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Faillite du Trotskysme

Discussion dans 'Webzine - actualité des luttes et partage d'articles de presse' créé par Ungovernable, 7 Juin 2009.

  1. Quatre conditions préalables pour engager une discussion approfondie

    1) Il est stérile de discuter du trotskysme comme les trotskystes eux-mêmes (et la plupart de leurs adversaires) le font. C’est-à-dire comme s’il s’agissait d’une idéologie cohérente et unifiée : continuation du « léninisme » (pour ses partisans) ou du « stalinisme (pour ses adversaires anarchistes) ; « marxisme révolutionnaire du XXIe siècle », etc. Traiter le trotskysme comme un tout cohérent peut servir dans le cadre d’une polémique expéditive mais il s’agit d’un procédé paresseux pour aborder les idées et les pratiques hétérogènes des trotskystes.

    2) Il faut différencier les idées de Trotsky (particulièrement entre son exil d’URSS en 1927 et son assassinat en 1940), de ce qu’elles sont devenues entre les mains de ses partisans. Aujourd’hui, les différentes formes de « trotskysme » n’ont plus grand-chose de commun, en théorie et en pratique, avec leurs origines, même si quelques tics de langage, quelques idées dépareillées et quelques formes de raisonnement ont survécu. Ce qui reste surtout c’est le culte de la personnalité de Trotsky... et l’incapacité à faire le bilan de son œuvre théorique et de ses actions au pouvoir comme en exil.

    3) Réduire le(s) trotskysme(s) à une forme de « centrisme » (une idéologie qui balance sans cesse entre la réforme et la révolution) n’est qu’une preuve de dogmatisme sectaire et autosatisfait. Ce procédé permet de réduire systématiquement l’évolution complexe des différents courants politiques du mouvement ouvrier à trois forces fondamentales : les révolutionnaires (nous-mêmes bien sûr), les contre-révolutionnaires (staliniens et réformistes) et ceux qui se trouvent entre les deux : les centristes. Cette vision ne fait que copier bêtement ce que Lénine écrivit durant la Première Guerre mondiale, quand il analysa les tendances au sein de la social-démocratie, et ne peut être appliqué sérieusement à tous les groupes qui se disent révolutionnaires depuis presque un siècle. De même que sont inopérantes toutes les comparaisons qui se fondent sur les courants politiques russes avant 1917 (bolcheviks, mencheviks, narodniks) et tentent désespérément d’en retrouver les équivalents actuels, dans des rôles répartis à l’avance.

    4) Aujourd’hui il est plus important de souligner ce que font les trotskystes, que ce qu’ils écrivent. Ou plutôt d’étudier la relation entre ce qu’ils écrivent et ce qu’ils font dans la pratique, du moins dans les pays où ils ont une petite influence sur la réalité. Et cette démarche peut s’appliquer à tous les courants politiques qui se prétendent anticapitalistes. Un groupe comme Alternative libertaire est, dans sa pratique, plus proche de la LCR que de la FA. Le SWP britannique ressemble plus aux groupes mao-populistes italiens des années 1970 (genre Lotta continua) qu’aux International Socialists marxistes-luxembourgistes des années 50 ou même au SWP (britannique) trotskyste des années 70 La CNT-AIT est autant influencée par l’ultragauche marxiste que par la CNT espagnole, etc. Il n’existe plus de frontières étanches entre les tendances « révolutionnaires » les plus actives. Ou, si elles existent, elles sont plus subtiles que les différences politiques ou pratiques, affichées publiquement.

    Ces considérations préalables sont essentielles, parce que si nous ne tombons pas d’accord sur ces points d’accord minimaux, discuter du trotskysme se réduit à une discussion généalogique : on remonte aussi loin que possible dans le passé (pour les révolutionnaires, généralement, à la moitié du XIXe siècle) et ensuite on établit une liste apparemment cohérente d’ancêtres politiques (ce que les marxistes appellent le « fil rouge » ou la « continuité historique »). Puis le jeu (et la réflexion politique) est déjà terminé : le groupe auquel vous appartenez aujourd’hui appartient à une longue tradition, apparemment cohérente, qui a toujours eu raison sur les questions essentielles depuis 150 ans, donc évidemment tout ce que vous faites et dites aujourd’hui est juste (voire « scientifique ») puisque vous agissez dans la continuité de vos ancêtres omniscients.

