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analyse anarchiste-communiste Une approche anarchiste de la lutte des classes

Discussion dans 'Bibliothèque anarchiste' créé par Marc poïk, 10 Décembre 2017.

  1. Marc poïk
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    analyse anarchiste-communiste
    Une approche anarchiste de la lutte des classes


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    De quoi parlons nous quand nous parlons de classes sociales ?
    Une classe est un groupe social, un ensemble d'individus caractérisés par une position similaire dans les rapports de production. Ces rapports de production sont les rapports sociaux (interactions entre individus et groupe d'individus, rapports de pouvoir et de propriété entre individus et groupes d'individus).

    De quoi parlons nous quand nous parlons de lutte de classe ?
    La lutte des classes est une notion souvent associée à Marx et à la théorie marxiste. Elle fait cependant partie du patrimoine de l'ensemble du mouvement ouvrier socialiste, auquel se rattache l'anarchisme communiste et l'anarchosyndicalisme. Cette notion exprime le conflit d'intérêts entre classes sociales, autour des rapports de production et de reproduction.

    Conception marxiste de la lutte des classes.
    La conception marxiste oppose ceux qui possèdent les moyens de production et tirent de ce fait une plus-value du travail d'autrui en obligeant les travailleuses et travailleurs à un sur-travail, approprié par les patrons et les actionnaire, et ceux -les travailleuses et travailleurs- qui sont obligé de vendre leur force de travail pour vivre. Entre ces deux classes aux intérêts clairement antagonistes, la bourgeoisie et le prolétariat, il existe d'autres classes (paysannerie, professions libérales, petite bourgeoisie...) aux intérêts plus ambigus, mais amenés à pencher, au gré de la situation du moment, et du développement des forces productives, d'un côté ou de l'autre des deux grandes tendances antagonistes. Dans la conception marxiste, c'est donc la propriété ou l'absence de propriété des moyens de production et de distribution qui joue un rôle central dans l'antagonisme de classe.

    Il se structure notamment autour du salariat, qui implique un rapport d'exploitation et de subordination exercé par les patrons sur les ouvriers.

    La conception marxiste fait de la lutte des classes LE moteur de l'histoire. Elle est marquée par un « finalisme » historique, qui estime inéluctable l'avènement de la société sans classe (et donc la fin de la lutte des classe par la « synthèse » que constitue l'instauration du communisme par l'intermédiaire de la révolution socialiste (et de la dictature du prolétariat étant censée entrainer le « dépérissement de l'Etat »). Dans l'acception marxiste orthodoxe, l'ensemble des faits sociaux et historiques sont liés en dernière instance à la lutte des classes, et l'infrastructure économique (les rapports de production) détermine en dernière instance la superstructure politique (idéologie, rapports de pouvoir, etc...)

    Une conception anarchiste de la lutte des classes ?
    Si nous constatons bel et bien l'existence d'intérêts antagonistes dans la sphère des rapports de production, il paraît peu satisfaisant de ne retenir que la propriété (ou son absence) comme élément structurant des rapports de production.

    Plus fondamentale est la notion de contrôle, qui est liée à la notion de pouvoir, dans tout la complexité que renferme ce dernier terme dans la langue française.

    Définir la propriété. La propriété et le pouvoir-contrainte
    Dans l'esprit commun, être propriétaire quelque chose c'est en avoir l'usage et l'usufruit. C'est à dire pouvoir choisir l'usage qui en est fait (l'utilise, le détruire tout ou partie, le céder), bénéficier des richesses qui en sont extraites.

    La propriété, est en fait surtout un acte juridique et son résulat, qui signifie la reconnaissance légale de cette possession, par le pouvoir constitué (le ou les Etats), qui transcrit dans le droit cette possession.

