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Clara Meyer-Wichmann : Lutter pour l’humanité

Discussion dans 'Bibliothèque anarchiste' créé par Marc poïk, 12 Novembre 2017.

  1. Marc poïk
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    "Clara Meyer-Wichmann : Lutter pour l’humanité"
    Certains pays ont leurs propres femmes révolutionnaires et visionnaires. Pour la France c’est par exemple Louise Michel (1830-1905), pour les États Unis Voltairiene de Cleyre (1866-1912), pour l’Angleterre Mary Wollstonecraft (1759-1797). Pour les Pays-Bas c’est sûrement Clara Wichmann (1885-1922).

    Clara Wichmann : sa vie

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    Clara Meyer-Wichmann
    Née en 1885 à Hambourg (Allemagne), Clara Wichmann est une jeune fille déjà réfléchie, sensible, avec un fort intérêt pour la philosophie et l’histoire. Après un enseignement du second degré, en 1902, elle se prépare à des études universitaires. Puis elle suit des cours de philosophie (introduction à la pensée de Hegel) et commence à étudier le droit à l’université d’Utrecht. Comme juriste, elle pense à la possibilité d’effectuer un travail social et pratique.

    Après sa maitrise, elle achève ses études en 1912 avec l’obtention d’un doctorat cum laude. Le titre de sa thèse est « Beschouwingen over de historische grondslagen der tegenwoordige omvorming van het strafbegrip » (Réflexions sur les fondements historiques de la transformation dans le temps présent de la notion de punition), (Leiden, 1912 ; réimpressions en 1983).

    La première étape politique pour elle est de s’occuper du mouvement féminin. Depuis 1908, comme étudiante en droit, elle est cofondatrice de la « Nederlandse Bond voor Vrouwenkiesrecht » (Ligue Néerlandaise pour le suffrage féminin). Elle y participe en faisant des discours et en écrivant des articles sur des sujets s’y référant (1908-1911). Mais elle refuse de se limiter à ça. La libération des femmes doit être une libération sociale, économique, et pour l’émancipation sociale, il faut aussi une émancipation spirituelle.

    Dans les années qui suivent, elle fréquente des cercles dans lesquels elle fait connaissance de toute sorte de gens, comme des antimilitaristes, pacifistes, chrétiens, anarcho-syndicalistes, socialistes. Pendant ces années, sa pensée se tourne vers l’anarchisme. Néanmoins, la question qui se pose, jadis et aujourd’hui, est : Que faire ? Faire de la propagande, rejoindre les organisations qui s’occupent des problèmes sociaux et politiques ou créer ces organisations, si elles n’existent pas encore ? Clara Wichmann a fait tout ça.

    Pour se créer une plate-forme de discours et d’éducation elle a fondé, avec d’autres personnes intéressées, en 1915, l’« Internationale School voor Wijsbegeerte » (École Internationale de la Philosophie). Jusqu’à sa disparition, Clara sera active pour cette « École ». [1]

    Bien qu’elle se serve d’une analyse ‘marxiste’ et écrive un essai bien réussi sur le matérialisme historique, elle opte pour une philosophie anarcho-socialiste sur le monde. Tout ce qu’elle a écrit, par exemple dans des revues « Opwaarts » (En haut) et « De Vrije Communist » (Le Communiste libre), utilise la « trilogie » : Comment était-il ? Comment est-il ? Comment sera-t-il ? Ses publications contiennent, ainsi, toujours une explication ou une interprétation, une critique et un essai de construction.

    Dans le prolongement du thème de sa thèse, elle est nommée, en 1914, comme chercheur scientifique au département statistique judiciaire, dans le Bureau Central pour la Statistique (CBS). À ce moment, elle s’occupe des statistiques criminologiques. D’abord par son étude, puis par son travail, elle a appris que le système punitif ne fonctionne pas (voir le grand nombre de récidives).

    Le droit pénal doit être banni complètement, parce que, proclame-t-elle, l’acte de « représailles », n’est pas une manière de « rendre justice ». Par conséquent, elle fonde, en 1919, le « Comité van Actie tegen de bestaande opvattingen omtrent Misdaad en Straf » (Comité d’Action contre les notions existantes du Crime et de la Punition). À l’aide de cette organisation, elle va s’opposer à la situation pénitentiaire, entre autres.