    Les échecs de Trotsky

    Ils sont a posteriori faciles à repérer, du moins en ce qui concerne l’analyse de l’Union soviétique et la volonté de défendre bec et ongles les idées de Lénine et les thèses politiques des quatre premiers congrès de l’Internationale communiste. Ce travail de critique des idées de l’Opposition de Gauche et de Trotsky a été partiellement effectué par les différentes tendances « capitalistes d’Etat » (Socialisme ou Barbarie de Claude Lefort et Cornelius Castoriadis : Tony Cliff et les International Socialists, dans les années 50 et 60), mais aussi par les communistes de gauche (Amadeo Bordiga, Anton Pannekoek, Grandizio Munis, Otto Rühle, Paul Mattick) et les anarchistes (pour ceux-ci dès les années 20 de Luigi Fabbri à Makhno en passant par Alexandre Berkman, Emma Goldman et Rudolf Rocker). Ce travail a été utile parce qu’il a montré que la conception du marxisme de Trotsky a eu des conséquences politiques désastreuses quand il a analysé le stalinisme, à la fois en URSS et dans d’autres pays. Et aussi qu’il a proposé des tactiques erronées face au réformisme et à la crise générale du capitalisme des années 30.

    Mais les critiques de Trotsky élaborées pendant les années 20 et 30 (et celles reprises ensuite par les « gauches communistes » jusqu’à aujourd’hui) partageaient toutes l’idée qu’une révolution internationale était possible entre les deux guerres. Cette hypothèse devrait être aujourd’hui réexaminée en détail, si l’on veut comprendre ce qui s’est passé entre les deux guerres mondiales mais aussi après la Seconde Guerre mondiale.

    En d’autres termes, l’explication par une longue « contre-révolution » et par l’absence d’un Parti révolutionnaire ne suffit pas à expliquer le poids et la persistance du réformisme social-démocrate et les raisons pour lesquelles le stalinisme a pu si facilement contrôler les jeunes partis communistes. Dernier point important : les analyses des « capitalistes d’Etat » et des communistes de gauche partaient de l’hypothèse que les catégories marxistes pouvaient être appliquées à l’économie et la politique de la Russie soviétique. Bien que l’Union soviétique n’existe plus aujourd’hui, il est consternant et inquiétant que, depuis la chute du Mur de Berlin et la disparition de l’URSS, aucun groupe révolutionnaire n’ait essayé de réévaluer le stalinisme maintenant que l’accès à ce pays, ses archives et ses habitants est beaucoup plus facile. On pourrait établir le même constat à propos des anciens Etats staliniens d’Europe de l’Est. Personne n’a tenté de comparer et confronter, d’un côté, les expériences et les théories du stalinisme dans les pays d’Europe de l’Est élaborées par les rares révolutionnaires locaux, et, de l’autre, les analyses produites en Occident. Au moins pour un dernier bilan des points forts et des points faibles des analyses du stalinisme. Cette faiblesse théorique et cette lâcheté politique ont des conséquences très dangereuses parce que cette suffisance intellectuelle signifie que le problème bureaucratique au sein du mouvement ouvrier est aujourd’hui encore sous-estimé y compris par ceux qui ont toujours dénoncé la bureaucratie comme une classe ou une couche sociale dans les Etats staliniens.

    Qu’est-il arrivé aux idées de Trotsky ?

    La plupart des groupes trotskystes ont en fait rejeté les intuitions les plus révolutionnaires de leur mentor politique. Ils ont conservé le pire (les recettes tactiques comme l’entrisme dans les partis réformistes, la croyance dans l’effet magique de slogans politiques comme l’Assemblée constituante, le Front unique ou le gouvernement « ouvrier ») et rejeté le meilleur (sa haine révolutionnaire du stalinisme et du réformisme).

    Au moins une chose positive est resté du volontarisme de Trotsky, si on compare le destin des groupes trotskystes avec celui des groupes influencés par les tendances « ultragauches » marxistes : les groupes trotskystes ont attiré des gens (des intellectuels de toute sorte, mais aussi des travailleurs) qui voulaient faire quelque chose de concret contre le capitalisme et l’oppression, tandis que les « gauches communistes » ont souvent attiré des hommes et des femmes qui méprisaient ce qu’ils appelaient l’ « activisme » ou avaient une analyse tellement défaitiste et négative de la réalité qu’ils se réfugiaient dans l’étude ou le simple commentaire de l’actualité. Ainsi aujourd’hui en France, par exemple, les militants trotskystes sont connus sur leur lieu de travail, ils dirigent des grèves ou du moins ils défendent publiquement leurs idées dans les mouvements sociaux, tandis que rarissimes sont les militants « ultragauches » massivement connus par leurs collègues et qui aient joué un rôle déterminant dans des grèves récentes. En d’autres termes, il existe une étrange division du travail : les trotskystes agissent (avec des tactiques politiques et des stratégies totalement erronées) et les « ultragauches » les critiquent dans leurs publications théoriques confidentielles.

