    La grande abdication

    Toute une clique de clowns éditocrates pour laquelle l’idée de «pénibilité» se réduit à faire chaque matin en SUV le trajet du 16e arrondissement de Paris à un studio du 15e, se faire maquiller et passer sa journée le cul sur une chaise à lire des notes préparées par d’autres, nous placera du mauvais côté de l’histoire. On dégobille déjà, sur ces plateaux criards, contre le «conservatisme» des «gens» («les gens», ça veut toujours dire «les autres») qui «vivent dans le passé», refusent de «s’adapter», de se «moderniser», d’aller dans le sens du «progrès», de la «flexibilité», d’adouber sans jacter les «réformes» aussi «nécessaires» qu’«urgentes». Interdisons-leur l’emploi de ces mots creux : il ne leur restera plus grand-chose à bavasser.

    Comme d’habitude, ils y entravent walou. Nous ne sommes pas conservateurs, nous ne vivons pas dans le fantasme d’années passées et dépassées. Si nous ne voulons pas du 2020 qu’ils veulent nous refourguer, ce n’est pas que nous nous idolâtrons 2019, 1944 ou 1936. Mais ces marchands de rien arrivent à faire passer leur soupe. Les partis de gouvernement et syndicats de service se mettent à leur traîne : abandonnant tout espoir, englués dans leur défaitisme, ils meurent au crédit de leurs renoncements. Ceux qui animent ces grosses machines résignées sont incapables de voir que s’ils échouent même à sauvegarder l’existant, à arracher le status quo, c’est parce qu’ils ont renoncé à envisager du progrès. Leurs slogans en carton ne veulent que le maintien du même, parce qu’ils ont oublié d’exiger du mieux; ils ont déjà perdu, parce qu’ils partent toujours perdants. Et, mollement, s’alignent les défilés sclérosés avec option ballons et mots d’ordre sans gouaille, comme pour dire au pouvoir qu’on ne fait que passer et qu’on ne veut surtout pas avoir l’air de déranger. Quelle morne abdication, quelle raison tronquée que celle qui refuse d’imaginer du changement pour autre chose que pour le pire. Pour notre part, nous ne voulons pas vivre «comme avant», nous voulons vivre toujours mieux, vivre d’une vie pleine : et la vraie question ici reste celle du travail.

    La valeur du travail

    Enfumés par l’illusion de travailler pour notre salaire, c’est bel et bien pour eux que nous travaillons, que nous produisons de la valeur. Pas besoin de lire de gros livres pour savoir que c’est notre sueur qui paye leurs yachts, leurs vacances, l’école privée de leurs chiards et la clinique de leurs croulants. Que ce sont nos troubles musculo-squelettiques (et notre business postcolonial) qui font augmenter le patrimoine de Bernaud Arnault de 792 euros chaque seconde et offrent à Lafarge le loisir de se faire du biff avec Daesh. Que ce sont nos angoisses et notre impuissance qui permettent aux banques de se faire chaque année 7 milliards d’euros sur nos seuls incidents bancaires — les sans-dents, ça rapporte — et aux groupes du CAC 40 de redistribuer les deux tiers de leurs bénéfices aux actionnaires contre 5% à nos gueules. Que ce sont les efforts de «ceux qui ne sont rien» qui autorisent les capitalistes à penser qu’ils sont tout. Qu’on claque un «pognon de dingue» pour traquer 60 millions de fraudes au RSA et qu’on colle de la ferme aux affamés pour un vol de sandwich en supermarché, sans se remuer pour les 3 milliards de fraudes fiscales de ceux qui ont eu la bonne idée de «traverser la rue» pour se payer un costard. Le tout avec son cortège d’humiliations, de harcèlements, de douleurs : celle de la caissière qui trimballe l’équivalent d’un éléphant chaque jour, celle du livreur à vélo qui se bouffe une portière par semaine, celle de la fille d’un suicidé de France Télécom à laquelle un patron avarié n’a rien su répondre d’autre que «c’est la faute de la dette» quand elle lui balançait, sévère et digne, dans la salle d’audience : «Vous avez tué mon père».

    Mais c’est aussi notre travail qui engraisse l’État, les policiers qui nous tabassent, les huissiers qui viennent nous soutirer notre télé ou notre baraque, les juges qui nous collent en zonzon, les profs qui nous hiérarchisent, les députés qui chouinent de devoir manger des pâtes parce qu’ils ne touchent que 5 000 euros par mois, les militaires qui vont bombarder des gens dont nous ignorons tout, sans qu’on nous demande notre avis, jusqu’au jour où on les retourne contre nous. Tous ceux-là vivent de nos misères, et pourtant ils sont nos maîtres. Encore et toujours, tout est à nous, rien n’est à eux.