    La propriété est donc d'abord et avant tout un acte de pouvoir. La propriété n'est pas une réalité a-sociale. C'est une relation sociale, interindividuelle. Le fait de s'ériger propriétaire suppose dans le même temps qu'on s'accorde s'usufruit et la possibilité de détruire, modifier ou céder un bien, qu'on en prive les autres individus. Cette réalité est valable tout autant à l'échelle de l'individu humain (personne physique), qu'à celle de « l'individu » entendu au sens d'une institution (personne morale), au sens le plus large de ce dernier terme (système de relation sociale, structure sociale dotée d'une certaine stabilité dans le temps).

    La propriété prive donc (l'autre) autant qu'elle accorde (à soi). « La propriété, c'est (donc) le vol » comme l'a affirmé avec fracas Proudhon[1], et ce à l'exception de la propriété d'usage ou possession individuelle de biens en quantité suffisante pour ne pas priver autrui. Pour que l'affirmation personnelle ou juridique « ceci est à moi (ou nous) » que renferme la propriété ait une réalité matérielle, il faut la capacité bien réelle et matérielle d'empêcher les autres individus -personnes physiques ou personnes morales) d'en user, d'en bénéficier et de la détruire, le modifier ou le céder. La propriété est donc un acte de pouvoir qui reppose sur un rapport de force physique, et symbolique : Elle est l'expression de deux pouvoirs, le pouvoir-brutal et le pouvoir d'influence. Pouvoir d'influence, c'est à dire la capacité de convaincre ou persuader autrui, ou au moins la majorité de la société de la légitimité de cette propriété, ou de convaincre ou persuader ceux qui disposent du monopole ou de l'essentiel de la force brutale (l'Etat en tant que groupe social par exemple). Il s'agit ici du recours à l'idéologie, à la rhéorique et aux outils de persuasion que sont les arguments de droit divin (Dieu m'a donné ce bien), d'autorité (tel chercheur, tel texte de référence conclue à ma légitime propriété sur ce bien), de capacité( c'est parce que je suis plus a même que les autres d'user, de bénéficier et de modifier de manière profiable de ce bien que la propriété doit légitimement me revenir), d'antériorité (c'est parce que moi ou mes ancètres étions là les premiers que nous avons le droit légitime de la propriété sur ce bien matériel ou cette terre). La religion, le contrôle des idées et de leur diffusion, les idées telles que la nation, le droit naturel, voire la science instrumentalisée sont le relais de ce pouvoir d'influence.

    Mais celui-ci n'est que la forme la plus élaborée du pouvoir (qui permet de dépasser le strict rapport individuel et donc de convaincre d'autres personnes d'exercer le pouvoir brutal pour son propre compte), qui permet d'éviter le recours à la force.

    Le pouvoir brutal, quand à lui, c'est la contrainte physique, les coups et blessures, le meurtre, ou la menace sur les autres individus, de manière directe ou indirecte (par exemple en menaçant ou contraignant les personnes qui lui sont liées affectivement).

    La propriété est donc avant tout un acte de pouvoir brutal, reposant la contrainte -ou la menace de la contrainte qui suppose donc l'existence et la possibilité de la contrainte- . En ce sens, il paraît peu raisonnable d'affirmer que l'économique détermine le politique en dernière instance, puisque c'est le pouvoir (brutal ou d'influence) qui permet la propriété.

    Bien sur, en retour, la propriété et l'exploitation qui en découle ont permis l'accumulation de richesse et ainsi l'extension du pouvoir, de l'échelle locale à l'échelle mondiale.

    La question n'est pas ici d'affirmer l'existence d'un principe premier prédéterminant, le pouvoir, (qui remplacerait la propriété et l'économie comme principe premier), mais de montrer que l'affirmation de Marx et des marxistes selon laquelle l'infrastructure économique détermine en dernière instance la superstructure politique est gratuite et ne résiste pas à l'analyse. On préférera montrer que ces deux RÉALITÉS MATÉRIELLES (la contrainte est autant une réalité matérielle inscrite dans le sang et la chair des êtres humains que les biens éphémères ou durables) sont indissociablement liées et sont la conditions l'une de l'autre, dans un rapport dialectique (l'une détermine l'autre et cette dernière détermine la première).