    Si l’on revient aux aspects négatifs des différentes formes de trotskysme depuis 60 ans, on peut en ébaucher une première liste, sans doute incomplète :
    - suivisme vis-à-vis des mouvements de libération nationale,
    - suivisme vis-à-vis des Etats nés après le succès de ces mouvements de libération
    - suivisme vis-à-vis des prétendues tendances de gauche apparues dans les partis socialiste et communiste ou dans les syndicats,
    - incapacité d’analyser les tendances fondamentales du capitalisme après-guerre : a) jusqu’à la fin des années 50 les trotskystes pensaient qu’une Troisième Guerre mondiale allait se produire et par la suite ils ne sont jamais demandé pourquoi ils s’étaient trompés ; b) et ensuite ils ont été incapables de prévoir les tendances fondamentales du capitalisme mondial : crise du pétrole, crises écologiques, rôle social des femmes et ses conséquences sur la société capitaliste, modifications du rôle international et de la place de puissances capitalistes comme la Chine et l’Inde, disparition de l’URSS et des Etats staliniens d’Europe de l’Est, changements fondamentaux au sein de la classe ouvrière occidentale et mondiale, etc.
    - incapacité de renouveler, moderniser le programme socialiste à la fois en fonction des échecs des révolutions entre deux guerres et les changements qui se sont produits au sein du capitalisme mondial.

    YC

    ***********

    Faillite du trotskysme

    Le groupe Combat communiste publia un article sous ce même titre en 1978 dans sa revue Contre le courant n° 2. Plutôt que d’écrire un texte entièrement nouveau sur le même sujet j’ai préféré reprendre entre guillemets les passages qui me semblaient encore pertinents et plus ou moins actuels. Les passages gras ont été écrits en 2006.

    « Si le mot trotskysme a été utilisé par les staliniens pour désigner les idées défendues par Trotsky et ses partisans dans les années 1924-1940, pour les militants de l’Opposition de Gauche puis de la Quatrième Internationale, le mot « trotskysme » est devenu synonyme de « marxisme de l’époque de l’internationalisme et du stalinisme ». Pour les groupes trotskystes aujourd’hui, le travail politique et théorique de Trotsky se situe dans la continuité et même au même niveau que celui mené par les militants et théoriciens révolutionnaires de la Première, de la Deuxième et de la Troisième Internationales. Considérer le trotskysme comme le « léninisme de notre époque » est tout aussi erroné que de considérer le léninisme comme le « marxisme » de l’époque de l’impérialisme.

    « En fait les mots de trotskysme, de léninisme et de marxisme n’ont pas grand sens en eux-mêmes. Ils ont tous été inventés par des épigones ou par des adversaires de Marx, Lénine et Trotsky, et entretiennent l’idée fausse que ces différents « ismes » seraient des théories produites par des individus géniaux, exceptionnels, dont la classe ouvrière ne pourrait se passer et seraient des théories closes, fermées, sans contradictions. « Les écrits de Marx, Engels, Lénine et Trotsky sont souvent présentés comme 4 Evangiles qu’il suffirait d’apprendre par cœur et de réciter pour pouvoir comprendre et agir aujourd’hui.

    « Aussi bien Marx, que Lénine et Trotsky ont, de leur vivant, refusé la canonisation de leur pensée individuelle, car ils savaient très bien que leur pensée avait évolué de façon contradictoire, qu’ils avaient buté (sans les résoudre) sur des problèmes théoriques fondamentaux, et que leur travail théorique faisait partie de tout un mouvement d’action et de réflexion collective.

