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Guerres & impérialisme Assaut israélien contre une flotille d'aide humanitaire : Qu'est ce qui a dégénéré ?

Discussion dans 'Webzine - actualité des luttes et partage d'articles de presse' créé par Ungovernable, 3 Juin 2010.

  1. Israël : les raisons d’un désastre

    Deux jours après l’arraisonnement qui a provoqué la mort de neuf militants propalestiniens, il reste difficile d’expliquer pourquoi l’opération de l’armée israélienne a dégénéré. Premières pistes.




    C’est l’un des plus gros fiascos de l’armée israélienne de ces dernières années. Lundi à l’aube, des commandos de marine ont lancé dans les eaux internationales entre Chypre et Israël un raid contre une flottille de six bateaux acheminant 700 militants propalestiniens et 10 000 tonnes d’aide humanitaire vers Gaza. Bilan : neuf morts parmi les passagers et des dizaines de blessés. Un bain de sang qui déchaîne l’indignation de la communauté internationale.


    Pourquoi cette opération s’est-elle transformée en carnage ?
    Pour les commandos israéliens, il s’agissait presque d’une opération de routine : depuis juillet 2008, Tsahal avait déjà arraisonné neuf bateaux ou flottilles cinglant vers Gaza. Cette fois encore, l’armée avait prévenu qu’elle ne permettrait pas aux navires de forcer le blocus de l’enclave palestinienne, imposé depuis la prise de pouvoir du Hamas en 2007. L’arraisonnement s’est passé sans incident majeur sur cinq des bateaux. Il a cependant dégénéré en affrontement meurtrier entre les soldats israéliens et certains des passagers sur le plus gros des navires, qui battait pavillon turc, le Mavi Marmara, affrété par une organisation humanitaire islamiste, la Fondation de l’aide humanitaire (IHH), proche du gouvernement islamo-conservateur turc.
    Les récits de ce qui s’est passé à bord sont contradictoires. Les membres du mouvement Free Gaza, principal organisateur du convoi, affirment que les soldats ont été les premiers à ouvrir le feu, sans justification. De son côté, Israël accuse les militants d’avoir déclenché les violences en attaquant les soldats, à coups de massue et de couteaux, alors qu’ils étaient hélitreuillés depuis des hélicoptères sur le pont du bateau. Les soldats ont-ils fait usage de leurs armes pour «éviter le lynchage», comme l’affirment les autorités ? Ou y a-t-il eu un usage «disproportionné» de la force, comme le dénonce la communauté internationale et nombre d’ONG ? Seule une enquête impartiale pourra permettre de le savoir.
    Les commandos semblent en tout cas avoir été surpris par la violence de la réaction des militants à bord du bateau turc. Le général israélien à la retraite Shlomo Brom, ancien responsable de la planification stratégique de Tsahal, souligne que les services de renseignements ont été pris en défaut : «Ils avaient tout le temps nécessaire pour suivre les plans et les préparations des militants. Des drones fournissaient des images en continu des bateaux et on peut penser que d’autres moyens d’espionnage et de sabotage ont été utilisés : écoutes, perturbations des fréquences radio et téléphoniques, voire même infiltration d’agents. Malgré cela, il est clair, d’après les témoignages des soldats, qu’ils n’étaient pas prêts à ce qui les attendaient.»

    Comment la décision de lancer l’assaut a-t-elle été prise ?
    La marine israélienne se préparait depuis plusieurs semaines à l’interception de la flottille, utilisant même des modèles réduits des bateaux pour s’entraîner. Après des discussions infructueuses entre l’Etat hébreu et les diplomates des principaux pays participant à l’expédition, notamment la Turquie, il était en effet devenu clair que les organisateurs ne renonceraient pas à leur but. La gestion politique des derniers jours précédant l’opération apparaît cependant pour le moins hasardeuse. Plusieurs ministres israéliens ont critiqué l’absence de discussions au sein du cabinet restreint, composé du Premier ministre, du ministre de la Défense et du ministre des Affaires stratégiques, qui donne habituellement un dernier aval à ce genre d’opérations juste avant leur lancement. L’absence du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, en pleine visite au Canada, semble avoir contribué à la confusion.
    Le feu vert final à l’assaut a été donné par le cabinet de sécurité, composé de sept ministres, mercredi dernier, soit plus de quatre jours avant l’opération. Selon un responsable présent lors de la réunion, la plus grande partie des discussions a été consacrée à la gestion médiatique de l’arraisonnement et pas à ses détails opérationnels. Les commentateurs s’interrogent sur le fiasco militaire et stratégique du raid. Pourquoi utiliser les commandos marins alors que les bateaux auraient pu être stoppés par d’autres moyens : opération de sabotage lorsque les navires étaient à quai à Chypre, immobilisation en pleine mer en endommageant leurs moteurs ou interception par la police maritime ?