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    Propriété formelle, propriété réelle.
    La propriété en tant que concept juridique dépend donc de ce double aspect du pouvoir : pouvoir d'influence, contrainte (pouvoir brutal). Dans un système social où un groupe social détient le monopole de la force, cherche à le détenir, ou s'arroge le monopole de l'usage légitime de la force, c'est à dire dans un système social étatique, la propriété, individuelle, privée, collective ou étatique est donc garantie par le ou les Etats, c'est à dire en dernier ressort leur appareil de contrainte (police, justice, armée), si leur appareil d'influence (école, université, médias, législation, idéologie dominante et conception sous-tendant la légalité et la notion de la légitimité) échoue.

    On distingue différent régimes de propriété formelle :

    _ La propriété individuelle. Celle-ci peut correspondre à la propriété foncière (terrain, habitat, immeuble) ou à la propriété d'un produit. S'il s'agit de propriété d'usage d'un bien foncier ou d'un produit, on peut distinguer différentes situations : selon que le produit soit rare ou non, selon qu'il s'agisse d'un logement dont on se sert pour soi-même ou au contraire d'un logement loué, selon qu'il s'agisse d'un terrain exploité par le seul paysan ou loué en fermage, ou dont l'exploitation se fait en recourant au salariat... Si l'on envisage la question des rapports de production, celle qui nous intéresse et qui joue un rôle déterminant dans l'antagonisme de classe, il s'agit dès lors de la propriété des moyens de production (champs, mine, atelier, usine...) et de distribution (transport, magasins, etc...).

    Cette propriété peut être individuelle.

    _ La propriété collective, qu'il s'agisse de moyen de production et/ou de distribution, de foncier ou de produit. Cette propriété collective peut avoir deux formes :

    1/ Il peut s'agir de la propriété d'un groupe d'individus sur des biens fonciers ou produits, sur des moyens de production et/ou de distribution, à l'exclusion des autres groupes d'individus. C'est le cas de la propriété sous forme d'actionnariat, qui est une forme de propriété privée partagée. C'est une propriété « collective » au sens ou il n'y a pas un seul propriétaire mais plusieurs, privée, au sens ou elle est privatise, elle signifie l’appropriation d'une chose au dépend des autres. C'est le cas de la copropriété foncière également. Il peut s'agir de la propriété collective de travailleuses et travailleurs sur leur outil de production et/ou de distribution, dans un système économique ou il existe d'autres formes de propriété. Il s'agit ici du régime de propriété des coopératives.

    C'est enfin le cas de la propriété étatique. Nous reviendrons sur cette dernière.

    2/ Il peut s'agir de la propriété sociale, c'est à dire de l'ensemble de la société. C'est à cette propriété collective sociale que nous faisons référence en tant qu'anarchistes communistes, quand nous faisons référence à la propriété collective ou commune des moyens de production et de distribution. Par société nous entendons ici l'ensemble des producteurs et productrices, dans une société sans classe. Cette propriété sociale est en soi l'abolition de la propriété (au sens privatif précédemment définit), c'est le communisme.

    Nous avons vu que la propriété réelle signifie l'usufruit, c'est à dire la capacité d'user librement du bien approprié, d'en tirer les fruits que l'on peut en tirer, de la modifier, le vendre ou détruire tout ou partie. La propriété réelle est donc liée au contrôle effectif que l'individu ou le groupe propriétaire a du bien approprié. En l’occurrence, en ce qui concerne les moyens de production et de distribution, la contrôle signifie la capacité de décider ce qui est produit, pourquoi, pour qui, comment, de bénéficier de ce qui est produit ou d'en faire bénéficier les personnes de son choix. Le contrôle signifie donc la gestion, la capacité de décider, ce qui nous ramène à la notion de pouvoir (pouvoir faire, ou pouvoir faire-faire).