    « De plus, autant à l’époque de Marx et de Lénine, il y eut des dizaines de théoriciens révolutionnaires qui ont enrichi, développé ce qu’il est convenu d’appeler (à tort) le « marxisme », le « léninisme » et leurs théories étaient confrontées à l’épreuve quotidienne des faits, autant à l’époque où Trotsky a mené son combat contre la bureaucratie stalinienne, les théoriciens révolutionnaires » étaient en nombre beaucoup plus réduit. La période de reflux qui a commencé en Europe au milieu des années 20 a frappé tous les groupes communistes de gauche (conseillistes, luxembourgistes, « capitalistes d’Etat », « bordiguistes », etc.) qui ont tenté, à contre le courant, de maintenir des positions révolutionnaires. Si le trotskysme a été et est le courant « révolutionnaire » le plus important numériquement à l’échelle mondiale, il a été victime de cette situation tout comme les autres. « L’apport original de Trotsky » par rapport aux positions définies dans les quatre premiers congrès de l’Internationale communiste (nécessité d’un Parti communiste et de la dictature du prolétariat - réduite malheureusement à la dictature du Parti sur les conseils ouvriers ou les soviets ; soutien aux luttes de libération nationale contre l’impérialisme ; travail dans les syndicats et les organisations de masse ; participation aux élections bourgeoises) « se résume à 5 points essentiels :
    - l’analyse de l’URSS et du stalinisme,
    - la systématisation de la théorie de la révolution permanente déjà ébauchée en 1905,
    - le Programme de transition,
    - l’analyse du fascisme,
    - la critique des fronts populaires. »

    Comme on le voit, l’originalité de Trotsky (à part la théorie de la révolution permanente déjà esquissée après 1905) a consisté surtout à essayer de définir des positions révolutionnaires sur des événements et des phénomènes apparus après la révolution de 1917. Ce qu’il a écrit sur l’URSS est certainement ce qui a le plus vieilli : bien sûr parce que l’Etat soviétique a aujourd’hui disparu, mais surtout parce qu’il s’est trompé à la fois sur ses pronostics et, plus grave encore, sur la nature même de l’Etat russe, ce qui a conduit ses partisans, après sa mort, dans une direction encore plus droitière que leur maître spirituel. Néanmoins, lorsqu’on lit, malgré toutes ses illusions sur les « conquêtes d’Octobre » (la planification et la propriété collective des moyens de production), les textes de Trotsky sur l’URSS, on est à des années lumière de ce que beaucoup de trotskystes écriront, et écrivent encore sur les Etats staliniens après la Seconde Guerre mondiale.

    Nous ne parlons même pas ici des micro-sectes qui défendent les dictatures anti-ouvrières de la Corée du Nord ou de Cuba comme des « avant-postes » du socialisme. Nous espérons seulement, pour ces gens-là, qu’ils sont grassement rétribués par les ambassades de ces pays pour leurs bons et loyaux services. Sinon nous ne pouvons que les plaindre. Mais nous voulons évoquer ici le cas de quelqu’un qui fait partie du trotskysme mainstream, du trotskysme considéré comme à peu près respectable par les médias bourgeois. Que nous raconte Alain Krivine dans son dernier livre « Ca te passera avec l’âge » ? Qu’il est régulièrement invité à Cuba, Etat « ouvrier » selon lui, dans des villas de luxe où il fait de plantureux repas pendant que le peuple cubain se serre la ceinture ! Il ne lui vient même pas à l’idée de refuser de telles invitations et de payer de sa poche une chambre d’hôtel, tant il croit encore que les staliniens cubains seraient seulement des camarades dans l’erreur avec lesquels on pourrait discuter ! Force est de constater aujourd’hui la faillite quasi générale des pronostics liés aux analyses de Trotsky sur l’URSS, le stalinisme, la révolution permanente et l’imminence de l’effondrement du capitalisme.

    URSS et démocraties populaires

    • Contrairement à ses prévisions maintes et maintes fois répétées la bureaucratie ne s’est pas effondrée pour laisser la place au prolétariat, et la propriété privée traditionnelle n’a pas été rétablie à la suite d’une contre-révolution violente.

    • L’analyse de l’URSS faite par Trotsky a joué un rôle négatif dès les années 20 : en luttant pour la réforme du Parti et de l’Etat dans les années 1924-1933 le mouvement trotskyste n’a pas offert de perspective claire aux travailleurs qui vivaient sous le joug de la bureaucratie bourgeoise russe. Après la mort de Trotsky, les groupes trotskystes ont continué à défendre d’imaginaires « conquêtes d’Octobre » (planification, nationalisation des grands moyens de production), ce qui les a amenés à prendre d’innombrables positions ambiguës voire criminelles face aux interventions soviétiques dans d’autres pays et à considérer que des pays comme les démocraties populaires, la Chine ou Cuba pouvaient devenir des « Etats ouvriers déformés » alors que la classe ouvrière n’avait joué aucun rôle dans leur création. De Tito à Castro, les trotskystes n’ont cessé d’espérer qu’une fraction de la bureaucratie stalinienne capitaliste se convertirait magiquement aux idées « trotskystes » et ouvrirait la voie à une « révolution politique » dans les « pays socialistes » (qu’ils appelaient des Etats ouvriers « dégénérés » ou « déformés »).