    Il est évident qu’elle a connu beaucoup de personnes dans sa trop courte vie. Je veux en nommer seulement deux d’entre elles. L’un est le très connu pasteur antimilitariste hollandais, Bart de Ligt, l’autre est l’objecteur de conscience, Jo Meijer. Elle a fait leur connaissance à l’École Internationale de la Philosophie. Bart de Ligt et elle ont beaucoup travaillé ensemble pour la paix. En 1921, elle se marie avec Jo Meijer. Elle décède, en 1922, quelques heures après la naissance de leur fille…

    On trouve souvent les deux noms Clara Wichmann et Clara Meijer-Wichmann. On les utilise l’un et l’autre. Utiliser le nom Wichmann avec le nom Meijer, c’est aussi pour honorer le travail que Jo Meijer, le veuf de Clara, a fait pour préserver l’héritage intellectuel de sa femme. Il a collectionné ses articles publiés dans diverses revues et il a rédigé ses discours et ses annotations, qu’il a fait paraître sous forme d’anthologies dans les années suivant le décès de Clara


    Clara Wichmann : quelques-unes de ses pensées


    Si on étudie les textes de Clara Wichmann, on voit comment ses pensées sont vastes. C’est pourquoi il ne m’est possible d’indiquer que quelques points fondamentaux. Comme une éthique individuelle et sociale, qu’elle présente presque toujours comme une unité. En effet, elle pense que les questions d’éthique individuelle et sociale appartiennent au même noyau.

    Dans la société, l’homme vit vers l’ « extérieur » (l’aspect social), et, dans le même temps, il a aussi son propre « intérieur » (sa personnalité). Par exemple, le capitalisme est un système économique basé sur la concurrence et le profit, mais cela aussi est une tournure d’esprit. Si on veut écarter le système capitaliste (l’aspect extérieur), on doit avoir également la capacité personnelle d’un bouleversement intérieur. Entre autres, l’homme doit vaincre la notion de concurrence, qui l’« habite », pour trouver un équilibre intime.

    Sur un autre thème, on retrouve régulièrement son plaidoyer en faveur d’une forte offensive contre toute la contrainte et la violence du capitalisme et de la justice, du militarisme. Elle indique que Proudhon, Bakounine, Kropotkine, Landauer luttent déjà pour une contestation de l’autorité : ni dieu ni maître.

    Ces anarchistes, rêvent-ils d’une société libertaire, où il n’y aurait que des hommes plus parfaits qu’ils ne le sont en réalité ? Non, dit-elle, en citant Kropotkine. Tout ce que nous demandons, c’est qu’on ne fasse pas des hommes plus mauvais qu’ils ne le sont déjà. Ici, on touche aux fondements philosophiques de l’anarchisme. Il faut en appeler aux bons aspects de l’humain, pour aller vers une société plus agréable et acceptable que la société actuelle et capitaliste.

    Pour arriver à cela, elle se demande si la fin justifie tous les moyens ? C’est un autre thème fondamental pour elle. À cette question, elle répond par un non catégorique. Pourquoi ? Elle pense que, dans tout moyen, on doit voir poindre la fin, et c’est ici une société socialiste sans contrainte et libertaire. C’est pourquoi, pour les anarchistes, la fin a un sens co-déterminant quant à la manière de lutter. On essaie de pratiquer les principes libertaires immédiatement, par exemple dans des formes d’organisations libres ou dans l’organisation même de la vie (voir les milieux libres).

    Cela signifie, qu’on n’a pas besoin d’attendre la révolution pour instaurer des relations libertaires. Au contraire, il faut commencer maintenant. Et quand on parle d’un « apprentissage », on doit déjà commencer par les enfants. C’est pourquoi elle a beaucoup écrit sur la pédagogie (explicite sur le système Montessori). Et même dans les cercles de travail, on doit le faire tout de suite. Quant au syndicalisme révolutionnaire, elle a écrit : « parce que la lutte est d’un grand intérêt pour la genèse de nouvelle relations de production, il faut dans le même temps édifier la nouvelle société en intégrant celle de la vielle. Car, on doit apprendre l’autogestion ».