    Dans le cas de la propriété étatique, nous sommes ainsi confronté à une dissociation entre la propriété formelle et la propriété réelle. L'Etat est définit, selon le cas, comme étant le réprésentant de la souveraineté d'un groupe social donné, qu'il s'agisse de la nation (dans le cas d'une dictature nationaliste), du peuple (dans le cas d'une « démocratie » parlementaire dite « représentative), du prolétariat (dans le cadre d'un Etat dit « socialiste). Dans le discours étatiste, la propriété étatique se confond avec la propriété du groupe social représenté (peuple, nation, prolétariat). C'est ce tour de passe passe qui permet à la social-démocratie de présenter les services publiques et les entreprises nationalisées comme des propriété collectives et sociales du peuple, aux socialistes étatistes (marxistes étatistes, léninistes, trotskystes, staliniens, maoistes, blanquistes, etc) de présenter l'étatisation des moyens de production et de distibution (nationalisation, planification étatique,...) comme propriétés collectives et sociales du prolétariat, des nationalistes de présenter l'économie étatisée et dirigiste comme propriété collective et sociale de la nation.

    Mais pour le peuple dans sa grande majorité, pour les habitants de la «nation » (sic) dans sa grande majorité, pour le prolétariat dans sa grande majorité, le contrôle sur ces moyens de production et de distribution, c'est à dire le pouvoir réel (et non formel) de décision sur ce qui est produit, comment, pour qui, pour quoi, à quel prix, est nul ou très faible, puisque la structure hiérarchique, la division entre dirigeants et dirigés garantis aux dirigeants la réalité du contrôle, c'est à dire la propriété réelle, même si la propriété formelle est celle « du peuple », «de la nation », « du prolétariat ». C'est cette confusion qui a permis aux léninistes de présenter un Etat dit « ouvrier » comme le socialisme, la nationalisation comme une propriété commune, et faire miroiter ainsi l'illusion de l'économie contrôlée par les travailleurs.

    Or la persistance de la division dirigeants-exécutants est la négation dans la réalité de cette affirmation formelle. Cette division est elle-même basée sur le double aspect du pouvoir que nous avons évoqué : le pouvoir d'influence (d'où l'importance de la propagande, et l'enjeux qui consiste à faire croire aux travailleurs et travailleuses qu'en travaillant pour l'Etat ils travaillent pour eux, alors qu'en réalité les richesses créées sont contrôlées par les dirigeants, par l'Etat), et le pouvoir de contrainte matérialisée par la police, la justice, l'armée comme groupes sociaux distincts de la population, entre les mains d'un parti ou d'une minorité.

    Faute de contrôle, la propriété réelle des moyens de production est donc entre les mains de l'appareil d'état, c'est à dire des militaires, policiers, juges ou commissaires politiques usant de la contrainte, mais aussi et surtout des bureaucrates et politiciens intellectuels (entendons par là les idéologues politiques se présentant comme avant-garde, exerçant le pouvoir dans les ministères ou les « comités centraux » parallèles) usant de leur pouvoir d'influence.

    La chose est valable pour les entreprises étatiques (nationalisées) en système capitaliste mixte.

    Propriété et contrôle des moyens de production comme fondement de l'antagonisme de classe. La question du pouvoir, la question de l'exploitation, la question de l'apropriation.
    De même, la seule notion de propriété ne suffit pas à rendre compte des rapports de classes et de l'antagonisme de classe en société capitaliste privée comme dans un capitalisme d'Etat affublé du nom de « socialisme », de même que dans un capitalisme mixte de type social démocrate (ou coexiste entreprises privées et entreprises publiques).