    Mouvements de libération nationale

    « Contrairement aux prévisions de la « révolution permanente » les révolutions nationales, démocratiques-bourgeoises se sont multipliées dans les pays sous-développés après la seconde guerre mondiale. Alors que Trotsky affirmait que la bourgeoisie des Etats coloniaux était incapable de mener à bien les tâches démocratiques bourgeoises, aucune révolution bourgeoise dans l’histoire ne les a accomplies aussi radicalement que la révolution chinoise ou la révolution vietnamienne pour ne citer que deux exemples. « Et si Trotsky a toujours défendu le rôle dirigeant du prolétariat dans les luttes de libération nationale, les trotskystes, eux, par contre, à part LO et quelques groupes, se sont placés à la remorque des mouvements de libération nationale dirigés par les staliniens.

    Le programme de transition et la compréhension du capitalisme

    « Enfin la tentative des organisations trotskystes d’utiliser le programme de transition s’est soldée par une véritable débâcle. Le programme de transition est non seulement erroné mais il n’offre aucune indication pratique, aucune aide à des militants qui, comme nous, aujourd’hui, ne se trouvent pas dans une situation prérévolutionnaire et qui ont affaire à une classe ouvrière réformiste.

    « Les trois principaux groupes trotskystes de France, qui se réclament tous les trois du Programme de transition, ont à l’occasion de chaque élection municipale, législative, présidentielle ou européenne, montré leur opportunisme. Tantôt en appelant au désistement réciproque des « partis ouvriers » au second tour, tantôt en appelant à voter plus hypocritement pour le PS et le PCF, tantôt en surenchérissant sur la propagande du PCF à propos des nationalisations en axant la sienne sur le thème « Il faut planifier l’économie ».

    « A la faillite des principales analyses théoriques originelles de Trotsky devait donc nécessairement correspondre la faillite du courant trotskyste, dans la mesure où celui-ci s’est avéré absolument incapable de comprendre les erreurs et les limites du fondateur de la Quatrième Internationale.

    « Un des aspects fondamentaux de cette faillite est l’incapacité à comprendre la nature et l’évolution du capitalisme - ainsi que les différences de base entre le mode de production capitaliste et le socialisme. Cette incompréhension a certes été rendue possible par les faiblesses de la Troisième Internationale qui a elle-même été largement marquée par les conceptions dominantes dans la Seconde Internationale : le kautskysme qui consiste à ne concevoir le socialisme que comme une rationalisation, une planification et une étatisation du capitalisme. Cette conception est clairement exposée dans Le programme socialiste de Kautsky qui sert encore aujourd’hui de livre de formation de base aux militants de LO, sans qu’il ait fait l’objet de la moindre critique écrite. Dans Le chemin du pouvoir, où Kautsky défendait pourtant (mais sans se poser concrètement le problème de l’insurrection armée et de la destruction de l’Etat), encore le principe d’une « révolution », celle-ci n’apparaissait que comme le couronnement final d’un mouvement naturel de concentration du capitalisme. Seuls restaient à éliminer les propriétaires et les actionnaires de trusts devenus parasitaires, mais tout l’édifice semblai devoir rester en place : division du travail, hiérarchie, etc. »

    Cette conception se trouve également dans de nombreux textes de Lénine et n’a jamais été sérieusement critiquée par les différents groupes trotskystes. On peut avancer l’excuse faiblarde que la Troisième Internationale, avant de tomber sous la coupe du stalinisme, n’aurait guère eu le temps de faire un bilan complet des malversations que la Seconde Internationale a fait subir au « marxisme ». Mais cet argument du manque de temps et de l’histoire qui « mordait la nuque » des révolutionnaires, ne vaut pas pour les trotskystes qui ont eu 80 ans pour ce travail.

    « Ces conceptions [social-démocrates], la Quatrième Internationale, les trotskystes les ont très largement conservées et l’analyse de Trotsky sur l’URSS confondant étatisation du capital et société de transition vers le socialisme a joué un rôle considérable dans la poursuite de cette mystification. [Sans compter que Trotsky s’est complètement trompé sur les possibilités d’évolution du capitalisme dans l’entre-deux-guerres - puisqu’il considérait que les forces productives avaient cessé de croître et que le capitalisme était entré dans une période de décadence et de déclin définitifs - et qu’il n’a pas su reconnaître vraiment dans le fascisme en Allemagne et en Italie, le stalinisme en Russie et le New Deal aux Etats-Unis, des signes du rôle de plus en plus important de l’Etat dans l’économie - rôle qui allait apparaître de façon éclatante pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Il a fallu attendre le début des années 60 pour voir les trotskystes - du moins la majorité d’entre eux - reconnaître que le capitalisme continuait à développer les forces productives.] Les conceptions social-démocrates du socialisme étatique imprègnent donc largement le courant trotskyste.