    La valeur-travail

    Mais le fond de l’arnaque, le truc par excellence, c’est qu’ils veulent nous faire travailler — sans quoi ils n’existeraient pas, et leur indécence non plus. Nous avons une productivité telle qu’il n’y a pas 500 000 offres de travail pour dix fois plus d’inscrits chez Pôlot. Il y a bien longtemps que nous n’avons plus besoin de trimer autant pour produire à la hauteur de nos «besoins», même délirants. Si nous continuons à nous éreinter, c’est parce le travail a été érigé en vertu, en valeur, en obligation morale. Parce que le travail est la meilleure école de discipline et d’obéissance, d’ordre et de hiérarchie. Le labeur salarié est un labeur de serf; un homme qui travaille est un homme dompté; une femme au turbin est une femme acquise. Leur monde rafistolé ne tiendrait pas un quart de seconde si chaque personne ne travaillait plus que trois ou quatre heures par jour et occupait le reste de son temps libre à l’être réellement – et les mots ont un sens : c’est que le temps de travail est un temps d’esclave. Imaginez l’insubordination généralisée, si tous et toutes avaient les moyens de vivre une vie vraie, une vie d’humain. Voilà pourquoi ils nous ont imposé le travail comme unique modalité de réalisation de soi : c’est désormais en bossant qu’on doit devenir soi-même. D’où leurs team-building et afterworks avec des collègues qu’on ne peut pas piffer, leurs voyages de cohésion d’équipe et tous les petits dispositifs minables par lesquels ils essayent de nous faire croire que «le travail, c’est sympa». Mais si l’on doit se réaliser par le turbin, c’est aussi par lui et en lui (amen) qu’on doit se définir : que l’on ose se présenter en soirée à des inconnus autrement que par son travail; que l’on essaye donc de répondre par autre chose que par son travail à la question : «Qu’est-ce que tu fais dans la vie?». Profession, piège à cons.

    Tout cela n’est que magouille et pitrerie, puisqu’ils n’ont plus rien à proposer que des boulots de merde qui n’ont aucun sens, qui ne servent plus jamais à produire des choses vraies, qui nous aliènent même la fierté du beau geste ouvrier. Même ce qui produit du palpable perd son sens, dès lors qu’on élève des poulets ou fait pousser des tomates qui finiront dans une poubelle de supermarché (avec de la javel, pour ne pas casser les lois du marché), dès lors qu’on met la main à la pâte pour produire l’acier ou le plastique d’une trottinette électrique destinée à partir dans la Garonne avec son lithium pourri, après avoir trimballé la crème des imbéciles, prêts à payer 20 centimes la minute. Mais tout ça, désormais, il paraît que ce ne sont plus de vrais métiers : faut s’imaginer aussi, les types ils marchent dans la terre (alors que la terre c’est sale), ils bossent dans des usines (alors que les usines c’est sale), sans se rendre compte qu’ils pourraient comme tout le monde bosser en chaussettes dans un open space avec du top fun gazon artificiel et un patron-super-copain. Tout ça, c’est déjà un peu du passé, parce qu’on nous condamne à bosser au service d’entreprises elles-mêmes au service d’entreprises au service d’entreprises au service d’entreprises. Et ce néant n’est même pas le monopole du populo : on se demande toujours à quoi ça peut bien servir, un chief executive, un community manager, un chargé de projet en digital marketing ou un consultant en productique – et on espère qu’ils se le demandent aussi.

    Mais au fond, le sens du travail est surtout un jeu truqué parce que nous n’avons qu’un seul travail, parce que tout est divisé, atomisé, spécialisé, et qu’il ne nous est pas donné de cultiver le matin, de fraiser l’après-midi et de chanter le soir sans jamais devenir cultivateur, fraiseur ou chanteur. C’est aussi un jeu truqué parce que nous avons le choix entre un surtravail débile qui nous arrache la vie, et un sous-travail stérilisant. Va donc te «réaliser au travail» en dormant quatre heures par nuit ou en jouant au Free Cell sept heures par jour. Et surtout, va t’y réaliser quand tu as sur le dos une clique de pseudo-experts sortis tout droit de leurs petites écoles de contremaîtres, qui viennent sous couvert de déconnades en franglish nous apprendre comment faire notre boulot.

    Que crève le vieux monde!