    En effet, comment rendre compte dès lors de la position de classe d'un PDG d'entreprise ou d'un cadre supérieur, qui sans être propriétaire des moyens de production (au mains des actionnaires) n'en a pas moins un rôle déterminant dans le processus de décision (ce qui est produit, comment, pour qui, etc...), quand à l'usage de ces moyens de production et de distribution, qui approprie une partie des richesses produites en les volant aux travailleurs-euses, sous la forme de salaires mirobolant, stock-options, etc... et qui se situe résolumment dans le camp de la bourgeoisie ? Comment rendre compte de la position de classe d'un haut fonctionnaire (du point de l'antagonisme de classe) dirigeant une entreprise étatisée, qui n'est pas propriétaire mais décide de ce qui est produit, s'approprie une partie (sous la forme d'un salaire très élevé) des richesses produits mais ne se situe résoluemment pas dans le camp du prolétariat ? Comment à l'inverse ranger dans le camp de la bourgeoisie le travailleur indépendant, propriétaire de son moyen de production (par exemple un atelier), et qui pour autant n'emploit et donc n'exploite pas de travailleurs, comme le sont nombre de petits paysans et artisans ? Faut il ranger le fonctionnaire d'éxécution des services publics (employé à l'éxécution de tâche), hors la police, la justice, l'armée, les gardiens de prisons, dans le camp des exploiteurs ?

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    Ce qui définit dès lors l'antagonisme de classe, c'est donc non seulement la question de la propriété mais aussi celle du contrôle. La lutte des classes est donc un conflit d'intérêts irréductibles sur le plan économique entre les individus qui possèdent et/ou contrôlent les moyens de production (fonctionnaires d'autorité, patrons, actionnaires, politiciens, militaires...), et qui composent LES classes dominantes (bureaucratie, classe politique, bourgeoisie, classe militaire,...) d'une part, et ceux, d'autres part, qui ne contrôlent pas les moyens de production et de distibution et sont obligés de vendre leur force de travail (« manuelle » et/ou « intellectuelle », la séparation entre ces deux sphères étant loin d'être toujours évidente), leur temps, pour survivre, les travailleuses et travailleurs (ouvriers, employés, fonctionnaires d'éxécutions dans les services publiques) d'autre part.

    Mais aussi et surtout entre celles et ceux qui exploitent la force de travail des autres, des travailleurs, s'approprient les richesses qu'ils créent, et ceux dont le produit du travail associé est en partie volée par celles et ceux qui les exploitent.

    A la question de la propriété et du contrôle, s'ajoute donc celle de la subordination (le rapport hiérarchique qu'induit le salariat et qui permet au patron de diriger le travailleur salarié, de lui voler une partie de ce qu'il crée, mais aussi de le priver de moyen de subsistance en le licenciant) et de l'exploitation (le fait de s'approprier une partie – la plus importante- de la valeur de ce qui est produit au nom de la propriété, du capital, de l'investissement, du risque et de la responsabilité).

    D'un côté celles et ceux qui détiennent propriété et capital (la transcription numéraire des richesses possédant une valeur d'échange) mais aussi capital culturel (au fondement du pouvoir d'influence, liée à la séparation du travail dit « manuel », d'éxécution et du travail dit «intellectuel » de décision) , de l'autre celles et ceux qui soit en sont privé, soit en détiennent une part ridicule qui ne leur assure aucun contrôle sur leur vie, sur l'économie, sur ce qu'ils produisent, sur leur travail et la manière dont il s'organise.

    Celles et ceux qui s'approprient les richesses créées, bourgeoisie, politiciens, actionnaires et patrons, ont tout intérêt à en approprier le plus possible, d'où la pression à la baisse sur les salaires, d'où la pression à la hausse sur le temps de travail, d'où le durcissement des conditions de travail pour accroitre la productivité, d'où les licenciement pour faire baisser le cout de la main d’œuvre plutôt que de partager le travail et son produit. En général, ceux-ci sont très conscient de leur intérêts, mais comme ils ont tout intérêt aussi à préserver cet état de fait inégalitaire, d'oppression et d'exploitation, il cherchent à masquer ces intérêts au nom de « l'intérêt commun », à légitimer l’état de fait au nom du droit naturel, de la propriété, du risque, de l'investissement, de la responsabilité, etc... en évacuant soigneusement l'origine première de leur position (le vol, l'exploitation, et la propriété qui le garantit, l'héritage... ).