    « On les retrouve dans tous les écrits d’Ernest Mandel, le seul théoricien trotskyste qui se soit efforcé de rendre compte de l’évolution du capitalisme et de ses tendances contemporaines - et ses positions n’ont pas été critiquées par les autres branches du courant trotskyste, du moins sur ce point. Ces positions fondent théoriquement la surenchère menée par la LCR par rapport au PCF sur le problème des nationalisations [dans les années 70] : pour les trotskystes, la nationalisation de secteurs clés de l’économie sort du cadre du capitalisme. Lutte Ouvrière qui analysait les Etats de l’Est, la Chine et Cuba comme des Etats bourgeois, n’a pas su partir de cette analyse pour remettre en question l’analyse trotskyste de l’URSS et les conceptions social-démocrates du capitalisme. Elle a préféré l’incohérence théorique à l’aventure de la remise en question du patrimoine trotskyste. Cette incohérence explique en partie le blocage complet de cette organisation sur les questions théoriques et son refus d’y répondre et d’en débattre au profit d’une fuite en avant activiste.

    « Si LO a critiqué certaines interprétations particulièrement opportunistes des textes de Trotsky par les autres trotskystes, elle n’a pas fondamentalement rompu avec Trotsky et commet donc les mêmes erreurs d’analyse et de méthode que les autres organisations trotskystes. En l’absence de prise de positions claires, le « naturel » trotskyste et ses déformations social-démocrates ont rapidement pris le dessus. Ainsi la propagande électorale de LO tournée contre « les gros » qui « volent l’argent dans les poches des petites gens » relevait [dans les années 70] des pires traditions transmises par le guesdisme, la social-démocratie et le PCF, mais certainement pas du marxisme révolutionnaire et ne pouvait en aucune façon aider les militants et sympathisants de cette organisation à dépasser les conceptions vulgaires du capitalisme qui dominent dans le mouvement ouvrier depuis des décennies. Cette dénonciation populiste des « gros » ne pouvait même pas répondre aux interrogations qui agitent les militants du PCF. (...)

    « Le fonctionnement bureaucratique et activiste de LO, l’absence complète de vie politique et intellectuelle dans ce groupe, le mépris pour les questions théoriques que la direction tente d’inculquer aux militants sont étroitement liés à ce refus de réflexion, à cette propagande populiste flattant le gros bon sens populaire dans le sens du poil.

    « Quand une organisation répand l’idée que le capitalisme se réduit à quelques barons Empain, des industriels comme Dassault et à la force de frappe et que la dictature du prolétariat, ce sera les nationalisations sans indemnités plus des écoles et des hôpitaux avec en prime la liberté d’expression pour... les bourgeois, alors elle est incapable d’offrir une alternative révolutionnaire face au réformisme et au stalinisme.

    Une conception manœuvrière du Parti

    « A ce refus de comprendre ce qu’est véritablement le capitalisme (un mode de production qui engendre une division du travail, une hiérarchie, une organisation et des buts de production, et non la simple propriété privée d’une poignée de gros capitalistes qui mettent la main sur l’Etat et se remplissent les poches) s’ajoute une incompréhension complète de la période historique que nous avons déjà exposée en détail dans notre Critique du programme de transition.

    « Pour les trotskystes qui n’ont jamais remis en question la période historique définie par Trotsky dans l’introduction du programme de transition, la révolution est en permanence à l’ordre du jour et seule manque la bonne direction révolutionnaire, seule la trahison des dirigeants staliniens et réformistes bloque l’ardeur révolutionnaire des travailleurs. Il en découle une conception manœuvrière et manipulatoire de l’intervention politique : si les échéances sont proches, il faut absolument se faire reconnaître comme pôle révolutionnaire, y compris en mettant son drapeau dans sa poche. Il sera toujours temps d’annoncer la couleur plus tard. Cette attitude se retrouve de façon différente dans la politique de la LCR et de LO. « La LCR cherche à débloquer la situation par des manœuvres tactiques subtiles, en réclamant un gouvernement PC-PS pour mettre les staliniens et les réformistes « au pied du mur ». »