    Le 5 décembre et pour le reste de nos vies, on ne luttera pas pour la retraite «tout pareil qu’hier», parce qu’on ne marche pas dans la combine. On ne veut pas d’un «progrès» qui signifierait bûcher «un peu moins» comme un dératé, décaniller en faisant un cadavre «un peu moins» amoché, balancé entre quatre planches «un peu moins» cheap. On ne veut pas mal vivre aujourd’hui pour survivre à peine demain. On ne veut pas se sacrifier pour que nos enfants aient le droit de se sacrifier – de toute façon, ils ne viendront pas nous voir à l’EHPAD ces petits ingrats, ils auront trop à faire à payer leurs dettes, chercher une crèche, nourrir leurs mouflets, engraisser leur proprio et enterrer leurs rêves. À la lanterne donc, leur travail d’esclave qui, tel qu’il existe, ne peut être autre chose qu’une violence, un ennui, une dépendance, un sacrifice, à 64, à 44 et déjà à 24 ans. Nous voulons du travail qui ait du sens, qui ne sente ni la dèche ni la charogne, du travail par volonté et pas pour l’artiche, du travail qui ne soit plus la face visible de la lune alors que notre vraie vie végète dans l’ombre, du travail riche et pas du travail de riches, du travail qui nous fasse respirer, imaginer, labourer, gamberger, usiner, discuter, clouer, aimer, et tout ça dans la même journée : vingt-quatre heures, c’est long si on ne les use pas à larbiner. Ivres de rage et d’indignation, nos rangs seront serrés tant que n’aura pas crevé le vieux monde, tant qu’il y aura besoin de clamer, encore et encore, les beaux mots qu’Albert Libertad jetait déjà à la gueule des résignés de 1905 :


    «Ô je hais la résignation!
    J’aime la vie.
    Je veux vivre, non mesquinement comme ceux qui ne satisfont qu’une part de leurs muscles, de leurs nerfs, mais largement en satisfaisant les muscles des faciaux tout aussi bien que ceux des mollets, la masse de mes reins comme celle de mon cerveau.
    Je ne veux pas troquer une part de maintenant pour une part fictive de demain, je ne veux rien céder du présent pour le vent de l’avenir.
    Je me moque des retraites, des paradis, sous l’espoir desquels tiennent résignés, religions et capital.
    Je ris, de ceux qui accumulant pour leur vieillesse se privent en leur jeunesse; de ceux qui pour manger à soixante jeûnent à vingt ans.
    Je veux la joie pour moi, pour la compagne choisie, pour les enfants, pour les amis. Je veux un home où se puissent reposer agréablement mes yeux après le labeur fini.
    Car je veux la joie du labeur aussi, cette joie saine, cette joie forte.
    Je veux être utile, je veux que nous soyons utiles. Je veux être utile à mon voisin, et je veux que mon voisin me soit utile. Je désire que nous œuvrions beaucoup, car je suis insatiable de jouissance. Et c’est parce que je veux jouir que je ne suis pas résigné.
    Il n’y a pas de Paradis futur, il n’y a pas d’avenir, il n’y a que le présent.
    Vivons-nous!
    Vivons! La Résignation, c’est la mort.
    La Révolte, c’est la vie».

    Vera Ščukina
     
  12. IOH
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    Super texte, merci du partage !
     
  13. depassage
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    Pris sur :
    Retraites Muleta et contre-feu - la voie du jaguar

    Retraites
    Muleta et contre-feu

    mercredi 18 décembre 2019, par Louis

    Qui ne travaille pas ne mange pas. Voilà l’impératif démagogique qui prétend résoudre la question, simplement en mettant en rapport le droit de manger avec l’obligation de travailler. Se pose en réalité la question du rapport entre le droit de manger et celui de ne pas travailler (si toutefois il est licite d’utiliser la conception vide et abstraite de « droit »). Alors que la nature charnelle de l’homme exige qu’il se nourrisse, sa nature spirituelle lui enjoint, peut-être même plus impérieusement, de ne pas travailler pour pouvoir jouer et se livrer à la contemplation. Il faudrait plutôt parler d’un droit au non-travail plutôt que d’un « droit au travail ». (Giuseppe Rensi, 1923)
    Le sens du présent projet de laminage des retraites n’est bien entendu pas celui d’acter un « droit au non-travail », mais bien celui de finaliser la reconstruction et l’adaptation de la contrainte politique du travail aux conditions économiques nouvelles de la crise de la globalité capitaliste.