    Celles et ceux qui sont obligés de se salarier pour vivre, qui sont exploité, ont tout intérêts à récupérer le maximum de ce qui leur est volé (donc de chercher à avoir de meilleurs salaires, ou d'abolir ce vol, et donc l'exploitation que sont le capitalisme et le salariat), à travaille le moins possible en étant le mieux payer possible (puisqu'ils ne bénéficient pas de l'intégralité de ce qu'ils produisent), de constater la domination qu'ils et elles subissent. Ces intérêts de classe s'expriment indépendamment de la conscience qu'en ont les individus qui la composent. L'idéologie dominante contrôlée par les classes dominantes légitime l'Etat de fait et explique en partie le fait que nombre d'individus des classes exploitées n'aient pas une conscience entière de leurs intérêts fondamentaux de classe. Celle-ci vise à leur faire admettre le vol qu'il subissent comme légitime, et de ce fait à conclure à la convergence d'intérêts entre exploiteurs et exploités. Pour autant, l'aspiration légitime de tout être humain au bien être, à la liberté et au bénéfice de ce qu'il produit à part égal avec tous les contributeurs indispensables du processus de production est en contradiction totale avec cette illusion que représente la notion «d'intérêts convergents ». L'inégalité sociale structurelle de la société de classe en est une seconde. Dès lors, la lutte des classe n'est pas une « notion » ou un « concept » auquel il convient d'adhérer, mais le terme qui désigne l'antagonisme observable entre les intérêts des classes dominantes telles que nous les avons définit et des classes dominées sur le plan des rapports de production, mais aussi de la société (puisque la production a un impact fondamental sur la vie concrète en dehors du lieu de production).

    Des classes « intermédiaires » traversées par des intérêts multiples.
    Les travailleurs indépendants (artisans, paysans, et professions libérales tous sans salarié-e-s), n'exploitent pas directement le travail d'autrui (pas de plus-value ou vol, pas de lien de subordination, une propriété des moyens de production qui a priori ne prive pas les autres individus de la possibilité de vivre et survivre, leur égal contrôle sur l'économie).

    Formellement, ils ne sont pas non plus exploités par un patron. Pour autant, ce qui oppose les premiers (artisans et paysans sans salariés) aux seconds (professions libérales), c'est souvent le niveau de revenu ou l'identification symbolique et culturelle. Celles des seconds les rapproche de la bourgeoisie dont ils sont le plus souvent issus, ou culturellement proche. Qui s'appuie sur une sur-valorisation du travail dit « intellectuel » par rapport au travail dit « manuel » correspondant aux intérêts des classes dominantes précitées.

    Celles des premiers les rapproche des ouvriers dont ils sont souvent issus, avec souvent pour mobile d'échapper à la subordination patronale.

    Le travail « manuel » des uns, « intellectuel » des autres les polarise de manière opposées, même si un certain nombre d'individus échappent à ces tendances, et si les artisans qui deviennent patrons, dans des petites entreprises, se mettent à tirer de la plus-value d'autres travailleurs sans pour autant acquérir le niveau de revenue de la bourgeoisie. On peut alors parler de petite ou moyenne bourgeoisie. Les tendances et intérêts contradictoires qui traversent ces classes intermédiaires sont tiraillées au gré du rapport de force entre les classes, mais aussi conduisent à l'expression d'intérêts propres.