    Aujourd’hui la LCR parle d’un « gouvernement anticapitaliste », dont la définition est d’autant plus vague que l’on sait que ses camarades brésiliens ont participé aux gouvernements de Lula, le caniche du Fonds monétaire international. Mais la démarche n’a guère varié. Elle est même aggravée par le fait qu’avec le temps, et le renouvellement des militants depuis 40 ans, une bonne partie des adhérents et des dirigeants de la LCR ont renoncé à la révolution, malgré leurs discours du dimanche. Il n’est que de voir toutes les manœuvres de certains courants de la LCR pour participer à la campagne présidentielle unitaire de la « gauche de la gauche » en 2007 (y compris la communication de lettres privées de LO à la LCR au quotidien Libération) pour comprendre qu’une bonne partie de ces gens-là ont la même fringale de pouvoir que Jean-Luc Mélenchon, Clémentine Autain ou Marie-Georges Buffet.

    Ils piaffent d’impatience de cogérer l’Etat avec leurs discours « antilibéraux ». Quant à LO, cela fait belle lurette qu’elle ne s’inspire plus des consignes de l’Internationale communiste pour mettre en faillite les municipalités, comme elle l’avait croire à ses militants lors de ses premières campagnes électorales dans les années 70. En 1978, mais cela s’est aussi répété par la suite, « elle a cherché à l’occasion des élections à apparaître par tous les moyens comme un pôle en regroupant le maximum de voix sur ses candidats. Elle n’a pas reculé devant la pire démagogie allant jusqu’à bannir systématiquement les expressions de « communiste », « socialiste », « révolution » de ses proclamations de foi. Elle a cherché à racoler les voix des femmes de toutes catégories sociales, des petits commerçants définis pêle-mêle en l’occurrence comme travailleurs. Elle a pris la défense des cadres dans plusieurs dossiers de son hebdomadaire dans des termes que le PCF n’aurait pas désavoués (du moins avant son virage sur la hiérarchie de un à cinq et sa campagne « faire payer les riches »). Elle n’a pas cherché à élever le niveau de conscience des travailleurs en expliquant clairement son programme et ses buts.

    « Ce racolage éhonté avait pour but d’obtenir par tous les moyens un strapontin à la Chambre, ce qui apparaissait à LO comme un moyen d’intervention très important en cas d’approfondissement de la crise. Finalement, pour LO, « faire du scandale à la Chambre » semblait plus important que de faire une propagande communiste vers les travailleurs les plus avancés qui se posent des questions sur l’Union de la gauche, les pays de l’Est, etc. »

    Depuis, LO et la LCR ont eu des députés au Parlement européen pendant une législature. On a vu que non seulement ils ne faisaient pas « de scandale », qu’ils n’utilisaient pas le Parlement comme une tribune révolutionnaire, mais qu’en plus ils étaient obligés de collaborer avec les staliniens et les néo-staliniens dans le même groupe parlementaire pour, deux ou trois fois par an, prononcer un discours de 90 secondes ! La situation des travailleurs français et européens ne s’est pas améliorée d’un iota pendant leur mandat. Ces organisations n’ont même pas recruté massivement grâce à leur présence au Parlement européen ou dans les conseils régionaux. Le seul avantage pour LO et la LCR a été d’empocher les indemnités de leurs députés, et de passer un peu plus fréquemment à la télé (le plus souvent dans des émissions à scandale ou de divertissement) ou dans les médias. Un bilan ridicule...

    « Toutes ces manœuvres et contorsions [des trotskystes] ont pour même origine l’incompréhension de la période et des tâches des révolutionnaires » ; il ne s’agit pas « de regrouper des mécontents et de rechercher des raccourcis pour tenter de construire le parti à travers une campagne électorale. La révolution en France - ou dans n’importe quel autre pays - ce ne sera pas une émeute de la faim dirigée par le Comité Central de LO, ou de la LCR, qui seul saura ce qu’est le socialisme. La révolution, si elle se produit un jour, sera le fait de centaines de milliers de travailleurs, organisés ou pas, dont le niveau de conscience et le niveau de compréhension seront cent fois plus élevés qu’ils le sont aujourd’hui et qu’ils l’étaient pendant la révolution d’Octobre. »

    Y.C.