    Lors de sa présentation du contenu de ce projet de réforme, le monde médiatique a, avec une belle unanimité, souligné une prétendue erreur stratégique du Premier ministre, qui, en repoussant de deux ans l’âge de départ à la retraite au taux plein, aurait malencontreusement fâché son principal soutien syndical. Il s’agit au contraire d’une stratégie délibérée : c’est la technique de la muleta, qui consiste à détourner l’attention du taureau de la contestation sociale en agitant un énorme chiffon rouge, pour focaliser l’attention sur l’âge de la retraite et faire passer à l’arrière-plan le cœur de la réforme, à savoir la baisse globale des pensions à travers la mise en place du système à points. Le gouvernement aura beau jeu, à très court terme, d’organiser une fausse capitulation (provisoire) sur ce point technique précis, en montrant qu’il est ouvert à la négociation et au dialogue. Par la même occasion il redonnera le beau rôle aux syndicats dits réformistes qui pourront se targuer de leur efficacité à faire plier le gouvernement, tout en stigmatisant les autres…

    On pourrait aussi dire que c’est la technique du contre-feu : le gouvernement ne pouvait pas ignorer que les syndicats réformistes seraient vent-debout contre cette mesure, ce qui a été faussement analysé comme une tentative de passer en force. C’est au contraire une stratégie pour amener les syndicats choisis à négocier sur le terrain choisi par le pouvoir ! C’est gros comme un porte-conteneurs : on sera d’accord pour négocier cette question d’âge de départ en échange de l’acceptation du reste. Quand absolument tout le monde a compris qu’il y avait deux dimensions séparables dans le projet présenté par le gouvernement, et que le pouvoir organise sciemment, délibérément, spectaculairement un clash sur un point de détail technique annexe, il est limpide qu’on est dans une tentative de mystification. (Le « rasoir d’Ockham » nous enjoint cependant de ne pas exclure la possibilité que ce qui détermine l’action du pouvoir ne soit finalement que de la bêtise et de l’aveuglement…).

    Autre avantage : en mettant provisoirement les syndicats dits réformistes dans la rue, on organise par avance la prochaine cacophonie syndicale en brouillant les différents messages : la contestation n’est plus entre la rue et le pouvoir, mais déplacé dans le cœur même de la contestation. Le pouvoir n’aura plus qu’à se présenter en pacificateur… Ce faisant, un détail a malgré tout été omis : ce bel échafaudage machiavélien pourrait sans doute fonctionner avec les appareils syndicaux, mais rien ne garantit par contre à l’avance que la dynamique de la contestation, qui échappe toujours en partie aux appareils, ne pose pas la question sociale d’une autre manière.

    Autre stratagème utilisé : le rideau de fumée. Pour tout être sensé, le calcul d’une retraite adossée sur l’ensemble de la carrière entraîne nécessairement une baisse de revenu. Le parcours professionnel de chacun étant maintenant soumis à l’impossibilité de toute projection dans la durée, avec des contrats de plus en plus courts et de plus en plus aléatoires, plus personne ne peut rationnellement tabler sur la possibilité d’une carrière complète. Oui, mais, le gouvernement garantirait ces fameux 1 000 euros par mois [de minimum contributif, quand cela est de loin en loin souligné] : sauf que c’est pour les gens qui auront été en mesure d’acheter sans interruption des points pour un montant minimum au smic, et que donc en particulier les petits agriculteurs, artisans, commerçants qui ne se paient pas au smic malgré leurs heures, et tous les autres petits contrats précaires, ne pourront jamais remplir les conditions nécessaires, comme c’est déjà le cas. Ils ne toucheront d’évidence qu’une fraction de ces 1 000 euros. Mais là encore, c’est l’arbre qui cache la forêt : 1 000 euros, même pour une carrière pleine, ou plutôt, dans le projet de réforme, même si l’on aura travaillé toute sa vie au smic, restent une aumône et constituent une insulte en acte.

    Cette histoire selon laquelle chaque heure travaillée ouvrirait des droits, alors que ce n’est pas automatiquement le cas avec la logique du calcul par trimestre, si on n’est pas en mesure de travailler le minimum d’heures requis, ne sert qu’à faire prendre des vessies pour des lanternes : cela implique en effet l’acceptation du développement de toutes les formes de précarité puisque l’on admet donc explicitement que des humains puissent, et devront, vivre au jour le jour avec des salaires qui ne sont même pas en mesure d’assurer le minimum de cotisations retraites (dans l’actuel système). Comment des achats de droits fondés sur un salaire, ou plus généralement un revenu, qui ne permet pas de vivre aujourd’hui au quotidien pourrait-il assurer des moyens de vivre futurs ?