    On peut ajouter à ces deux classes celle des petits et moyens cadres, sans grand pouvoir de décision, mais qui tirent profit de la nécessité pour les classes dominantes d'un appareil hiérarchique développé et nécessaire au maintient de leur domination. Leur position hiérarchique tend à faire converger leurs intérêts au profit des classes dominantes (dont ils peuvent tenter de reproduire les pratiques à une échelle inférieure en recourrant au petit actionnariat), même si dans les situations de crises, comme en 2001 en argentine, ceux-ci peuvent en voyant leur position sociale s'éffondrer prendre le parti -souvent de manière temporaire-, des classes dominées.[2]

    De même, la base de l'appareil répressif d'Etat (policiers, militaires, juges...), sans pour autant bénéficier d'un revenu important, voit en tant que classe ses intérêts intrinsèquement liées aux classe dominantes puisque seul les rapports dirigeants/dirigé-e-s, exploiteurs-exploité-e-s liés à la société de classe justifie leur existence parasite comme groupe social.

    La question de l'Etat.
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    L'Etat n'est pas un instrument neutre. Il garantie la propriété, les positions de pouvoir dans le domaine économique et politique au moyen du monopole revendiqué de la force légitime. L'état est un groupe social composé d'une intelligentsia politicienne, politiciens et bureaucrates -fonctionnaires d'autorité-, et des moyens de contrainte que sont la police, la justice et l'armée. Le groupe social composant l'Etat s'approprie une partie des richesses créées par les travailleuses et travailleurs, au moyen des impots, mais aussi, dans le cadre de l'existence d'entreprises nationalisée, en se substuant à la bourgeoisie pour l'appropriation de la plus-value. Les hauts fonctionnaires et chefs d'entreprises publics encaissent des salaires et jetons de présence que rien dans leur activité ne justifie, si ce n'est l'exploitation. Dans le cadre d'une économie étatisée (capitalisme d'Etat même masqué sous le terme « d'Etat socialiste »), c'est la plus-value qui est appropriée par une partie de l'ex-intelligensia devenue bureaucratie controllant l'ensemble de l'économie. Qu'elle le fasse « au nom du prolétariat » et en se prétendant son avant-garde n'y change rien. L'exploitation des travailleurs et des travailleuses, l'appropriation de leur travail est le fait des classes dirigeantes et des classes possédantes.

    Au contraire des marxistes, nous nous opposons au « finalisme historique » qui relève du charlatanisme pseudo-scientifique. Les marxistes ont tiré une grande partie de leur influence politique historique et leur pouvoir de la prétention qu'l existait un « paradis prolétarien» en URSS, "paradis" qui s'est avéré un immense bagne capitaliste d'état pour les prolétaires.

    Mais cette influence, les marxistes la tirent aussi de la prétendu « scientificité » de leur théorie. En science sociale comme en politique, on ne peut faire que des constats et des hypothèses, discutables en tant que telles puisque ceux-ci dépendent des facteurs que l'on prend en compte. Le domaine des prévisions relève de « Madame Irma » ou de Nostradamus, de la religion, mais pas des sciences sociales. Les prèches réguliers et millénaristes sur « l'accroissement des contradictions du capitalisme » « liées » à la « baisse tendancielle du taux de profits » se sont heurtées jusqu'à présent à la capacité d'adaptation permanente du capitalisme, qui n'a pas hésité à recourir au fascisme quand la montée du processu révolutionnaire le menaçait. Tout cela est fort peu matérialiste, et au risque de froisser, relève de l'idéalisme le plus éculé, à une dérive scientiste que dénonçait déjà Bakounine, quand il mettait en garde contre le « gouvernement des savants ».