    Tous cela s’accorde avec les pensées de Clara sur « le moral dans la société de l’avenir » (1917). Dans cet essai, elle atteste une opinion, qui sert à parer des reproches d’utopie et de téléologie (étude de la finalité).

    À l’aide d’idéaux, on projette un beau futur à partir de notre présent. Dans ce cas, c’est notre création, notre « édifice ». « La société de l’avenir » est une projection. Elle contient les solutions désirables aux conflits, contre lesquels on lutte dans le présent. Mais, si nous espérons ainsi en l’avenir, dit-elle, nous oublions que l’avenir apportera, irrévocablement, ses propres conflits.

    Jamais, l’avenir ne sera un avenir « pur ». Cela est déterminé pas les différentes couches « géologiques », qui continent d’exister simultanément dans la société, comme des « couches » des Protestants, des utilitaristes, des socialistes. Ainsi, l’avenir est déterminé par plus de facteurs que par les idéaux d’un seul groupe. Travailler à un meilleur avenir, lutter pour une autre société, c’est surtout une question de codétermination des tendances pressenties d’évolution. « Demain n’est pas un aujourd’hui transposé dans l’avenir ».

    Ces idéaux partagés doivent être l’occasion d’accomplir des actes de résistance, et de refus d’obéissance à la règle posée. Il faut faire cela, si possible, d’une manière qui fait apparaître la résistance, le refus comme « créant des normes », au lieu de l’hostilité sans restriction aux normes.

    En développant cette opinion, on retrouve tous les thèmes libertaires chez elle, comme l’objection de conscience, la grève, le mariage libre, la position de la femme, le végétarianisme, l’antivivisection. De cette manière, avec, comme point de départ, la pensée abstraite, elle parvient à la vie réelle et pratique.

    La fonction la plus importante du socialisme libertaire, lui semble-t-il, est sa fonction pédagogique. On travaille comme ça, comme un coucou, pour enlever, au coup par coup, le système capitaliste. Le principe du syndicalisme révolutionnaire devient donc, plus qu’un simple principe d’organisation ouvrière. Le principe du syndicalisme révolutionnaire regroupe ainsi une notion de société entière et une méthodologie de la lutte révolutionnaire.


    Clara Wichmann : quelques-unes de ses pensées juridiques


    Ce sont surtout ses notions de droit en général et de droit pénal en particulier qui sont d’une grande valeur pour la philosophie sociale de l’anarchisme. Cependant, elles semblent contredire les notions anarchistes sur le droit, qui sont vraiment négatives. Mais il faut savoir différencier les unes des autres.

    Par exemple, si on aborde la notion de droit par ses fondements, on peut indiquer la coutume comme fondement du droit coutumier. Les anarchistes ne sont pas a priori contre une telle forme de droit. C’est la même chose pour le libre choix comme fondement du droit, donnant le droit choisi (le contrat libre). La troisième forme de fondement est le droit issu d’un commandement : le droit ordonné (la loi étatique), qui est critiqué avec véhémence par les anarchistes.

    Aux yeux de Clara Wichmann, on doit savoir faire une telle distinction, si l’occasion se présente. Pour se positionner ainsi, elle a analysé le droit du mariage et de la famille en Russie, juste après la révolution de 1917. Comme d’habitude elle désigne d’abord les institutions « mariage » et « famille » dans l’histoire en général. Elle montre la différence entre la famille autoritaire et la famille libre. De plus, elle n’oublie pas d’indiquer, que Kropotkine a critiqué la notion de « loi ». Mais Kropotkine a fait aussi une différence entre les lois qui émergent des vieilles coutumes, et celles qui sont ordonnées par des oppresseurs pour préserver leur position de monopole.