    Cette histoire de réforme des retraites reste, de quelque manière qu’on aborde le problème, une réforme du travail proprement dit. Il s’agit de casser l’archaïque logique des statuts, qui ouvrait des droits collectifs, au profit de droits individuels indépendants de tout statut particulier, en dehors de toute archaïque notion de branche professionnelle. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’actuelle notion de carrière complète devient totalement obsolète dans le projet en cours : l’ambition est que le système puisse fonctionner quel que soit le temps réellement travaillé par les agents économiques. C’est pourquoi le pouvoir insiste malgré tout sur cette histoire d’âge d’équilibre (des comptes) : cette notion d’équilibre doit entraîner mécaniquement un processus d’ajustement automatique, c’est-à-dire dépolitisé, soustrait autant que possible à la négociation. L’idée est de fourguer aux partenaires sociaux le fardeau de l’ajustement des trois paramètres finaux : il y a un stock de points, une valeur du point, et un stock de bénéficiaires, à vous de vous débrouiller pour que cela tienne. Et c’est pour vraiment garantir l’élimination du facteur politique que le budget global en termes de part de PIB doit nécessairement être sanctuarisé.

    Dans le projet de réforme, le principe de la répartition semble sauvegardé, mais seulement en apparence. Dans l’esprit de 1945, c’était l’ensemble des gens qui travaillaient qui payaient les retraites de ceux qui ne travaillaient plus : c’était le collectif de travail qui finançait les pensions de ceux qui partaient. La logique de la retraite à points c’est, au contraire, chacun, individuellement, qui s’ouvre des droits futurs en fonction de parcours économiques aléatoires et non choisis : il n’y a plus qu’une fiction comptable qui s’engage à allouer aux retraités, à ceux qui sortent du marché du travail, l’ensemble des sommes récoltées au titre, non plus de cotisations, mais d’achats de droits explicitement conçus comme fluctuants (conséquence du verrouillage de la part de PIB).

    La logique de cette retraite à points est d’acter l’impossibilité de garantir à chacun une carrière professionnelle complète, et donc d’amener à l’abandon de ce concept de « carrière ». On est en train de passer d’une logique de droit global, d’une sorte de « droit en soi » à la retraite, à une logique de droits parcellaires cumulés, ce qui au bout du compte renvoie au principe de la fin d’un âge « normal » de départ à la retraite : ce qui déterminera l’âge de départ ce sera à terme l’acceptation d’un compromis, laissé à l’appréciation de chacun, entre un nombre insuffisant de points et sa valeur nécessairement tributaire de la baisse de la valeur du travail et de la déstructuration toujours plus poussée du « marché » du travail.

    Cette histoire de retraite devient nécessairement une fiction comptable à partir du moment où l’on ne veut que sauvegarder l’idéologie de la solidarité intergénérationnelle : le système se heurte à une limite comptable dont personne ne parle sur le fond. En effet, il y a bien sûr une limite financière au fait qu’un nombre de plus en plus limité d’« actifs » doive prendre en charge un nombre de plus en plus grands d’« inactifs ». Le pouvoir insiste même lourdement sur ce point. Mais ce qui n’est jamais questionné c’est le postulat selon lequel ce serait aux revenus du travail de financer les exclus du travail, le postulat selon lequel ce serait nécessairement au travail de financer le non-travail… Ce qui n’est finalement jamais questionné, c’est la place réelle du travail dans la société, sa finalité comme son contenu.

    La retraite à points, même du point de vue du système, n’est-elle pas finalement une pure fiction sur l’avenir du système lui-même ? Ce qui se joue sous nos yeux, ce n’est pas un problème comptable, mais la dernière tentative en date de formater l’humain sur une base strictement individualiste : l’on voit bien que la protestation qui s’organise a également pour moteur (au moins en partie) le refus d’une telle individualisation, la revendication largement informelle d’une réinvention du vivre-ensemble… L’objectif de ce projet de réforme est de tenter de pousser un peu plus loin encore le processus de dépolitisation du fait social, pour masquer la crise globale, alors même que cette dépolitisation en est le cœur palpitant qui l’irrigue.

    L’idéologie qui nous est vendue avec cette réforme c’est que ce serait l’ancienne cohérence politique issue de la guerre qui serait la cause des ratés du développement économique : ce qui est caché, c’est que, s’il y a bien une faillite de cette ancienne cohérence politique, c’est parce qu’il y a une faillite concomitante, indissociable, de son résultat économique. Or l’idéologie économique dont se réclame le pouvoir repose sur le fantasme que le monde brut de l’économie pourrait continuer de fonctionner en roue libre en l’absence de sens du vivre-ensemble…

    … Ou comment un projet de réforme mené au nom de principes strictement économiques, au nom d’une négation du politique, se retourne en manœuvre strictement idéologique qui réclame une réponse essentiellement politique. Puisse ce mouvement préserver sa part d’insoumission pour faire mentir ces lignes.

    Louis
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