    Comment la société israélienne réagit-elle ?
    La presse du pays s’est déchaînée, toutes tendances politiques confondues, rendant responsables les dirigeants militaires, et surtout politiques, du fiasco opérationnel du raid et de ses conséquences diplomatiques désastreuses. «En ces temps difficiles, nous n’avons ni le Premier ministre, ni le ministre des Affaires étrangères, ni le gouvernement - composé dans sa majorité de ministres minables et inutiles - dont Israël a besoin», estimait hier un éditorialiste du quotidien centriste Maariv.«Israël n’a pas envoyé ses soldats pour assassiner des civils de sang-froid. C’est même la dernière chose qu’il souhaitait. Et pourtant, une petite organisation turque, imprégnée de fanatisme religieux et d’hostilité à l’égard d’Israël, a recruté plusieurs centaines de militants pour la paix et a poussé Israël dans un piège, en le manipulant comme une marionnette», déplorait quant à lui l’écrivain et militant de gauche David Grossman dans Haaretz (quotidien de centre gauche).
    La classe politique israélienne présentait de son côté un front apparemment uni. A l’exception toutefois de quelques voix au sein du Parti travailliste, notamment celles de l’ancien ministre de la Défense Amir Peretz et du député Daniel Ben-Simon, qui ont sévèrement critiqué le ministre de la Défense, Ehud Barak, et laissé entendre qu’ils pourraient l’appeler à démissionner. L’opinion publique israélienne, comme c’est presque toujours le cas en temps de crise, a elle aussi serré les rangs derrière l’armée.


    Israël va-t-il maintenir le blocus de Gaza ?
    Deux nouveaux bateaux sont en route pour l’enclave palestinienne. «Nous allons continuer à envoyer des bateaux pour qu’ils mettent fin au siège de Gaza et nous pensons qu’Israël au bout du compte reviendra à la raison», explique depuis Chypre la porte-parole du mouvement Free Gaza, Greta Berlin. L’Etat hébreu risque de se retrouver de plus en plus dans une situation intenable vis-à-vis de la communauté internationale, y compris des capitales européennes «amies», qui appellent avec toujours plus d’insistance à lever ce blocus imposé depuis 2007 pour affaiblir le Hamas et qui rend extrêmement difficile la vie des 1,5 million d’habitants de Gaza.
    Le Conseil de sécurité rappelle de nouveau que «la situation à Gaza n’est pas tenable» et demande que l’aide humanitaire puisse y pénétrer «sans entrave». Au gouvernement Likoud-travaillistes de Benyamin Nétanyahou, nul ne remet en cause cette politique car la population israélienne soutient massivement l’étranglement du «Hamastan». Tzipi Livni, l’ancienne ministre centriste de Kadima, la principale force de l’opposition, est tout aussi intraitable : «Je suis pour la poursuite du blocus, sauf pour l’aide humanitaire, car il ne faut pas permettre au Hamas de conquérir une légitimité internationale.» Mené à l’origine avec l’accord de l’Egypte, qui impose son propre blocus terrestre, l’embargo apparaît aussi inutile que contre-productif. «Il suffirait à Israël d’imposer un contrôle sur les bateaux accostant à Gaza, ce que la communauté internationale pourrait accepter, alors que ce blocus nous met de plus en plus dans une impasse», analyse Ilan Greilsammer, de l’université Bar-Ilan.


    Israël est-il aujourd’hui isolé ?
    Les dénonciations et les critiques de cette opération sont unanimes, même si finalement, grâce au soutien de Washington, la résolution votée dans la nuit de lundi à mardi par le Conseil de sécurité, non contraignante, reste modérée dans le ton. Le texte réclame «une enquête impartiale crédible et transparente, conforme aux critères internationaux». Outre son effet calamiteux pour l’image du pays, ce fiasco accroît l’isolement diplomatique d’Israël et porte un nouveau coup à un processus de paix avec les Palestiniens qui peinait à démarrer. Face au tollé international, le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a dû renoncer à une rencontre avec le président américain, Barack Obama, lundi, et doit revenir en Israël pour faire face à cette crise diplomatique d’une rare ampleur, même pour un pays qui en a connu bien d’autres.
     
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