    Ensuite elle commente la loi russe sur le mariage et la famille de 1919. Cette loi, elle la prend comme un exemple positif de la législation, parce que c’est une loi presque sans « droit ordonné ». Pourquoi est-elle si positive ? Parce que cette loi comprend les aspects suivants :

    • l’aspect d’innovation ; elle se concentre sur « permettre », sur faire place nette et elle renonce à la contrainte ;

    • l’aspect de sauvegarde ou de protection ; elle se concentre sur une protection administrative et ses procédures ;

    • l’aspect fonctionnel ; elle se concentre sur l’idée de devenir elle-même (la loi) superflue ; si l’aspect d’innovation a fonctionné et, si, par conséquent, il s’en est formée une coutume, cette loi est devenue superflue.

    Une forme de législation, dans laquelle on trouve ces trois aspects, écarte la vieille contrainte sans en créer une nouvelle. Une telle législation, Clara Wichmann l’aborde comme positive.

    Comme indiqué, on trouve dans la littérature juridique beaucoup de différentes notions de droit. Un mode de considération prend le droit comme un système au profit de la conservation d’un régime. Cette notion de « droit de conservation » se manifeste comme « système-conforme ». C’est aussi cette notion qui pousse surtout les anarchistes à rejeter le droit tout court. Avec une telle perception, on se déplace théoriquement à l’extérieur de la société existante. Mais ce n’est pas évident d’agir ainsi, parce que s’il y a une notion de droit possible, elle doit combiner une position excentrée du « droit de conservation » avec une position intérieure de la société.

    Cela donne la possibilité, d’une part, de formuler une critique sur le droit (contre la conformité) et, d’autre part, de formuler une sorte de droit qui profite des changements socialement désirables (voir l’exemple du droit russe du mariage et de la famille). Un juriste critiquant ainsi la société, prend par définition une position excentrée. Il comprend le droit, ce qu’il définit comme positif, comme « droit-de-l’action ». C’est ainsi que je décris la position de Clara Wichmann en ce qui concerne le droit en général. Je pense qu’elle l’a enrichi avec ses notions juridiques dans la philosophie sociale anarchiste. Et l’on peut faire la même remarque quant à sa notion du droit pénal. Cette notion est connue sous le nom de la « théorie du milieu social » et se concentre sur le thème de la criminalité et la question du droit de punition.


    La théorie du milieu social dans la « criminalité »


    Pour défendre cette théorie, Clara Wichmann a appliqué la théorie de classe de Marx dans le droit pénal. La criminalité est vue comme une réaction aux circonstances économiques existantes, à une certaine époque. La criminalité apparaît comme un phénomène socio pathologique, ainsi, c’est le milieu social qui ‘produit’ (la masse) de criminalité.

    Elle attire l’attention sur le fait qu’on trouve la même sorte d’idée, par exemple, chez le criminologiste français A. Lacassagne (1843-1924), avec son credo, « les sociétés ont les criminels qu’elles méritent », et également déjà chez le statisticien social le plus influent du dix-neuvième siècle, le Belge A. Quételet (1796-1874) avec son credo « c’est la société qui prépare les criminels ». Mais tous ces cercles de criminologistes « campent » sur une pensée bourgeoise. Clara Wichmann a poussé cette pensée dans une direction anti-capitaliste, c’est-à-dire une pensée socialiste libertaire.

    La principale théorie du milieu est la théorie socialiste, parce que cette théorie reconnaît non seulement l’interaction entre l’homme et la société, mais aussi la nécessité de changement du système économique de la société. Qui veut améliorer l’un, améliore aussi l’autre. C’est pourquoi, dans la société actuelle, la prévention de la criminalité est impossible. Seulement, si l’on parvient à introduire un système économique socialiste (et libertaire), et, par conséquent, si l’on enlève de la société les ‘agents’ qui causent la criminalité, on diminue déjà la masse de cette criminalité. Et donc le droit pénal perd beaucoup de sa fonction. De la théorie du milieu social sur le droit découle l’abolition du droit pénal.