    La seule chose que nous pouvons affirmer avec certitude, c'est que la marche actuelle du capitalisme et le recul du rapport de force pour les classes dominées conduit à un accroissement de l'exploitation favorisée par la « mondialisation accrue du capitalisme », que la sur-exploitation des ressources énergétiques conduit à un régime de guerre permanente. Que face la barabarie qui pointe son nom, nous choisissons le communisme libertaire comme alternative, parce qu'elle nous paraît la plus valable. Mais l'histoire humaine n'est pas le fait de forces éxtérieures aux être humains. Elle est certes influencée fortement par des logiques structurelles (liée à l'influence des rapports sociaux, à celle des milieux, au poid des héritages conséquence de l'interaction collective qu'est la société, une réalité en mouvement qui puise sa dynamique autant dans le passé que dans le présent...), mais elle est aussi le fruit de la volonté humaine.

    La lutte des classes, une lutte qui s’inscrit pour nous dans la lutte contre toutes les dominations.
    La lutte des classes est une réalité fondamentale, elle n'est pas pour autant LE moteur de l'histoire, même si elle a un double effet d'inertie et de dynamique qui détermine nombre de phénomènes sociaux et historiques.

    Aux rapports de classes s'ajoutent la logique de pouvoir, la lutte entre les dynamiques d'entraide et les dynamiques de concurrences qui parcoure la société, le poids des logiques patriarcales et coloniales qui lui sont en partie liées mais pas réductibles (la société de classe est postérieure au patriarcat), l'addition des actes des individus et des groupes, en interaction, qui n'est pas réductible au seul intérêt économique, ni aux seuls nécessité de la survie...

    Nous savons seulement où sont nos intérêts dans cette lutte des classes qui caractérise la société dans le système étatique et capitaliste, qu'il soit privé, mixte ou d'état. Nous sommes dans le camp des exploité-e-s luttant pour la fin de toute exploitation.

    La lutte des classes est un des aspects de la lutte entre dominant-e-s et dominé-e-s. Notre intervention dans la lutte des classe en tant que travailleuses et travailleurs anarchistes est l'un des aspects d'une lutte générale contre l'ensemble des dominations : les relations de pouvoirs sont inter-reliées, et converges fondamentalement : elles s'alimentent mutuellement. L'approche anarchiste de la lutte des classe s'inscrit dans la lutte contre le principe de la division sociale entre dirigeant-e-s-exécutant-e-s, dominant-e-s-dominé-e-s : elle identifie l'enjeu que représente les relations de pouvoir au même titre que les relations d'exploitations, qui en sont un des aspects.

    Pour cela, nous devons remettre en cause la division et la séparation entre le travail intellectuel et manuel, les inégalités fondées sur les prétendues « capacités », et la sur-valorisation du « travail complexe » (c'est à dire « intellectuel ») commun à la théorie marxiste comme à la théorie capitaliste : le travail est un tout social : conception et organisation n'ont aucune réalité matérielle sans l'exécution, la fabrication matérielle. Les personnes qui étudient le peuvent actuellement que parce que d'autres (les travailleurs-euses dits "manuel-s") les nourrissent, les logent et les entretiennent par leur travail, il n'y a aucune raison qu'ils en tirent des revenus plus élévés.

    L'égalité économique et sociale, la remise en cause de la séparation entre travail manuel et intellectuel sont des objectifs fondamentaux dans la perspective d'une société sans classe.

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    [1] Les références à tel ou tel auteur n'impliquent aucune adhésion à l'ensemble du corpus idéologique et pratique de celui-ci. Pour ce qui est de Proudhon, on signalera à côté d'une analyse brillante de la propriété, un développement des conceptions fédéralistes libertaires, des tendances politiques réactionnaires (mysoginie, antisémitisme, hostilité aux grève et aux coalitions ouvrières...) exprimées dans certains de ses écrits. Ces idées, cet aspects de la pensée de Proudhon sont bien entendu à l'antithèse de l'éthique, des idées révolutionnaires et émancipatrices auquel se réfère l'auteur de ce texte.

    [2] A l'inverse, elles peuvent fournir la base sociale des mouvements fascistes.
     
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