    Note d'anarchoi: la critique de la CNT et d'autres points peuvent sembler discutable, je suggère de lire les commentaires de l'article officiel sur l'en dehors:
    http://endehors.org/news/faillite-du-trotskysme
     
  2. popo pipo
    Offline

    popo pipo Je viens en ami. Expulsé par vote

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    Mai 2009
    Et bien, si certains avaient lu ces "conditions préalables pour engager une discussion approfondie", on aurait économisé pas mal de temps et d'énergie.

    Article intéressant et pertinent, y compris pour ce qui est de la CNT-AIT française même si l'article ne s'attarde pas trop dessus.
     
    Dernière édition par un modérateur: 8 Juin 2009
  3. oh oui, j'avais bien lu tout ca (d'ailleurs je m'attendais d'une réaction de ta part à cause de certains de ces passages..), mais si c'est tout ce que tu as retenu du texte..........
     
  4. popo pipo
    Offline

    popo pipo Je viens en ami. Expulsé par vote

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    Mai 2009
    Oui, le reste est une vraie critique, justifiée, bien renseignée et pertinente des apports et des limites des principales formes du trotskisme.

    On est à mille lieue des délires de certains.
     
  5. ma critique était tout à fait pertinente, justifiée, bien informée, appuyée sur des faits historique, etc...

    À moins que tu considère que la tchéka, la répression des anars et de kronsdadt, la dictature, et tout les autres arguments abordés... ne soient que de petites "impertinences sans justifications". Bref je ne vois pas en quoi soulever des faits historiques aussi importants que ceux-là soit "un délire".

    Quant aux textes de ce genre, il y en a des dizaines et des dizaines qui ont été postés - et systhématiquement ignorés par leurs opposants - puis finalement censurés et supprimés par les pseudos-libertaires. Donc on a esseyé de vous expliquer avec des textes de ce genre, mais vous nous avez obligé de faire autrement.


    tiens, je te suggère de lire aussi cet article:

    http://forums.resistance.tk/message.php?t=6925
     
  6. jeunevoleur
    Offline

    jeunevoleur Membre du forum Membre actif

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    Mar 2008
    sans se baser forcément sur l'histoire ( et ce malgrés les multiples infamies trostkistes) leurs pratiques actuelles suffisent à les discréditer.
     
  7. popo pipo
    Offline

    popo pipo Je viens en ami. Expulsé par vote

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    Mai 2009
    ça sert à rien d'argumenter avec certains surtout.

    Tout ce qui fonde tes "arguments" et ta position absurde est balayé d'un revers de la main par les conditions posées comme un préalable dans ce présent article. Mais sous prétexte que l'article est "contre" le trotskisme, tu crois qu'il renforce ta position. C'est pathétique.

    On critique le trotskisme en essayant de comprendre ce qu'est le trotskisme. Pas en le traitant de fascisme rouge de manière pavlovienne.

    Tu n'as jamais rien "expliqué avec des textes", tu es à peine en mesure de comprendre autre chose que le titre de cet article.

    Et tu sais très bien que le problème, ce sont tes pratiques autoritaires et ton refus systématique d'un vote honnête.
     
  8. Spéculations, spéculations, et encore spéculations.

    Tu n'as rien compris, comme d'habitude.

    N'importe quoi...

    Les autoritaires, ce sont ceux qui censurent les débats, suppriment les votes, suppriment les arguments, et j'en passe...
    (Sinon, les lecons sur l'autoritarisme de la part d'un mec qui veut me bannir sans raison de son forum...............on peut s'en passer)

    Concernant la légitimité du vote, tu sais très bien que TOUT CEUX qui avaient voté pour l'interdiction du trotskisme avaient aussi participés aux débats, ils ne votaient pas en étant influencé par quoi que ce soit et leur position était CLAIRE. Ca, c'est toi qui refuse de l'admettre..

    Je m'arrête ici.

    Parlant de refus systhématique d'accepter quelquechose d'honnête, ca ressemblerais pas un peu à vos positions concernant la proposition du système d'auto-gestion? Tu sais très bien qu'avec ca, il n'y aurait plus aucune possibilité de pratiques autoritaires et tout les faux-problèmes que tu soulèvent seraient résolus.

    D'ailleurs, j'attends toujours que tu répondes aux questions fondamentales de mon dernier MP. Évidement c'est bien mieux de m'ignorer, parce que tu sais très bien qu'aborder ce sujet aboutira aux conclusions indéniables : vous n'avez aucune raison de faire une scision, et il y a déjà une solution à tout les problèmes que vous accusez resistance d'avoir, des solutions légitimes et honnêtes.
     
    Dernière édition: 9 Juin 2009
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