    Dans ce cas, elle parle d’ « anarchisme sur le terrain du droit pénal ». Cela ne veut pas dire qu’il ne reste aucune forme de criminalité. Sans doute, il y aura la criminalité, qui a des causes individuelles physiologiques ou psychologiques. Elle indique que l’ « anarchisme sur le terrain du droit pénal », ne doit pas être pris pour un « laissez faire ». La société a le droit de se protéger contre les actes (sociaux) destructifs. Mais on cesse de pratiquer la méthode des barbares, dit-elle. Une telle méthode se fonde sur la contrainte d’un oppresseur, qui répand l’effroi, en espérant qu’on suive ses ordres. Mais elle explique qu’au lieu d’une oppression, on a besoin d’une volonté de compréhension.

    Pour décrire sa position elle s’appuie surtout sur un texte du philosophe français J.M. Guyau (1854-1888), titré Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction. Elle suit aussi Kropotkine en s’y référant : « on ne peut pas améliorer les prisons ; il ne reste pas autre chose à faire que de les détruire ».

    Dans tous ses écrits sur le droit pénal, et également dans des textes relatifs au Comité d’action contre les notions existantes du Crime et de la Punition, on retrouve la théorie du milieu social. Dans ses « Stellingen » (Thèses), formulées pour le premier congrès dudit Comité (mars 1920 à Amsterdam), elle commence à remettre en mémoire la relation entre la situation sociale et la criminalité. Elle attire particulièrement l’attention sur des points comme : mauvais habitat, alcoolisme, sous-nutrition, négligence des enfants.

    Ceux qui s’appellent les partisans de la théorie du milieu social attribuent à ces faits une influence prépondérante comme cause de la criminalité (en masse). De plus, on doit avoir conscience qu’on ne parle ici que des faits criminels formulés comme tels dans le Code Pénal. En effet, on ne trouve pas de prescriptions de peines pour des ouvriers sous-payés ou ses prix de vente trop élevés pour les achats. Au contraire, l’exploitation a force de loi !

    Des preuves pour cette théorie, elle en trouve dans le fait que la plupart des condamnés (ne pas confondre avec de ‘criminels’ au sens éthique) provient du groupe des ‘sans possessions’, notamment les ouvriers saisonniers et, en temps de crise économique, la criminalité augmente très vite. La hausse de la criminalité est le produit du système capitaliste, et ne peut pas disparaître sans laisser s’évanouir ledit système (voir Thèse 11).

    Il n’y a pas seulement la relation entre le crime et la société, mais il y a aussi une relation entre la société et la punition. Ce qu’on appelle, la « vengeance » est restée le but de la punition et la répression nécessaire pour l’exécuter correspond au caractère de la société existante. Dans la société future, la réaction à un comportement déplaisant doit être une activité pédagogique, une activité qui fortifie les forces auto-ordonnantes dans l’homme (voir Thèse 26).

    Ce qu’elle explique, c’est qu’elle veut libérer le milieu social de son ordre répressif. C’est l’idéaliste en elle. Et la réaliste en elle dit : une notion plus humaine quant aux fondements de la criminalité et la réaction contre cette criminalité dans la société existante, n’est pas complètement réalisable, en ce moment (voit Thèse 29).


    L’actualité de sa pensée


    Les pensées libertaires et intellectuelles de Clara Wichmann ne sont pas oubliées. Arthur Lehning , connu pour ses études sur Bakounine, l’avait déjà prédit en tant que rédacteur de la revue anarcho-syndicaliste « Grondslagen » (Fondements ; publié entre 1932-1936). Ainsi, dix ans après son décès, Lehning fait une réimpression d’un article de Clara Wichmann sur « anarchisme et syndicalisme ». En introduction de cette réimpression, il écrit que la personnalité et l’esprit de Clara Wichmann vivent complètement et continuent d’avoir une influence par ses écrits.

    Il ajoute que ces derniers appartiennent à la littérature socialiste la plus importante de Hollande, produite dans le demi-siècle passé. Beaucoup de ses écrits demeureront impérissables dans l’histoire culturelle du socialisme. Ensuite, Lehning qualifie son travail sur le droit pénal de « perçant », se référant aux propos d’un ‘bourgeois’ spécialiste en droit. Non seulement, ce dernier reconnaît la signification de Clara Wichmann, mais il ajoute qu’avec son décès, la science du droit pénal a perdu sa pénaliste la plus originale. Cela fait dire à Lehning, que le socialisme a perdu encore plus avec son décès. Pas seulement une femme talentueuse extraordinaire, mais aussi une personnalité qui, par son travail et sa personne, a défendu l’humanité.

    Les mots d’Arthur Lehning ne se démentent pas. Dans les années soixante, quelques étudiants en droit fondent le « Dispuut Clara Wichmann » (Cercle de débats et de discussions Clara Wichmann), dans la Faculté de droit, à l’Université Erasmus Rotterdam. En nommant ce Cercle Clara Wichmann, on la reconnaît comme précurseur de l’abolitionnisme (du droit pénal existant) en Hollande.

    À la même époque, vont paraître d’autres réimpressions, comme ses « Opvattingen omtrent Misdaad en Straf » (Notions sur le Crime et la Punition) (1971) et son essai sur le syndicalisme (1975). Aussi, le centenaire de son anniversaire, en 1985, ne passe-t-il pas inaperçu ! Le « Bureau Studium Generale » de l’université d’Utrecht organise une série de conférences sur Clara Wichmann, durant lesquelles sont abordés les thèmes traités par Clara, sur l’éthique individuelle et sociale.

    Depuis 1988, la « Liga voor de Rechten van de Mens » (Ligue pour les droits de l’homme) accorde chaque année une médaille Clara Meijer-Wichmann, à une personne ou une organisation, qui s’est engagée pour la défense de l’humanité. Par exemple, on a accordé en 2007 la médaille à la ville d’Utrecht, pour son rôle exemplaire pour d’autres villes, dans le cadre de son support aux organisations, qui aident les sans-papiers à Utrecht.

    De plus, il existe la « Vereniging voor Vrouw en Recht Clara Wichmann » (Association Clara Wichmann pour les Femmes et le Droit). Un des buts de cette association est de former un « réseau » pour des juristes féministes aux Pays-Bas. Aussi, jusqu’à maintenant, en Hollande le « Proefprocessenfonds Clara Wichmann » (Fonds pour l’essai de procès Clara Wichmann) est actif. Ce fonds a pour but de soutenir des procès principaux et de porter des procès proactifs pour améliorer la position du droit des femmes en Hollande.

    C’est clair, Clara Wichmann continue de vivre. Récemment son visage paraît, à côté des visages de Domela Nieuwenhuis et Anton Constandse, sur la nouvelle couverture de la revue « De Vrijdenker » (Le penseur libre), distribuée par la « Vereniging de Vrije Gedachte » (Association de la pensée libre). Et n’est-ce pas remarquable de lire dans la parution très récente en France de livres, dans lesquels des auteurs abordent la question, des droits à accorder aux animaux, sachant que Clara Wichmann s’est déjà préoccupée de ce thème sous le titre « De rechtspositie der huisdieren » (La position du droit des animaux domestiques ; 1920).

    Comme d’autres personnes, j’ai gardé un œil ouvert sur l’importance des pensées de Clara Meijer-Wichmann. Ensemble, avec l’historien Hans Ramaer et l’éditeur Boudewijn Chorus, nous avons fait paraître, en 1979, une anthologie d’une sélection de ses publications, sous un titre qui lui est très cher : « Bevrijding » (Libération). Précédemment, j’ai abordé ses notions de droit (pénal), pour la revue anarchiste hollandaise De AS. Le numéro 17 (paru en 1975), titré « Misdaad, Straf, Klassejustitie » (Crime, Punition, Justice de classe), contient des réimpressions d’articles de Clara Meijer-Wichmann sur le crime et la punition, l’ensemble comportant une introduction de ma part.


    Soyons « réalistes »


    Presqu’un siècle est passé et la société est plus capitaliste que capitaliste. Le droit pénal est peut-être un peu moins cruel, mais le système pénitentiaire ne fonctionne pas ! Dans l’optique d’une théorie du milieu social, c’est à prédire, ce système est en faillite. La lutte pour l’humanité et la libération continue. Une des guides dans cette lutte pourra être Clara Wichmann.
     
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